L’art de se priver de clients.
Lundi matin, dur retour au bureau (vous ai-je déjà dit comment je détestais les lundis?). Alors que la musique du dernier Camera Obscura envahit la pièce, un drôle de bruit détourne mon attention : un bruit d’un autre temps, presque d’une autre ère… voici que mon imprimante s’est transformée en fax et se met en mode réception. Je reçois tellement peu de télécopies que c’est comme une fête dans mon bureau quand c’est le cas. Je m’assois tranquillement devant la sortie du papier, comme un chien attendant un kiki, et j’espère l’arrivée du document, les yeux grands ouverts, la langue pendante, les oreilles aux aguets. C’est comme un cadeau du ciel. Une brise sous un soleil accablant. Son premier salaire. Une missive de l’être cher. Le retour à l’enfance à Noël. Un retour de la banque en votre faveur – passez go! / réclamez 200 $. Oubliez ça, je déconne. Quand un fax entre dans mon bureau, je me pose une seule et unique question : qui-peut-bien-m’envoyer-quoi qui ne peut s’envoyer par internet? Avouez. Lundi matin, dur dur retour au bureau (vraiment), le télécopieur me vomit… un menu de restaurant (!). Un menu de restaurant. Quelle bonne idée! Je me tue au boulot à trouver des idées pour mes clients, et voilà que sous mes yeux en format lettre, imprimée noir sur blanc, se trouve l’idée publicitaire la plus géniale, la plus intelligente, la plus sympathique, que le monde moderne ait connu depuis la sollicitation téléphonique. Ce super restaurateur / traiteur a décidé de m’offrir son super menu de super façon, en me télécopiant les super prix de ses super repas sur mon super fax. MON super fax. À MOI. Ce maître du ragoût utilise MA ligne téléphonique, imprime MON papier (recyclé, mais quand même!), utilise MES cartouches d’encre (si abordables!!!) pour ME solliciter. En me relisant, voyez-vous un autre pronom que JE-ME-MOI? Non. Mon cher monsieur cuistot, vous venez de me solliciter à mes frais. Votre stupide télécopie ne me donne pas la faim, elle cause plutôt l’effet contraire au niveau de ma digestion. Votre menu? J’aimerais vous dire que je ne l’ai même pas regardé, mais ça serait mentir. Je n’ai pas regardé les articles sur votre menu, mais votre nom, ça oui. En me disant, qui peut bien m’envoyer quelque chose que je n’ai jamais demandé? Qui peut bien avoir le culot d’utiliser mon télécopieur sans me demander si ça pouvait m’être utile ou m’intéresser. Qui peut bien penser, qu’aujourd’hui, en 2009, avec les dernières technologies, alors que la pub telle qu’on l’a connu vit des moments difficiles, alors que les tendances marketing des dernières années nous parlent énormément de Permission Marketing, qui peut décider à ma place et me foutre de force son menu à la con dans les dents? Saisissez-vous bien la nuance de mes propos? Je vis de la publicité. C’est mon métier. J’adore ce que je fais. Et la pub, j’aime ça. Je regarde les envois postaux qu’on m’envoie et souvent les lis. Je suis abonné à des dizaines de newsletters, communiqués, horaires et menus de restaurant que je reçois quotidiennement par courriel. Je ne m’offusque pas d’être sollicité. Mais de la façon de. Au contraire, je tire un certain plaisir à recevoir ces mails. Quand on m’a demandé par courriel si je voulais recevoir tel menu de restaurant ou tel autre, j’ai dit oui à quelques-uns et non aux autres. Par goût. Par choix. Personnel. Et je peux toujours me désabonner. Quand je veux. Et me réabonner, si je m’ennuie. Et me re-désabonner. Et me ré.. Bon, vous avez compris, je pense. Ce courriel me coûte très peu, et en plus comme j’ai décidé de le recevoir, j’en assume les frais. Alors quand le toqué de restaurateur s’offusque du fait que je lui renvoie son fax avec la mention « ne recommencez plus », je trouve qu’il s’en tire très bien, car si j’avais la moindre malice je pourrais lui faxer l’intégral du Larousse Gastronomique, édition numérique, 1215 pages, de quoi prendre possession de sa ligne téléphonique une couple de journées… et épargner à d’autres d’être persécutés. Si je vous en veux vraiment, maître-traiteur? Mais non, comme disait Brassens, dans « Stances à un cambrioleur »: Monte-en-l’air mon ami, que mon bien te profite / Que Mercure te préserve de la prison / Et pas trop de remords, d’ailleurs nous sommes quittes / Après tout ne te dois-je pas une chanson?…
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Y’en aura pas de facile.
