Maudit que le monde est beau.

 C’est Dédé Fortin et ses Colocs qui chantaient cette toune-là sur leur premier album. Cette chanson m’est revenue en écoutant Elage Diouf chanter l’air qu’il avait prêté au même groupe dans la chanson «Tassez vous de d’là!». Bel exemple de mélange et d’intégration de cultures. Beau métissage. Le même qui se vit au Saguenay depuis le 28 juillet pendant le Festival international des Rythmes du Monde. Avec une programmation réunissant plus de 950 artistes et artisans, provenant d’une vingtaine de pays, le FIRM comme on aime l’appeler est l’happening de l’été au Saguenay. Vingt-et-un pays en deux semaines, de l’Amérique latine à la musique Maghrébienne en passant par l’Europe et l’Afrique, on fait le tour du monde en musique.

C’est cool de voir autant d’étrangers débarquer dans une région si (trop?) homogène. Ça fait du bien. Ça ouvre les esprits. Ça amène surtout des couleurs différentes. Parlant couleur, voici le visuel que j’ai créé pour cette édition 2011. Je voulais un truc sobre, coloré, percutant et festif. Mon client depuis ses tous débuts, j’ai participé au visuel de toutes les éditions du Festival. Déjà hâte de travailler sur l’édition du 10e de l’an prochain!

Si ce n’est déjà fait, profitez de la dernière fin de semaine pour découvrir des sons et des airs que vous ne connaissez pas, pour découvrir des cultures différentes et rencontrez des gens sympathiques.

Maudit que le monde est beau, surtout quand on s’y intéresse!

Melomarc™ – Mano Solo / Internationale Sha La La

Voici un nouveau billet de la catégorie Melomarc™ qui tente de répertorier les albums de musique qui ont marqué ma vie jusqu’à maintenant. Voyez ça comme un voyage à travers mes souvenirs et ma collection d’albums; où la véritable histoire de l’album vit en parallèle de la mienne. J’ai décidé de partager ces coups de coeur musicaux sur mon blogue, mais aussi de les faire découvrir plus personnellement à certaines personnes, en leur offrant l’album décrit via iTunes. Surveillez vos boîtes de courriels, vous aurez peut-être le privilège de recevoir un de ces albums… mais surtout, ouvrez vos oreilles et vos coeurs. C’est la mélodie du bonheur.

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Je voulais écrire sur la mort. Je voulais écrire sur les amis. La mort et l’amitié. Deux thèmes tellement difficiles à concilier. On ne veut pas que nos amis meurent. Comme on ne veut pas que l’amitié s’achève. Pas avec la mort, en tout cas. Ni d’aucune manière. L’amitié meurt et malheureusement, les amis aussi.

Hier, un de mes amis est décédé à 46 ans. Un vieux chum. Un chum du secondaire/cégep/université. Un ami que j’ai négligé trop longtemps. Je ne l’avais pas vu depuis des années. On devait se visiter en septembre. Peine perdue. On remet souvent l’important à plus tard. Trop souvent.

Quand on meurt, on dit que notre vie défile en accéléré; qu’en l’espace de quelques secondes le film de notre vie roule à une vitesse vertigineuse. Comme un condensé. Un concentré de moments heureux et malheureux. Une couple de secondes pour résumer des années. Aujourd’hui, en apprenant la nouvelle de ta mort, c’est ma vie avec toi qui s’est déroulée en quelques secondes. Nos années au Séminaire de Chicoutimi. Où tu m’avais transmis le goût de la photo. Où tu partageais ta grande famille avec tes trois frères, moi qui n’en avais pas. Où l’on échangeait nos premières découvertes musicales. Nos soirées à écouter Yes, Genesis et Led Zeppelin. Notre accident d’auto sur le pont Dubuc. Ton départ vers la grande ville, où je devais te rejoindre quelques années par la suite. Du Noël que tu avais passé dans ma famille à Chicoutimi parce que tu voulais revoir des vieux potes alors que tes parents t’avaient suivi à Montréal. Je me souviens du New Year’s Day de U2 au bar Le Vertige, en célébrant la nouvelle année de 84. Je me souviens du spectacle de R.E.M, cinq ans plus tard au vieux forum, pendant que mon garçon se reposait dans le ventre de sa mère. Où je te faisais la confidence de mes peurs de devenir papa si jeune. Je me souviens de tes croquettes de thon aux Corn Flakes que tu préparais dans ton appartement de Laval. Ton appartement si drabe. Appartement de célibataire. Du vin cheap de dépanneur aux allures de grand cru que l’on buvait. À s’en saouler. À rire de nos blagues. De ton rire silencieux : tu ouvrais la bouche, fermais les yeux, mais aucun son de sortait de ta bouche. Ton rire était intérieur.

