Il est là, le coeur d’une ville.

Samedi après-midi, je suis passé à la Librairie Marie-Laura, sur la rue St-Dominique à Jonquière, ramasser des livres que j’avais commandés depuis belle lurette. Pas que la commande avait pris du temps à arriver, mais je n’avais pas trouvé le temps de m’y rendre. J’ai profité de ma visite pour acheter le nouveau Paul, et faire un don pour La Fondation pour l’alphabétisation. Olivier, un de leurs sympathiques libraires, tenait le fort en ce samedi mouilleux et froid. Uniquement à l’extérieur, car il se dégage de cette librairie une chaleur dont les propriétaires, Daniel et Andrée, ainsi que leurs employés, sont les uniques responsables. Pendant que je fouinais dans le rayon des bandes dessinées et scrutais la table des suggestions de l’équipe, je pouvais observer le travail d’Olivier. À une madame âgée, il recommandait de s’assoir sur un des sièges confortables de la librairie afin de lire quelques pages pour s’assurer que le livre qu’il lui conseillait était ce à quoi elle s’attendait. Un homme accompagné d’un ami qui cherchait un livre à offrir en cadeau à sa femme, tentant d’expliquer dans ses mots le style littéraire recherché alors qu’Olivier fouillait un peu partout pour le combler. L’atmosphère était sympa. Les gens de la Librairie Marie-Laura personnifient exactement l’idée que je me fais de ce noble métier qu’est celui de libraire; métier qui, avouons-le, est presque en voie d’extinction de nos jours. L’achat en ligne, les megas centres comme Walmart et Costco, Archambault ou Renaud-Bray rendent la vie dure à ces boutiques spécialisées, troquant des prix extras à défaut de conseiller. Je ne suis pas du genre à être contre le progrès et j’ai écrit souvent dans ce blogue que les petits commerces spécialisés doivent se réinventer au lieu de se lamenter. Qu’au lieu de se battre sur le même terrain que la concurrence, ils doivent jouer ailleurs, en offrant autre chose qu’un prix, à vendre une expertise ou une expérience. Et c’est tout à fait ce que font les gens de cette librairie.

Ce qui m’amène à vous dire que je viens de terminer la nouvelle revue CVS, édition automne / hiver; ce magazine qui parle des centres-villes de Saguenay et de leurs commerces. Formidable outil de communication qui permet à ces entreprises, mais encore plus aux gens qui y travaillent de montrer ce qu’ils ont à offrir. Bien que ce mandat est une expérience créative intéressante, ce que j’apprécie par-dessus tout dans son exécution est justement d’avoir la chance de rencontrer les gens qui font que nos centres-villes bougent et vivent. Tout comme les gens de chez Marie-Laura, les commerçants des centres-villes sont différents des autres par le côté très personnalisé de leur démarche. Dans ces commerces, la hiérarchie y est beaucoup moins perceptible : on fait des affaires la plupart du temps avec les propriétaires. Y a un côté amical qui se dégage de ces rencontres. Oui, il y transaction, achat, business, mais d’une façon moins directe, plus humaine… moins mercantile. Ce fut, encore une fois, un plaisir de travailler avec mon équipe et de sortir du cadre du magazine traditionnel en tentant d’embarquer nos clients dans des avenues éclatées – il faut voir Michael Tremblay, du Temaki Sushi Bar, jouer les samuraïs du dimanche! Sans eux, pas de magazine, et encore moins de centres-ville. Merci.

Je vous invite à arpenter vos centres-villes, mais surtout de prendre le temps de parler avec ces commerçants allumés, à ces artisans qui luttent pour la survie d’une vie différente que celle dictée par les gros joueurs économiques. Occupons nos centres-villes. Pour reprendre un terme à la mode…

 

Occupons-nous des gens au lieu d’occuper des places.

J’avais commencé un paquet de billets sur le mouvement Occupons kekpart (mettez l’endroit qui vous convient), mais rien n’a abouti par un texte précis. Pourquoi? Simplement parce que j’avais l’impression en donnant mon opinion que je prendrais position dans un débat où je ne veux surtout pas la prendre. Avant tout, je pense que manifester est un geste démocratique. S’exprimer, surtout pacifiquement, est un droit non négociable si on veut se proclamer une société égalitaire. Sur ce point, il m’est impossible de ne pas respecter ce droit si fondamental de vouloir discuter de changement de société. Difficile d’être contre la vertu. Surtout quand la cause est noble. Et ce mouvement, à la base, l’est.