Je suis le spécialiste pour me compliquer la vie. Je vous ai déjà raconté comment je n’aime pas les solutions faciles, les concepts mièvres et les idées préconçues, mais tout cela à un prix. Et je ne parle pas d’argent, mais de temps. De vouloir constamment refaire le monde ou de ne pas vouloir m’engager sur la voie rapide provoque chez moi, un casse-tête de production. Au lieu de me rabattre à créer des concepts faciles à réaliser, j’ai la mauvaise manie de trouver des idées qui me forcent à user d’ingéniosité pour leurs réalisations. Le client est content. Son catalogue, sa brochure, ses communications seront différents, contrastés, originaux, mais m’auront donné des maux de tête et souvent forcé à travailler encore plus (et donc pour moins…). Un exemple : je suis à finaliser un magazine pour un client, dont je vous dévoilerai les images d’ici deux semaines; au lieu de créer une grille facile à utiliser où le texte se place systématiquement à la même place, où les photos sont sensiblement croppées de la même manière et postillonné dans un cadre précis; j’ai opté pour un montage très inspiré par le contenu. Si l’article parle de vêtement, le texte est accroché à un cintre, etc. Cela donne une publication vivante et originale… mais beaucoup plus difficile à réaliser et foutrement plus longue à faire. Je me souviens de mes premiers catalogues Chlorophylle; je travaillais sur une grille assez rigide, avant d’exploser et d’intervenir graphiquement à chaque page. Tout cela prend du temps. Du temps incompressible. Du temps de qualité puisque l’on ne parle pas ici de montage systématique. Mais je suis incapable de faire autrement. Ça va contre mes valeurs. En fait, c’est beaucoup plus simple que cela : je ne ferais pas ce métier-là si je ne pouvais travailler de cette façon. Je m’emmerderais. Et c’est pourquoi je ne m’en plains pas. Je discutais avec une amie graphiste la semaine dernière en lui disant que j’avais eu une semaine de fou. Elle me demandait comment je faisais pour tenir le rythme en me demandant si j’aimais encore ça travailler autant. Je ne vivrais pas autrement. Je ne ferais pas ce métier si je ne pouvais pas le faire comme je le fais. Le feu sacré est indispensable dans tout métier de création. Sinon, c’est l’inertie. Et l’on tombe dans la facilité. Si j’aime encore autant mon métier et si j’y consacre autant d’heures, c’est parce que je peux encore le faire en me creusant la tête, en me réinventant, en me mettant en danger. Le jour où je n’aurai plus de plaisir, je ferai autre chose dans lequel je me réaliserai autant. Dernièrement, je lisais un article intitulé « Design Under Constraint: How Limits Boost Creativity » dans le magazine Wired qui démontrait que plus nous avons des barrières et des contraintes, plus la créativité devient un élément indispensable pour résoudre un problème. Cela m’a fait réaliser que ce que je fais en me forçant à me creuser la tête est une forme d’auto-contrainte. En me mettant des barrières personnelles qui m’empêchent de dormir au gaz je me vois dans l’obligation de me surpasser. Il est là le vrai enjeu. Se surpasser. C’est bien de réaliser un dossier de belle manière et d’en être fier, mais de faire le même dossier et réussir à se réaliser soi-même, c’est encore plus gagnant, à la fois pour soi et pour son client. Le véritable salaire n’est pas toujours synonyme d’honoraires..
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Bla bla bla – ou constatations diverses # 02
Des honoraires, c’est ben beau, mais le livrable lui?
Il y quelques mois, ma montre rend l’âme. Du moins la pile de ma montre. Gisant sur mon bureau, m’implorant de se faire réparer à tous les jours que je passe devant elle, je vais finalement à la bijouterie il y a deux semaines. Le mécano-bijoutier-à-l’oeil-microscope me demande un délai d’intervention que je lui accorde. À peine 20 minutes après être réparée, ma montre re-rend l’âme. Je retourne chez le bijoutier pour me faire dire que la pile remplacée ne devait pas être bonne (!) et qu’il la re-remplacerait… Revenue à la maison, ma montre recommence à faiblir pour complètement s’évanouir. Montre 2, bijoutier 0. Je re-retourne re-revoir le bijoutier pour me faire dire, cette fois-là, qu’il n’y a plus rien à faire. Ma montre a surement un problème électrique impossible à réparer. Cool. Cette montre me sert pour le vélo et la course, GPS – machin, etc. Bref, ça me fait chier d’aplomb. Mais, je décide d’aller demander un second avis. Un autre bijoutier, fort sympathique, me dit, en ouvrant ma montre, qu’on a déjà ouvert cette montre… ( Perspicace…), mais que la personne qui la fait a d’ailleurs dû jeter une pièce (très petite. Mais…) … mais très utile puisque c’est elle qui provoque un court-circuit qui bouffe la vie de celle-ci. Bref, il change la pile de ma montre et remplace la pièce manquante pour la MOITIÉ moins cher que mon bijoutier initial. Méchante introduction pour vous dire que le (premier) méga bijoutier m’avait chargé le double ce celui qui m’a vraiment aidé. Moralité : les honoraires, ça ne vaut rien si ton problème ne se règle pas.