C’est con. J’écris tout ça même si ça fait si longtemps que l’on ne s’est pas vu. En fait, on a passé plus de temps sans se voir que de passer du temps ensemble. Je ne connais pas le nom de tes enfants : je ne les ai vus qu’en photo.  Je connais à peine ta blonde. C’est con. Mais j’ai le cafard quand même de te savoir parti. J’ai de la peine de penser qu’on peut partir n’importe quand. Comme ça. Et je pense à moi : la mort, c’est égoïste. On vit celle des autres par rapport à soi. J’ai de la peine. Oui. Mais j’ai de la peine parce que je pense à la mort. Tu me fais penser à la mort. Et la mort c’est triste. Surtout quand tu penses comme moi que ça se termine comme ça. Par la fin, point. Qu’il y a rien après. Sinon ce qu’on laisse comme souvenirs à nos proches. À nos amis.

Je regrette de ne pas avoir provoqué une rencontre. De ne pas être débarqué chez toi, sans t’avertir. Comme le font les amis.

Pourquoi parler de cet album de Mano Solo et de toi. Parce que la mort est au centre de l’oeuvre musical laissée par cet artiste. Parce que tu es mort d’un cancer, Mano Solo, du sida. Deux morts à retardement. Des morts qu’on attend. Qu’on prépare. Comme si l’on pouvait se préparer à mourir. Cet album de Mano Solo me rentre dedans comme une aiguille dans la peau. Me fout le cafard. Cette voix décharnée, rauque et tellement souffrante que celle de ce chanteur me chavire à chaque fois. Ce chanteur controversé qui a décidé de parler ouvertement de sa maladie et a pondu quelques albums, mais c’est ce « live » qui rend le mieux cette douleur intense que ressent un condamné à mort. J’ai déjà parlé ici que la musique française venait me chercher dans mes moments les plus sombres, celui de Mano Solo a une place de choix dans ma discothèque « nostalgie ». Ses textes durs, sa poésie noire en font un album d’une tristesse certes, mais d’une beauté incroyable. Triste comme la mort peut l’être. Beaux, comme les amis le sont.

En pensant à toi, Hugues, j’ai pensé offrir Mano Solo / Internationale Sha La La à Réjean, un pote que tu n’a pas connu. Parce que je sais qu’il appréciera cet album, mais surtout parce que l’amitié s’entretien, par des petites pensées comme celle-ci. Comme j’aurais dù entretenir la nôtre. Adieu « Grand Droit’ »!

> Mano Solo / Internationale Sha La La sur iTunes


Affinité.

Les entreprises tentent désespérément de séduire les consommateurs. À grand renfort de prix spéciaux, de promotion, de pubs, ils veulent accrocher, séduire et provoquer un attachement à leur marque. Notre produit est le meilleur. Notre service est irréprochable. Nos prix sont les plus avantageux du marché. Tout ça enrobé dans un visuel génial avec les bons mots. Je le sais, car c’est mon job de faire ça. D’emballer. D’emballer des produits. D’emballer des gens pour ces produits.

Je suis comme une agence de rencontre. Produit A cherche consommateur B pour relation durable, chercheur de prix s’abstenir. Je suis un entremetteur. C’est mon job de vous matcher. De combler vos désirs de consommation. Et comme dans ces réseaux-là, il nous arrive de faire des mixes douteux. D’arriver à vous faire aimer ce que vous ne désiriez pas, une minute avant de l’avoir vu. En vous vantant des atouts. Atouts auxquels vous ne vous attendiez pas.