Non. Ce n’est pas le rassemblement de centaines de milliers de personnes qui me dérange, mais que la résultante se résume uniquement à ça. S’assembler. Jaser. Parler. Jaser. Parler. Mais peu d’actions concrètes. Beacoup de mots. Peu de moyens. On fait des tables rondes, on fait des procès verbaux, des ordres du jour, du placotage qui se résument à de beaux discours. On jase, on parle, on discute. Bla-bla-bla. De belles paroles, de belles allocutions difficiles à critiquer puisque les conclusions sont issues pour la plupart de discussions philosophiques axées sur le partage et l’entraide. Dans une belle démocratie ouatée. Qui peut être contre le Bien? Pas moi en tout cas.

Depuis quelques semaines, sur mon trajet de course je passe régulièrement devant une colonne Maurice arborant une publicité de l’Université Laval illustrant une étudiante en mission humanitaire, arborant comme unique slogan : Agir. Et c’est tout à fait ce que je pense : si l’on veut changer le monde, il ne faut pas qu’en parler, il faut agir. Ce mot résume à lui seul ce que je reproche au mouvement Occupons. Que leurs actions demeurent sur papier ou en paroles. Sur des pancartes ou des affiches. Pas nécessairement par mauvaise volonté, j’en conviens. Simplement parce que la bouchée est trop grande à prendre. Parce que le problème est immense et difficile à saisir si facilement. Et qu’il est surtout impossible à régler en claquant des doigts. Particulièrement si on le prend dans son entier.

Si on veut changer le monde, y a beaucoup plus simple et c’est de s’impliquer personnellement en posant des actions directes. Si vous voulez changer le monde, commencez par vous intéresser par ceux près de vous, des gens que vous pouvez aider sans manifestation ni fla-fla. Consultez la liste des organismes communautaires de votre ville ou quartier : ils sont des centaines en attente de bénévoles pleins de bonne volonté, comme vous. Et ça, c’est de l’aide directe. Pas de la philosophie à 1$. Du concret. Quand tu débarques passer une journée dans une soupe populaire, que tu t’occupes de placer des vêtements dans une Saint-Vincent-de-Paul, quand tu rends visite à des personnes âgées pour les désennuyer, que tu te débrouilles pour que des jeunes sans-le-sou aient droit à un camp de vacances l’été, que tu t’occupes d’enfants handicapés pour laisser respirer des parents fatigués, tu poses des gestes concrets. Des comportements qui changent le monde petit à petit. Petit, si peu de gens le font, mais l’accumulation de ces petites bonnes actions peut devenir un grand changement. Pas mal plus que les centaines de pages griffonnées, procès verbaux dictés pendant des réunions sans fin.

Bien sûr qu’aider son prochain de la sorte est enrichissant, mais il faut se le dire, moins «glamour» que de suivre la parade mondiale du mouvement. Contrairement à un manifestant, un bénévole travaille dans l’ombre, sans chercher à être récompensé ne serait-ce que par le bonheur du geste. Contrairement à un manifestant, une personne qui donne de son temps pour aider les autres ne le fait pas pour lui, mais bien pour les autres. Il ne faut pas se le cacher, manifester c’est avant tout de s’assembler, de communier, de rencontrer des gens et c’est plus euphorisant que d’éplucher 40 livres de patates ou de répéter ton nom 40 fois à la petite autiste avec qui tu passeras la journée…

J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup d’organismes communautaires. De toutes les sortes. Comme consultant en communication, solliciteur ou simple bénévole. De les voir donner du temps sans compter. De donner du bonheur. J’ai eu l’opportunité de connaître la réalité de leur quotidien. Du quotidien aussi des gens à qui ils font un bien énorme. Certains bénévoles qui ont eu à jongler avec des deuils d’enfants, avec des gens brisés par la maladie ou la pauvreté, mais avec toujours le même souci de vouloir améliorer la vie de ces gens. De la changer. De changer le monde. Littéralement.

Pour ces raisons, vous ne me verrez pas occuper aucune place, autre que celle où se trouvent des gens à aider. Directement. Pour agir. Avec un grand A. Comme dans Amour.

Meilleur avant.

Pour vous remercier d’avoir travaillé pendant 25 ans dans son entreprise, votre employeur vous fera une belle petite fête, un beau petit gâteau et vous offrira une belle petite bague ou une belle petite montre. Vous serez peut-être ému sur la belle petite photo. Au lieu de ça, il aurait dû vous offrir la porte il y a belle lurette. Vous foutre dehors. Pour votre bien. Et celui de son entreprise.