10 jours pour écrire 7 billets, c’est irréaliste.
Depuis que j’écris ce blogue, je roule en moyenne à 3 billets par semaine/11 par mois… À ce jour en avril, j’ai 4 billets d’écrits. Pas fort. Mais en même temps excusable, je travaille énormément et il serait inconcevable de ne pas faire mes dossiers prioritairement. Pour conserver ma moyenne, je devrais écrire 7 billets en 10 jours. Forget it. Lisez quelque chose d’intéressant à la place… le dernier Paul, tiens.
Ce n’est pas nouveau, mais c’est toujours un plaisir de se faire dire qu’on est beau et fin.
Aujourd’hui, réunion de travail en après-midi. Pendant la réunion, au milieu d’une intervention, un membre autoritaire du comité m’interrompt pour me dire à quel point il aime travailler avec moi. C’est vantard. Invérifiable de votre part, mais ô combien gentil pour moi. Je ne suis pas un bienfaiteur, je ne gère pas un organisme caritatif, j’ai uniquement une excellente relation avec (la plupart) de mes clients…
Les journaux n’ont rien compris.
Je sais que c’est devenu un vieux débat sur la blogosphère ces dernières semaines celui de la presse/papier vs presse/ web > blogue. Là, n’est pas la question. J’avoue que contrairement à bien des gens cela ne me dérange pas de « lire » sur internet. Je consomme pas mal de sites d’informations sur le net au détriment des journaux traditionnels. Le problème est que la plupart des gens préfèrent encore le format papier pour le journal; moi, je n’en ai rien à foutre : j’aime bien lire en ligne. Pas n’importe quoi. Oui, pour un bon vieux site HTML, mais pas pour un document PDF. Et le problème majeur selon moi est là. Je m’abonnerais à La Presse, si GESCA (La Presse) décidait de faire une version complète de son édition quotidienne comme celle disponible sur le net gratuitement. Pas une version PDF illisible de son édition papier comme c’est le cas présentement. Je ne comprend pas d’ailleurs pourquoi on ne nous l’offre pas.
Coucou maman.
Ma mouman m’a fait la confidence d’avoir tout lu mon blogue samedi soir dernier et que je l’ai forcé à se coucher tard…
* Pour ceux qui se demandent pourquoi les lunettes…? C’est la nouvelle paire qui se retrouve finalement toujours dans mes cheveux sur ma tête au lieu de sur mes yeux…
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L’art du slogan vide.
Je suis toujours impressionné à quel point certaines entreprises optent pour des slogans complètement vides de sens pour les décrire. Toutes les fois, je préfère m’imaginer qu’ils ont eux-mêmes créé celui-ci, par faute de budget, mais ce n’est pas toujours le cas, souvent la faute ne leur est pas attribuable, mais bien à leur agence. Comment reconnaître un slogan de campagne inutile? J’ai élaboré quelques pièges dans lesquels il faut éviter de tomber que je vous livre ici.
Si le slogan est interchangeable pour n’importe qui, laissez-le à quelqu’un d’autre. L’autre jour, je rencontrais un commerce avec plusieurs succursales, pour leur proposer une nouvelle plateforme de communication. Dans une rencontre précédente, on m’avait demandé de réfléchir sur un slogan qui faisait pas mal l’unanimité à l’intérieur du groupe : « plus que… ». Ce commerce « est plus que » ce commerce. Imaginons que c’est une quincaillerie : la quincaillerie « A », c’est plus qu’une quincaillerie. Si vous êtes capable d’interchanger n’importe quel nom d’entreprise, ce slogan est inutile. S’il peut être mis en oeuvre dans n’importe quel genre de business, cela ne sert à rien. Un concierge « plus qu’un » concierge, un « comptable « plus qu’un » comptable, cela ne veut rien dire à moins de dire de quoi vous êtes « plus que ». De toute façon, tout le monde est « plus que » et personne ne veut être « moins que ». À éviter.