Ça fonctionne? Pas toujours. Difficile de créer de l’amour, vous savez. C’est un sentiment complexe qui ne s’invente pas. On peut faire semblant, comme dans une relation humaine, mais on vient rapidement à vous démasquer. Et tout balance. Le faux amour se transforme en vraie haine. L’amour, c’est un sentiment avec lequel on ne badine pas. C’est sérieux l’amour. Et comme ça ne s’achète pas, logiquement ça ne se vend pas non plus.

Et si je vous disais que l’amour, ce n’est pas si complexe que ça.

Et si je vous disais que finalement, si vous voulez séduire, vous n’avez qu’à être ce que vous êtes. Pas plus, pas moins. Seulement, ce que vous êtes. Et que si vous l’on vous choisit, ce n’est que parce que vous êtes fait ainsi. Sans flafla, sans artifice ou maquillage. Rien de tout ça. Seulement en exprimant qui vous êtes et ce que vous recherchez. Avec vos qualités et vos défauts. Honnêtement.

Pour qu’une relation humaine fonctionne, il est primordial d’y retrouver des accords communs. A est avec B, parce qu’ils pratiquent tous les deux une activité C, que leurs valeurs se rejoignent ou qu’ils ont les mêmes réflexions sur des sujets différents. Des affinités. Ressemblance, analogie, parenté, comme dirait Antidote, mon dictionnaire. Un commerce au niveau de l’amour, est comparable à un humain. Si elle veut être désirée, convoitée et devenir l’élue dans le coeur du client, elle doit mettre de l’avant sa réalité. Pas en se créant un réel. On cherche du vrai. Je connais un magasin de sport dont les deux propriétaires sont des cyclistes chevronnés. Sa clientèle? Des cyclistes chevronnés. Je connais un autre magasin de sport qui cherche à attirer ces mêmes cyclistes avec un staff qui maîtrise les termes techniques, certes, mais qui est incapable de comprendre ce que ces sportifs vivent quand ils ont le feu dans les mollets au milieu d’un col abrupt. Absence d’affinités. Et ça, ça ne s’invente pas. À long terme, y aura pas possibilité d’accrocher ces sportifs parce qu’on ne pourra pas parler d’une relation forte, de ce mélange primordial d’affinités. L’erreur que fait le deuxième magasin, c’est de vouloir faire croire qu’elle est comme le premier, alors que c’est tout faux. Au lieu de mieux servir sa clientèle de base, il veut à tout prix en solliciter une dont il n’a pas les affinités. Pensez à mon allégorie d’agence de rencontres : un vieux fumeur, abonné au MacDo, fan de hockey a peu de chance de séduire une jeune violoncelliste végétarienne, coureuse de marathon. Absence totale d’affinités. Absence de relation. Absence d’amour.

Votre entreprise pense à tort que ce sont les clients qui vous choisissent et c’est là votre erreur : prenez les devants en affichant vos couleurs. Soyez vous même en cherchant à mixer vos affinités avec des gens qui vous ressemblent. Et vivez, vous aussi le grand amour.

Billets que vous pourriez aimer

Parle, parle, jase, jase.

Discussion intéressante avec un client/ami lors d’un diner improvisé la semaine passée. On échangeait sur les gens qui parlent, mais qui n’agissent jamais. Ces sempiternels rabats-joies qui tirent sur tout ce qui bouge sans apporter une simple petite solution. Ces critiques acerbes qui ont de belles paroles pour décrier toutes les situations, mais en ont rarement pour apporter des réponses ou solutions concrètes à des problèmes. Comme s’ils étaient éternellement dans l’opposition. Des gérants d’estrade. Des sportifs de salon.
Ces gens-là me dépriment. Bla-bla contre ci, bla-bla contre ça. Jamais content. Toujours à comparer. Non pas que je sois contre toute critique, au contraire (ce blogue en est la preuve…), mais j’ai plus de respect pour les gens qui démontrent leurs convictions par des actions précises que par des bla-bla faciles et non concluants. Faut que les bottines suivent les babines. Faut que les actions suivent les pensées, sinon ça demeure du vent. De l’air.
Critiquer des situations sans tenter d’y opposer des alternatives ou des solutions est à la portée de tout un chacun. Proposer des changements et assumer ses prises de position demandent un peu plus de courage. J’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui s’assument, même si je ne partage pas leur combat ou opinion. Argumenter. Définir sa pensée. Accompagné son « je n’aime pas » d’ingrédients plus précis et de finir par changer la recette.
J’aime beaucoup discuter avec ces entrepreneurs. Ces gars ou ces femmes-là qui mettent leurs tripes dans ce qu’ils créent. Ils vont toujours de l’avant. Ne vivent jamais dans le passé. Ils auraient souvent mille et une raison de se plaindre : contexte économique, compétition, lois trop sévères, etc., mais ils préfèrent garder leur salive pour se cracher dans les mains et travailler. Pour faire avancer leur entreprise. Et ceux qui préfèrent parler se font dépasser par ceux qui agissent.
Les réseaux sociaux ont permis une démocratisation de la liberté d’expression. Tout le monde a maintenant son porte-voix, son public et surtout des opinions sur tous les sujets. Les prises de position sur l’actualité sont dorénavant mises de l’avant à grand coup de changement de statut sur Facebook. On s’affirme à raison de 140 caractères sur Twitter. On écrit plus, certes, mais on réfléchit moins. On se laisse dicter notre pensée. Par ceux qui crient plus fort, par ceux qui tranchent le plus. On embarque dans un débat sans connaître toutes les facettes du sujet. Avec des idées préconçues. Avec nos valeurs. En jugeant toujours le sujet par rapport à soi. La fameuse saveur du moi.
Comment peut-on avoir une opinion sur tout? Et surtout, pourquoi avoir une opinion sur tout? Quand tu as plus d’opinions que de connaissances sur un sujet, ça devient inquiétant. Et toutes ces critiques défilant uniquement sur un fil RSS, sans se métamorphoser en prises d’actions précises, ça demeure du bla-bla. Un flot de mots. Un flot de maux.

À vos coupes!

C’est le 8 et le 9 juillet que les amateurs de vins du Saguenay pourront assouvir leur soif… de savoir. Oui, oui, je sais, pas uniquement de savoir, mais gardons-nous petite gêne, si vous voulez bien. Vous êtes sur un blogue sérieux, ici. Et le vin, quoique festif est de plus en plus devenu un sujet sérieux dans la plupart des chaumières québécoises. Du breuvage des grandes occasions d’autrefois, le vin a pris une place encore plus importante sur les tables du Québec d’aujourd’hui. Les caves à vins personnelles sont dorénavant courantes, les connaissances des amateurs encore plus développées et le choix, grâce aux importations privées, est devenu d’ordre mondial.
Se déroulant sur la rue Racine, dans le centre-ville ou la zone portuaire, en cas de pluie, le Festival des Vins de Saguenay regorge d’activités pour parfaire ses connaissances et surtout faire des découvertes. L’accès sur le site est gratuit ainsi que toutes les activités de dégustations présentées durant le Festival. Des coupons sont disponibles au coût de 1 $ chacun sur le site de l’événement et le nombre de coupons demandés varie selon les produits offerts. Des activités de dégustation vous sont présentées par des passionnés du milieu ou tout simplement par ceux qui ont fabriqué les produits que vous aurez la chance de découvrir.
Pour sa cinquième année, j’ai revu complètement le visuel. Changement de logo et création d’un visuel facilement adaptable : tous les éléments graphiques (bouteille, serviette de table, visages) sont autonomes et peuvent être appliqués de façon différente, permettant de mieux s’adapter aux différentes pièces de communication. Par exemple, le programme a été créé à la verticale, le poster à l’horizontale. Les visages créés par les cernes des verres laissés sur la serviette de table donnent le ton au véritable sens d’un tel festival : oui, nous y sommes pour parler de vins, mais surtout de parler à ses artisans, distributeurs et créer des liens avec ceux-ci. C’est là que le Festival des Vins de Saguenay prend tout son sens. Parler, découvrir, apprendre et passer du bon temps avec gens passionnés qui font un métier hors du commun.
Belle nouveauté cette année, le Festival a développé une application pour iPhone, permettant de scanner les code-barres des bouteilles dégustées afin de pouvoir en saisir les informations. Bel outil qui permet aux étourdis, comme moi de se souvenir de vins dégustés.
Allez vous pointer le nez au Festival et prenez une coupe à ma santé!