Dire un mensonge, ce n’est pas grave jusqu’au temps que l’on s’en rende compte. Pourquoi affirmer haut et fort que vous êtes le moins cher, le plus fort, le plus fiable si ce n’est pas vrai? Honnêtement, pensez-vous vraiment que les gens croient encore à ce genre de publicité? Pensez-vous vraiment que les gens croient que vous êtes le moins cher quand ils ressortent de chez vous décus de ne pas avoir eu le prix qu’ils pensaient trouver? Au contraire, ils sont fâchés de s’être déplacés pour rien. Pensez à Bell avec sa la vie est belle. Il faut s’être frotté à son service à la clientèle pour se rendre compte à quel point son slogan ne reflète pas ce que l’entreprise voudrait nous laisser croire. Wal-Mart affirme qu’il est moins cher… parce qu’il est moins cher. Point. Si vous ne l’êtes pas, ne le dites pas. Un mensonge en pub vous revient dans la face comme un boomerang. Hey, on est plus en 1950, ce genre de mensonge éhonté est périmé.
Être quelqu’un d’autre n’amènera pas les gens chez vous, mais ailleurs. Sur la même lancée que le mensonge, il faut faire la différence entre ce que nous aimerions être comme entreprise et ce que nous sommes vraiment. Regarder évoluer votre concurrent et faire la même chose que ce qu’il fait n’est pas très brillant. Vous vous identifiez comme suiveur, qui veut se ranger derrière la copie? La meilleure façon de vous faire connaître est de vous décrire comme vous êtes. Vous êtes capable de tenir un rôle qui n’est pas le vôtre combien de temps avant de revenir à vos vieilles habitudes? Vaut mieux être soi-même et mettre ses qualités de l’avant. Les siennes. Quand je rencontre un nouveau client, maintenant, je lui dis ouvertement que si la première qualité qu’il recherche dans une agence est sa rapidité d’exécution, je ne suis pas là. Affirmer le contraire me met une pression inutile et crée une frustration chez mon client à la première échéance défoncée. Je ne dis pas que je suis incapable de faire des contrats urgents, sur pression, je dis simplement que si c’est son critère principal de sélection, je ne suis pas le plus fiable dans ce domaine vu la grosseur de ma boîte. Cela n’enlève rien à mes qualités de créateur. J’aime mieux être choisi parce que je suis bon que parce que je suis vite…
Si ça prend un dictionnaire pour comprendre ce que vous faites dans la vie, consultez-le pour trouver une autre façon de vous décrire. Keep it simple. Les meilleurs slogans sont simples et faciles à comprendre. « Le pouvoir infini du câble» pour Vidéotron, est un slogan simple, facile à comprendre. À moins que vous sachiez que vous vous adressez à des docteurs en physique nucléaire, évitez les slogans qui, pour être compris, ont besoin d’une préalable lecture de « De l’atome aux machines quantiques ». Dans une première vie d’agence, j’aimais, à l’ancienne, déblatérer et préparer le terrain afin de présenter un nouveau concept à un client, aujourd’hui je lance mon concept sans préambule, comme il sera présenté au grand public. S’il faut une introduction ou une mise en situation à un consommateur pour comprendre la campagne que j’ai créée à mon client, j’ai un méchant problème et mon client encore plus que moi.
Ne prenez pas les gens pour des cons. Je n’aime pas les gens qui généralisent. Il se peut que le slogan que j’ai trouvé pour mon client ne soit incompris uniquement que… par mon client. Si vous avez 50 ans et que votre clientèle en a 15, il se peut que vous trouviez la campagne que je propose complètement incompréhensible. C’est normal. Affirmer que les gens ne comprendront pas parce que vous ne comprenez pas n’est pas une équation logique. Faire abstraction de ses goûts personnels est une étape importante à franchir quand on veut communiquer à une masse. Être intelligent ne veut pas dire être incompréhensible, je n’aime pas qu’on nivelle par le bas, qu’on se censure à trouver des mots de deux syllabes en pensant que les gens ne comprendront pas. Méfiez-vous de l’effet contraire : si votre clientèle est du genre « haut de gamme » elle ne se retrouvera pas dans un genre de slogan “bas de gamme”.
Vous êtes peut-être bon à faire ce que vous faites dans la vie, mais je le suis, moi aussi. Faites confiance. Pas aveuglément, mais presque. Quand je fais réparer ma voiture, je ne juge pas le travail du gars car je ne connais pas la mécanique, je me dis qu’il connaît ça plus que moi. Quand mon comptable m’affirme que c’est bel et bien ce montant-là que je dois au gouvernement, je le crois; il a étudié pour ça et ce n’est pas son premier dossier. Quand mon avocat me dit que je devrais signer, qu’on n’aura pas plus de toute façon, je signe, il du métier, il connaît les lois et en a vu d’autres. Si je m’adressais à un gars comme moi pour me trouver un slogan, me créer un concept qui me vendrait bien, pourquoi ne suivrais-je pas ses conseils?
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Paul au Saguenay.