Les pixels n’ont pas d’odeur.

En fin de journée, j’avais un joli cadeau qui m’attendait au bureau. On venait de me livrer des exemplaires d’une affiche et d’un programme réalisés pour un client. Enveloppés dans du papier kraft, les deux paquets ressemblaient à des cadeaux sous un arbre de Noël. J’ai lentement déballé un à un ceux-ci en prenant mon temps, comme si je me faisais languir. Aussitôt le premier morceau de ruban gommé détaché, une odeur d’encre s’évadait par l’embouchure.
Ça sentait bon. Ça sentait l’imprimerie. Désolé pour mes amis programmeurs, mais la mise en ligne d’un site web n’a rien à voir avec la livraison d’une pièce imprimée. Les pixels n’ont pas d’odeur.
Dans mon bureau ça sentait l’imprimerie. Ça sentait le passé. Une bouffée de nostalgie. Des souvenirs se sont réveillés lorsque ces effluves ont disparu dans mes narines.

Léopold
En 1983, lorsque je suis entré pour la première fois à l’Imprimerie Léopold Tremblay, ce ne sont pas l’odeur, ni les presses qui m’avaient impressionné, mais le crucifix qui trônait dans le bureau en préfini du propriétaire des lieux. Léopold qui avait accepté d’engager ce jeunot apprenti de 17 ans que j’étais pendant les vacances d’été, était très religieux. L’Évêché de Chicoutimi et la congrégation des Soeurs du Bon-Conseil faisaient partie de ses clients importants. Ainsi que la chaîne de magasins Continental. Je n’avais aucune expérience, si ce n’est que celle acquise au Cégep au journal étudiant. Un vert au nombril bleu qui allait apprendre à mélanger d’autres couleurs.
J’allais surtout apprendre ce que serait mon métier plus tard.
Sous la supervision de Suzie, la graphiste, j’ai commencé à faire des petites jobs de montage : carte d’affaires, en-tête, factures, tous ces papiers utilitaires qu’on retrouve un peu partout, cette papeterie noble qu’on imprimait sur du papier NCR, ce papier révolutionnaire qui remplaçait le carbone permettant de faire des copies sans se tacher. Blanche au client, rose au livreur et jaune pour le commerçant.
J’étais tellement impressionné par la dextérité de Suzie. Sa propreté, cette ligne franche qu’elle traçait au Rapido Steadler à l’aide de sa règle parallèle. Sa facilité à glisser les galées de typo dans la cireuse chaude, à les déposer sur le carton en vérifiant que tout était droit. Ça l’était toujours tout de suite, elle devait replacer que très rarement ses colonnes de textes. Ses montages étaient des oeuvres d’art. Propres, précis, droits. Les miens, à côté, étaient des épouvantables collages malpropres. N’étant pas manuel, mes montages à force d’être repositionnés et repositionnés, laissaient des traces noires sur le carton, mes lignes laissaient des barbeaux immenses que je devais par la suite gratter à l’X-Acto causant des trous, des cicatrices dans mes montages. J’étais un mauvais apprenti. J’exaspérais Suzie. Je n’avais pas son adresse ni son expérience. Mais j’aimais ça. J’aimais ce métier d’artisan. J’aimais ces petits gestes que je devais poser. De prendre un carton couché, d’y tracer des lignes-guides bleues que la caméra serait incapable de reproduire, d’y poser par la suite les filets définitifs à l’encre noire; de créer des coins ronds au tire-ligne, de mesurer les éléments graphiques, comme un logo d’entreprise, que je déposerais par la suite sur mon montage après l’avoir réduit à la caméra dans la chambre noire.
J’aimais les odeurs. Ces odeurs. Celle âcre et vinaigrée des produits chimiques des PMT. Celle de l’encre; dense lorsque dans son pot de métal d’origine, presque poivrée quand elle venait s’écraser sur le papier et parfumée quand on enveloppait la publication terminée dans des paquets de papier kraft. Comme l’odeur de cet après-midi. J’aimais aussi l’odeur du papier. À l’arrière de l’imprimerie où étaient disposées les piles de grandes feuilles; glacées, texturées, de couleurs, l’humidité de l’endroit tranchait avec l’aridité des paquets éventrés d’où émergeaient des restants de feuilles dont on faisait des calepins pour les clients. L’odeur de la colle blanche qui servait à relier les volumes : Léopold Tremblay imprimait aussi des livres, ce qui était quand même rare pour une si petite imprimerie. Ruth, une collègue s’occupait de la reliure; à cette époque, les factures numérotées étaient assemblées à la main. Quand mes tâches étaient terminées ou que Suzie en avait assez de me voir détruire mes maquettes, j’allais rejoindre Ruth pour la suivre comme un petit chien, ramassant une à une les feuilles pour les assembler. Une job difficile. Pas complexe, non, mais tellement répétitive et abrutissante. Que faisait Ruth sans se plaindre. Ou madame Léopold qui venait lui donner un coup de main. Y avait aussi l’odeur des machines. Des presses. De la cigarette de Guy, le pressier principal. Cigarette au bec, il changeait les plaques d’impression sans la déposer. Guy et ses blagues cochonnes.
J’aimais aussi le bruit. Celles des presses omniprésentes, cacophoniques, souvent en canon. Celui de la radio de Guy. Transistor au fil pendant près des presses. Le son du téléphone amplifié par un haut-parleur pour l’entendre jusque dans l’entrepôt de papier.
J’ai passé un bel été en 1983. À apprivoiser ces odeurs et cette nouvelle vie qui s’offrait à moi. Ces odeurs que j’aime encore. Autant que ce métier.

Je suis de retour.

Ça serait mentir de vous dire que je suis heureux d’être de retour au travail. Ça serait aussi trop exagéré de dire que j’en suis malheureux. Trop facile. Ça serait comme nier l’évidence. Discuter d’un sujet stérile. Argumenter sur une fin inévitable. Comme vouloir croire que l’on ne vieillit pas. Qu’on ne mourra jamais. Impossible. Donc, comme tout le reste, les vacances ne sont pas éternelles. Les voyages, encore moins. Il faut le voir philosophiquement et se dire que l’on prépare le prochain…

Je suis donc de retour sur les rails. I’Am Back. Comme Jack Nicholson dans The Shinning. Je suis de retour.

Je suis de retour chargé à bloc. Je suis le lapin d’Energizer. Ma pile est full.

Je suis parti les poches sous les yeux, je reviens avec moins de sous en poche. Joke.

10 trucs confirmés depuis ce dernier voyage
1. J’aime l’Europe
2. J’aime manger
3. J’aime lire
4. J’aime les gens différents
5. J’aime mettre mon cerveau à off

Donc, je suis de retour full motivé. Prêt à faire feu. Attachez vos tuques.

Une déception : mon bureau est resté dans le même état que je l’ai laissé. Unique preuve que je l’ai quitté à la sauvette. On sera dû pour de changement ici. Mon environnement doit refléter ce qui se passe à l’intérieur.

J’ai le goût de bouger. Goût de changements. J’élimine la touche « save as » de mon ordi. Que du neuf. Laissez-moi tranquille avec le passé.

Fini la contrainte du 600 mots minimum. Vaut mieux en écrire moins, plus souvent. J’écris ce que je veux, quand je veux. Ce blogue à trop été longtemps délaissé : je reprends du service. Voilà.

C’est ça qui est ça.

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MISE À JOUR

Je devais être encore sur le beat vacances quand j’ai titré «10 trucs confirmés depuis ce dernier voyage » alors que j’en énumérais seulement 5.