Même si je me suis procuré jeudi le dernier Rabagliati, Paul à Québec, je n’ai pas ouvert le livre avant samedi. Peut-être que je savais trop de quoi ce dernier opus traiterait. Car voyez-vous Paul et moi (ou plutôt Michel Rabagliati, son alter ego) avons tellement en commun. Nous avons les deux, à peu près le même âge, nous avons tous les deux étudié en graphisme à Montréal, nous pratiquons tous les deux le même genre de métier, même s’il a plus choisi de se spécialiser dans l’illustration (et maintenant dans la bande dessinée), les premiers appartements, les enfants, nos vies semblent s’être déroulées de la même manière. Alors, quand j’ai lu une entrevue de l’auteur dans La Presse de la semaine dernière dans laquelle il abordait le sujet de son dernier livre : la mort de son beau-père atteint du cancer, j’ai comme eu une petite retenue avant de me lancer dans sa lecture. Appelons ça une protection pour ne pas trop bousculer ma vie à moi. Le livre encore une fois est magnifique. Michel Rabagliati réussit avec un simple coup de crayon à vous faire rire, sourire et pleurer… Je ne me souviens pas d’avoir versé une larme devant une bande dessinée, avant samedi. Le portrait que l’illustrateur a réussi à faire de la maladie en est un touchant; le désarroi de la famille tout autour, l’incompréhension du constat final, le combat de Roland (le beau-père) contre la maladie, a remué ma petite personne, lui rappelant l’histoire que j’ai vécue dernièrement. N’est-ce pas là la qualité d’une grande oeuvre? Réussir à passer un message positif ou négatif; réussir à nous faire vibrer intérieurement. On a dit beaucoup de choses (du bien) sur Michel Rabagliati ces dernières semaines, certain comme Le Soleil, comparant Paul à un Tintin venant du Québec. Les critiques ont parfois tendance à créer des icônes en exagérant l’apport de ceux-ci à une culture, je ne crois pas qu’on exagère cette fois. L’oeuvre de Paul puisqu’il faut la nommer ainsi est dans la lignée des grandes bandes dessinées. Si l’auteur avait eu la destiné de naître en France, ce sont plusieurs centaines de milliers de copies de ces livres qui se seraient vendues, pas uniquement parce que la population y est plus grande qu’ici, mais surtout parce que la bande dessinée n’y est pas un art mineur. Paul à Québec n’est pas une simple bande dessinée, c’est une oeuvre littéraire, point. Une oeuvre écrite à coup de crayons et de passion, de tragédie et d’humour, de tripes et de vécus, une autobiographie honnête qui démontre, oui, un grand talent de raconteur et d’illustrateur, mais avant tout une grande sensibilité chez l’auteur.
> Paul à Québec – Michel Rabagliati – Éditions de La Pastèque
(Si vous voulez découvrir la série Paul, commencez par Paul à la campagne, le premier tome.)
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À l’attaque des tablettes.
J’ai pris connaissance, via Cyberpresse, d’une étude menée par la firme GFK sur les habitudes de consommation par rapport au choix que font les gens lors de leurs emplettes à l’épicerie. On y apprend que si peu de gens ont une liste écrite lorsqu’ils se présentent au supermarché, la plupart ont quand même une bonne idée des trucs qu’ils comptent acheter. Ce qui est spécial, c’est que la décision ultime se prend à 70 % sur place. S’il n’a pas déjà une marque en tête, lorsque le client se retrouve en épicerie à la recherche d’un produit type, celui-ci ira immanquablement vers une marque reconnue. Il y a peu de chance que le client change sa marque référée s’il la retrouve sur les tablettes. Pour réaliser cette étude, GFK a interrogé des gens qui entraient au supermarché en leur demandant ce qu’ils comptaient acheter pour ensuite vérifier leurs paniers à la sortie. L’indice le plus intéressant de l’étude se situe au niveau des achats impulsifs, non prévus lors de la visite à l’épicerie, représentant 40 % du panier d’épicerie du consommateur moyen. Les dégustations, les offres directes (coupons-rabais, promotions de lancement, etc.) exercent une très grande force d’attraction dans les allées des épiceries. Pas besoin de vous expliquer pourquoi la guerre de la tablette et du comptoir en est une si féroce; la place que prendra un produit par rapport à un autre est déterminante par rapport au choix que fera l’acheteur potentiel. L’importance de l’emballage est primordiale, je ne comprends toujours pas pourquoi un fabricant qui a travaillé, en recherche et développement, pendant des années à créer le produit le plus parfait qui soit, quand arrive le temps de mettre celui-ci en marché, économise sur l’emballage, coupe ses budgets en engageant n’importe qui pour le mettre en marché. Certains produits de qualité sont si mal emballés qu’on n’a pas le goût d’aller plus loin dans notre expérience sensorielle. En confiant le mandat de créer un emballage qui mettra leur produit en valeur à des amateurs, les entreprises mettent leurs ventes en péril. En confiant leurs packaging à des fabricants directs au lieu de passer par une firme spécialisée en graphisme, ces entreprises se privent d’une expertise et d’une aide indispensable quant à la mise en valeur de la personnalité unique de son produit. Si 40 % des achats se font sur le coup de l’émotion, imaginez le pouvoir d’attraction que comporte un conditionnement adéquat qui met les qualités du produit en évidence, certes, mais tout autant inspire et séduit le client potentiel. Avant même de goûter au produit, le client potentiel doit être attiré, informé et convaincu. Combien de fois vous êtes-vous retrouvé devant la tablette, hésitant entre plusieurs produits de marques concurrentes, à « regarder » le produit qui vous semblait le meilleur? Alors que le concept culinaire n’a jamais été autant à l’honneur, que nos tablettes n’ont jamais autant débordé d’excellents produits provenant de partout dans le monde, que la richesse alimentaire est à son apogée, que les consommateurs sont de plus en plus informés, connaisseurs, et épicuriens, il serait bête que votre produit reste sur la tablette…
> Profitez de Pâques qui s’en vient pour acheter des produits de Chocolat Lulu. J’ai pris cette photo dans un magasin, dernièrement, réalisant que malgré ses 10 ans, le packaging que j’avais créé pour leurs figurines en chocolat pour Pâques se défendait encore assez bien.
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Bla bla bla – ou constatations diverses # 01
Un congélateur qui meurt sent le cadavre pour vrai.
Samedi dernier, notre congélateur est mort emportant avec lui des kilos de chorizo, du crabe, des merguez et des milliers de petits fruits cueillis avec amour sous un soleil accablant autour de mouches noires (quel beau pays que cette toundra canadienne!) La mort d’un congélo, c’est une chose, mais son autopsie en est une autre plus accablante encore. Quand j’ai constaté l’heure exacte du décès, j’ai dû prendre mon courage à deux mains ainsi qu’une grande respiration et vider le corps du défunt. Toutes ces victuailles baignaient dans un pied de jus nauséabond. Pour en avoir une idée, passez des bleuets, des framboises, du jus de volaille et de poisson au mélangeur, chauffez le tout et humez… vous aurez une bonne idée; ma meilleure idée fut d’aspirer ce nectar au Shop-Vac : résultat, je me suis douché au jus de congélateur.
Jogguer avec des Merrell de marche déboulonne un vieux body.
J’ai toujours rêvé de courir. De jogguer. Ça ne date pas d’hier : chronologiquement lorsque j’ai vu Rocky 1 pour la première fois, l’idée de courir avec un pantalon gris en coton ouaté et un chapeau en cuir m’a plus immédiatement; pas beaucoup plus tard, le film Charriots Of Fire m’amena à me convertir à la course à pied, le temps d’un tour de pâté de maisons… Bref, 30 ans après ces deux brefs et infructueux essais, j’ai chaussé des chaussures pas fait du tout pour la course et parti sous le chaud (!) soleil de dimanche dernier, accompagné d’un vent de face de 100 km. Je me suis pas si mal comporté. Du moins, je pensais. Je me suis réveillé avec des douleurs inexplicables dans des zones de mon corps dont je ne soupçonnais ni la présence de muscles, encore moins de vie. Bref, j’ai une cheville en compote. Je n’ai pas lancé la serviette, mais je vais m’acheter de nouvelles chaussures. À suivre.
Les journaux font la manchette sur le net.
Les journaux subissent présentement une révolution. Partout dans le monde, on voit des quotidiens centenaires fermer leurs portes et de grandes entreprises de presse avoir de la difficulté. Le web fait un ravage total dans la presse écrite. La plupart des journaux ont pris des virages 2.0, mais la rentabilité n’est pas encore au rendez-vous. Il faut comprendre que la publicité est le nerf de la guerre de la plupart des médias, et le web et la pub ne font pas nécessairement bon ménage. Qu’adviendra-t-il des grands journaux? Difficile de prévoir, je faisais remarquer ce constat à un journaliste du Quotidien en lui disant, pour lui remonter le moral, qu’on aura toujours besoin de journalistes, sur papier ou sur le web; « À quel prix? » m’a répondu sa fibre syndicaliste… Well, je m’attendais à une réponse plus éloquente…
Quand c’est non, c’est non. Jusqu’à ce que ça devient oui. Mais faut souvent un miracle.