Voici les autres:
6. J’aime le soleil
7. J’aime fureter dans des rues étrangères
8. J’aime écrire ce blogue
9. J’aime les gens qui m’entourent
10. J’aime ma vie

Merci Jay pour ton oeil de lynx…

Chroniques helléniques – partie 5

L’APOCALYPSE SELON ST-MARC
Scène 1 
L’arrivée au port de Raffina vers 14h30 allait donner le ton à la journée. Bordélique et anarchique, beaucoup de gens dans la confusion tentaient de récupérer leurs bagages et de se frayer un chemin parmi d’autres gens qui eux cherchaient à monter à bord les premiers. Comme si personne n’avaient de billets réservés et que le nombre de passagers serait restreint. Je réussis tant bien que mal à récupéré nos sacs. Le temps est compté. Comme tous les transports en commun sont annulés, la seule façon pour quitter le port demeure le taxi. Pas besoin d’être comptable pour réaliser que plus de 300 passagers pour une vingtaine de taxis, il y aura bousculade et attente.
Plusieurs chauffeurs ont des affiches avec des noms écrits dessus. J’ai été con de ne pas y penser, j’aurais pu réserver moi aussi un transfert et ainsi m’assurer de pouvoir quitter rapidement. Un chauffeur avec le nom  » Wins » (c’est un signe!) écrit sur son affichette m’aborde en me demandant où je vais. Quand je lui ai dit au coeur d’Athènes, son affiche a pris le bord et il a décidé de me rebaptiser. En route!

Scène 2
Sur la route, on échange sur nos modes de vies, mais surtout sur le conflit qui se joue en face du parlement. Il m’annonce tout de go qu’il sera très difficile de se rendre près de le place Syntagma : coeur de la manifestation et emplacement de mon hotêl, mais qu’il fera le nécessaire pour s’y approcher.

Scène 3
Quand on a entré dans Athènes, la vie semblait rouler comme à l’habitude. On était encore loin du noyau ou des pépins… Les embouteillages ont commencé à être de plus en plus fréquents, mais notre chauffeur est un rusé, plus de vingts ans à sillonner les rues de la capitale. Prenant des petites rues moins congestionnées, il réussit à contourner les premiers barrages policiers que nous apercevons. Il nous répète que ça sera pas facile. On le croit, on est comme dans un manège, tourne, retourne, recule, prend une ruelle, une autre, coupe une voiture, un scooter, un cycliste, tout en grommelant des mots grecs qui ressemblent à des jurons. Autour, des poubelles ont été vidé sur le sol, certaines brûlent encore. Nous arrivons dans un cul-de-sac, un barrage policier nous ordonne de passer et de tourner à droite. Notre chauffeur acquiesce sans remarquer la barrière en métal à sa droite qui jonche le sol. Un son strident de métal se fait entendre, mais qu’importe, nous continuons de rouler. Quelques 500m plus loin, on s’arrête pour constater les dégâts : la Mercedes jaune vif a une cicatrice de 48 pouces sur le pare-chocs avant. Les jurons sont plus fort. Commence à s’ennuyer des Wins notre chauffeur et nous annonce qu’il ne pourra pas avancer plus loin. Nous sommes, selon lui à 500m de notre hôtel…

Scène 4
Munis d’une carte et de nos valises, nous avançons dans les rues. Tentant d’éviter les détritus, demandant notre route à certains policiers qui surveillent les barrages, demandant surtout si la place est sécuritaire.
Au loin, on attends des pétarade de gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre aux manifestants, les sirènes font du vacarme aussi. Nous avançons toujours. Et puis, voilà le silence. Nous marchons au coeur d’Athènes, tout prêt du conflit et il nous semble que nous sommes seuls. Les rues désertes. Jusqu’à une nouvelles slave de bombardements ou la vue d’un autre barrage.
À trop vouloir contourner le Place Syntagma, nous nous sommes perdus. Notre carte ne contient pas ces petites ruelles qui changent de nom aux intersections. Nous demandons à un couple de nous aider à trouver notre chemin. La fille porte un masque de plastreur, a les sourcils blancs et son chum nous demande si on est vraiment obligés d’aller la-bas. Ce sont des manifestants qui ont pris part à cette grève générale. En nous expliquant le chemin à prendre, il nous souhaites bonne chance en nous donnant des mouchoirs  pour couvrir nos bouches en nous ordonnant de ne pas enlever nos verres fumés.  Yen aura pas de facile.