5 ans. J’ai passé 5 ans et des poussières sans mettre les pieds dans un restaurant où j’allais auparavant 3 fois par semaine parce qu’on avait décidé de m’y servir comme un client acquis de second ordre. Quand le restaurant a changé de main, mais plus encore de personnel, j’y ai remis les pieds. Je suis comme ça. Fidèle comme un chien tant qu’on me flatte. Prêt à recevoir quelques taloches pour le plaisir de gruger mon os, mais quand je décide que j’en ai assez, y a pas une laisse qui me retient. Et c’est pour la vie. La fidélité est un morceau de bois. C’est dur du bois, mais plus on le travaille, plus on l’altère, plus il perd de sa force. Et contrairement au fer qu’on peut faire fondre plusieurs fois, le bois usé ne se régénère pas. En bon workholic, je dirais que je suis fait de bouleau…
Je veux bien croire que MySpace est pour les oreilles, mais ça fait mal aux yeux quand même.
Suis-je le seul à trouver que le site MySpace est un vomi graphique? Je ne suis jamais tombé sur une belle page graphiquement parlant. Qu’elle soient professionnelles, amateures, d’artistes internationaux, ces pages toutes croches m’enlèvent le goût de découvrir des musiciens pourtant si talentueux…
Une chance qu’on a Facebook pour nous rappeler le jour que l’on est.
S.v.p., cessez d’écrire comme statut: « c’est lundi, bonne journée! », « mardi, deux journées de passées! », « mercredi, milieu de la semaine! ». Vous n’êtes pas obligé d’écrire à tout les jours si vous n’avez rien à dire. Quand on sera assez mêlé pour ne pas se rappeler quel jour on est, on aura qu’à écrire dans notre statut : « heu… quel jour on est….? ».
Je twitt comme un twit.
Bon j’ai décidé de me mettre à twitter y a deux semaines. MAIS. Mais je ne suis intervenu que 3 fois en deux semaines. Ok, je vais m’y mettre, je vous le promets. Au pire j’écrirai simplement le jour qu’on est… Si vous voulez me suivre… twitter.com/traitdemarc
Billets que vous pourriez aimer
Devenez indispensable pour vos clients.
Je le confesse je suis un grand consommateur en ligne. J’achète énormément sur le net. Je suis un addict de Ebay (j’y ai effectué quelques 200 transactions avec une cote d’appréciation de 100 %); en acheteur compulsif sur le web, je maîtrise à perfection la mise de dernière minute aux enchères, je fais sacrer des gens partout autour du monde quand je les coiffe à la dernière seconde dans une transaction ebayenne qu’ils pensaient gagner… je connais les trucs pour bider, les coupons de promos qui nous permettent de sauver sur nos emplettes dans plusieurs sites, je connais les robots qui scannent les prix pour vous, qui magasinent à votre place. J’ai acheté des vêtements, des livres, des disques, du matériel informatique, des lunettes, des polices de caractère, des billets d’avion, des oeuvres d’art, des films et même un évier et de la robinetterie. Pas pour rien que je vous parle d’une réelle confession. Je magasine sur le net autant que Carey Price ne garde le sien (ceci étant dit uniquement pour faire chier mes amis fans de la Sainte Flanelle). Dans l’ère des discours d’achat chez nous, d’achat de proximité, de récession économique ainsi que du développement et de l’autonomie des régions, je vous balance que je suis un traître à la nation et que je transige à travers le monde à la recherche d’un certain ratio qualité/prix sans me soucier du marchand-régional-payeur-de-taxes-et-d’impôts-créateur-d’emploi. J’ironise, vous savez bien. Mais pas tant que ça. Cessons de nous mettre la tête dans le sable, la business du marché de détail n’est plus uniquement locale. La notion du marchand-maître-du-jeu n’est plus. No more bullshit. Dans le passé, on nous disait que tel item était indisponible, que ce prix était le meilleur, qu’une commande prenait un mois minimum. Aujourd’hui, on sait en ligne si l’item est dispo, sinon dans combien de jours il le sera, le prix est vérifiable et la possibilité de le recevoir en 24 h est possible. Ça ne va pas bien pour le marchand du coin? Faux. Regardons les choses autrement. Oui, il y aura toujours quelqu’un, quelque part qui sera moins cher et (peut-être) meilleur. Online ou pas. On ferme boutique? On change de métier? Laissez-moi vous raconter deux anecdotes qui me sont arrivées. Je vous ai déjà parlé de Jiix, cette librairie spécialisée en BD (j’hésite à la catégoriser de la sorte, puisque je considère cet endroit beaucoup plus comme un diffuseur de culture qu’une simple librairie, on en reparlera…), où je me procure pas mal de bandes dessinées. Et bien, il y a une couple de semaines, je reçois un courriel d’un des deux sympas propriétaires qui me raconte que Gipi, un auteur italien de qui j’ai déjà acheté les livres, vient tout juste d’en écrire un intitulé « Ma vie mal dessinée » (quel titre!) et que ce livre devrait m’intéresser. Pas n’importe qui. Moi. Je n’ai pas hésité une seule minute et j’ai répondu tout de suite de me réserver le livre. Aucune recherche alternative de prix ni de commande en ligne. Le marchand venait de faire son job en s’occupant de moi. Cette librairie venait de faire ce à quoi on s’attend d’elle : me conseiller, m’orienter, me faire découvrir selon mes goûts. Tout cela avec un service courtois et poli. Autre exemple avec Jiix qui date de quelques mois : j’avais commandé un livre (dont j’ai parlé, ici) et quand celui-ci est arrivé, au téléphone, les deux libraires me disaient avoir une surprise pour moi lorsque je viendrais cueillir ma commande; une jolie affiche de l’auteur. Sans rien demander. Ce sont deux exemples de service plus difficile à réaliser en ligne. On est loin de l’épopée du fil DMI qui a fait la manchette des revues et des émissions de protection des consommateurs quant au prix exorbitant que certains dépositaires chargeaient comparativement aux vendeurs en ligne. Non. Ici, je parle de conseil. De service pur. D’une façon pas mal plus intéressante de faire des affaires. Au lieu de se soucier de baisser leurs prix de 1$ pour attirer une clientèle futile prête à la quitter pour n’importe qui, cette librairie établit une relation privilégiée avec sa clientèle, en la conseillant, en en donnant plus, en devenant indispensable. Voilà une belle façon de passer la crise économique : être indispensable pour ses clients.
En passant, le livre est magnifique. Gipi est un grand auteur, un grand dessinateur. Même « mal dessinée », cette autobiographie est vraiment généreuse, dure, étrange et complexe, une biographie qui nous livre les peurs, les maladies, les souffrances, les inhibitions, les descentes aux enfers, mais aussi les amitiés, les réflexions, les bonheurs de l’auteur. Aussi complexe qu’une relation client/fournisseur. Merci Jiix pour les conseils.
> Ma vie mal dessinée, Gipi – Futuropolis
Pour une entrevue vidéo de l’auteur, au sujet de ce livre, cliquez ici.
Billets que vous pourriez aimer
Un Festival haut en couleurs.
C’est aujourd’hui que le Festival de Jazz et Blues de Saguenay 2009 prend son envol avec le spectacle d’Harry Manx. Jusqu’au dimanche, 29 mars, pas moins de 30 spectacles seront présentés dans plus de 10 salles pour la plupart dans le centre-ville. Il y aura de la vie sur la rue Racine; aussi bien créer notre propre chaleur, car dame nature a oublié qu’on était rendu au printemps… À surveiller, cette année : l’Orchestre Symphonique avec Yannick Rieu et Alain Lefèvre, la délicieuse Bïa, Émilie-Claire Barlow, Ricky Paquette… consultez l’horaire complet sur le site officiel du Festival. Pour leurs communications de cette année, j’ai décidé d’exploiter une gamme de couleurs assez vives : en fait, les programmes sont imprimés dans 4 teintes différentes, pour créer un effet multicolore quand ils sont enlignés dans un présentoir. Une image festive qui continue d’exploiter « madame jazz » (la fille véhiculée depuis les débuts du festival, il y a aura l’an prochain, 15 ans).
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Dans un billet du mois passé, j’expliquais qu’il arrive très souvent que les tendances se ressemblent, que même en vérifiant préalablement et en tentant de faire des choses différentes, il arrive qu’une idée originale ne le soit pas tant que ça… Astral Affichage lançait la semaine passée sa nouvelle plateforme graphique développée de façon à caractériser chacune des parties du groupe : le bleu pour l’affichage extérieur, le vert pour le mobilier urbain, l’orange pour le transport et le rose pour le numérique… Les mêmes couleurs que celles que j’ai choisies pour le Festival finalement! Pur hasard? Oui et non. Oui, puisqu’à part les couleurs, les concepts sont complètement différents; pour les couleurs, aucun hasard : présentez-vous dans une boutique de vêtements, regardez les publicités (celles du Lait, entre autres) et ce sont les 4 couleurs tendances de la saison (ou de 1982…). C’est ça les tendances. Parfait pour des communications passagères, de saisons, indispensables pour la mode; très peu pour d’autres créations qui se veulent permanentes, qui doivent passer le temps. Pour des gens en création le danger est de tomber dans le panneau, en voulant suivre la mode et de concevoir des pièces qui passeront inaperçues dans le temps.