Scène 5
Alors qu’on est encore perdus, ma blonde aperçoit une agence de voyage où l’on pourrait se renseigner. Le proprio me dit ne pas me rendre sur place si je n’ai pas payé encore ma chambre. Je lui mens en me disant que je m’organiserai bien avec Visa à mon retour. Sous ses conseils, nous réservons un hôtel plus loin du conflit. Toute cette route faite avec nos bagages aura été vaine. Nous devrons prendre le métro pour se rendre à notre nouveau logis.

Scène 6
Dans le métro, on sent les gaz. On sent la frénésie. Les gens rencontrés ont tous des marques blanches sur leurs vêtements, certains le visage au complet. Résultat des gaz. Des jeunes avec des drapeaux et des porte-voix et des masques pour se protéger. Des moins jeunes, avec des complets cravates. Des plus vieux. Des femmes et des hommes. Il serait malhonnête, comme le font les médias, de dire qu’uniquement des jeunes ont manifesté en avant du Parlement. Des gens ordinaires à bout de nerfs. Autour de nous, des gens pacifiques aux visages quelques fois tuméfiés, mais toujours fiers semblent consternés par ce qui vient d’arriver. À la sortie du métro, des autobus organisés attendent les manifestants : on est venu des quatre coins de la Grèce pour manifester son désaccord sur ces coupures sévères et surtout cette loi que s’apprête à entériner le gouvernement, cette loi qui rendra l’austérité encore plus sévère.

Scène 7
On a mangé une pizza en carton dans une chambre dégeu. Après avoir réussi à passer toute cette aventure sans incident, il était plus logique de rester ici. Dans cet hôtel sans wifi…

Scène 8
En prenant un café, sur une terrasse ou je squate le wifi, je vois ces vieux qui jasent, argumentant sur la journée d’hier. La paix semble revenue. Le quotidien se déploie. Faudra voir…

Chroniques helléniques – partie 4

De grève en grève
Après avoir foulé la grève dorée de Mykonos, l’inexistante de Santorini et la poudreuse de Paros, voilà que demain nous foulerons celle d’Athènes. Une autre genre de grève j’en conviens. Pas de sable fin, ni d’eau salée, mais une avec une peu plus de vagues je pense. Voilà que la Grèce toute entière est mise sous arrêt. Une grève générale perturbe le pays mettant en tutelle tous transports en commun et services publics. Le traversier qui devait nous mener de Paros au port de Pirée est paralysé par celle-ci. Nous avons dû trouver un plan B : passer par un autre port, çelui de Raffina, à quelques 30km de la capitale. On verra comment se rendre par la suite à notre hôtel… en plein coeur du centre-ville d’Athènes. Les voyages forment la jeunesse. On verra demain si on a encore la fibre adolescente de l’aventure…

On est au ralenti… comme le pays.
Si nous avons atteint le neutre et que la vie se passe tout doucement pour nous, il y va différemment pour les Grecs. On sent bien que les touristes ont boudé cette destination cette année : terrasses plutôt vides, rues moins achalandées, mêmes les îles voient leur économie ralentir. Cette artiste de qui nous avons acheté des bijoux, cassant le français, heureuse de nous dire qu’elle connaissait des canadiens en Ontario qui nous confessait qu’il y avait si peu de touristes cette année à ces serveurs qui en mettent un peu plus qu’à l’habitude, il faut être aveugle pour ne pas sentir que les choses ne tournent pas rond ici. Austérité, peut-être, mais malveillance, jamais. Avant notre départ, plusieurs personnes s’inquiétaient ou tentaient de nous faire peur sur les possibilités que notre séjour soit perturbé d’une façon ou d’une autre, mais jusqu’à maintenant les grecs rencontrés nous ont parus très sympas. Un peu bourrus,  comme le sont les  méditerranéens, mais gentils, drôles… et fumeurs! Diable que nous n’étions plus habitués a être boucanés de la sorte. Sur les terrasses, dans les restos, plages, etc, toujours cette fumée secondaire qui nous agresse. L’ancien fumeur en moi a su distinguer certaines marques, mais pas d’envie d’y regoûter.

Assis à un café, en attente du bateau, j’écris ces quelques lignes à la sauvette afin de replonger dans mon roman au plus vite. Je tenterai de prendre quelques clichés des manifestations à Athènes…

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