Nous avons tous une date d’expiration. Par rapport à ses clients, employeurs, amis, etc. Nous atteignons tous, un jour ou l’autre notre seuil d’incompétence comme parlait J. Peter et Raymond Hull, dans leur livre le Principe de Peter, paru en 1969… Comme pogner un mur. Le mur du con.

Ne me parlez pas d’emploi à vie ou de client à vie. Ne me parlez pas d’éternité syndicale, sinon je vous parlerai d’ennui cervical.

Vous voulez savoir si votre date est arrivée, regardez-vous agir. Prenez du recul. Survolez-vous. Quand vous tombez dans vos petites habitudes et que vous vous vautrez dans ces petits plis confortables de la réplétion, ça sent la fin. Quand vous levez le pied de sur l’accélérateur du dynamisme ou quand vous haïssez vos collègues qui ne le font pas, la date approche. Quand vous tombez dans la routine et que vous vous rebiffez à tous changements, vous y êtes peut-être déjà. Quand votre phrase préférée est « on l’a déjà essayé ça, pis ça jamais marché » en banalisant la candeur des petits nouveaux, vous vous en approchez. Si vous vous reconnaissez, serait peut-être le temps de fouiller sur Jobboom. Quand tu passes plus de temps à consulter ta convention collective qu’à travailler, tu es au bout du rouleau.

Quand vous n’êtes devenu qu’un frein au développement et aux nouvelles idées, c’est que vous êtes dépassé. Over. Votre meilleur est derrière vous. À moins de vous prendre en main.

Et je ne parle pas d’âge. Comme n’importe quel produit sur le marché, les dates d’expiration peuvent être différentes. Les produits sans agents de conservation ont une durée plus limitée, les produits à hautes valeurs chimiques ont une vie quasi éternelle. En parallèle, un emploi qui demande du renouvellement et des idées fraîches est exigeant et demande de suivre la parade par rapport à un travail qui en demande moins. Et n’y voyez pas de jugement de valeur, plutôt comme un simple constat.

Et je ne parle pas d’âge. Y a des trentenaires balaises comme des quinquagénaires qui débordent d’énergie. Y a des jeunes qui veulent tout avoir tout de suite, comme des vieux qui ne veulent rien donner, jamais.

Je vous parle uniquement de ce que les Anglais appellent « soul ». La passion. Si elle vous quitte, c’est que vous n’avez rien fait pour la retenir ou qu’on vous l’a extraite trop rapidement. Retrouvez-la.

Ce n’est peut-être pas toujours votre faute, j’avoue. Vous pouvez n’y être pour rien. Vous aurez conservé cette belle attitude et votre créativité sera toujours à son zénith, mais c’est peut-être votre employeur qui a atteint sa date de préemption. Par rapport à vos attentes. Le résultat demeure le même, vous n’y avez plus votre place. À rester sur la tablette, à attendre d’expirer vous aussi. À voir pourrir votre potentiel. Le clown Sol disait : le problème avec les cadres, c’est qu’ils s’accrochent. Et c’est ce que vous faites trop souvent, au lieu de vous secouer, de reprendre vie. Une vie qui se trouve tout simplement ailleurs.

Il y va de même avec nos relations clients. Comme marque, vous atteindrez peut-être votre date date limite avec certains de vos clients qui ne voudront pas nécessairement avoir mieux, mais l’avoir différemment. Et comme consommateur, vos attentes ne seront peut-être plus soutenues par votre marque préférée. Et c’est normal. Le monde change, les besoins changent, et vous aussi vous changez.

Réaliser qu’être malheureux au travail ou dans une relation fait peut-être mal, mais l’endurer pour des raisons de stabilité est pire. La vie est courte quand vous en profitez, mais longue quand vous vous emmerdez. N’attendez pas d’expirer.

Je dédédédédédé… design dans ma tête.

J’ai déjà raconté dans un vieux billet (ici…) que je préférais par-dessus tout griffonner mes idées au crayon dans un cahier. Je n’aime pas créer directement à l’écran. Souris à la main. J’ai besoin d’esquisser. À l’ancienne. Sentir le trait. Le trait de Marc™. C’est simple, le fait de visualiser un produit quasi final sur son moniteur diminue la recherche d’une meilleure idée. Humain. Nous nous contentons ainsi plus facilement, allant même à nous trouver bon au premier jet. Les graphistes ont l’égo extensible et se contentent trop souvent de peu. Si plus est, le client voit ladite esquisse, c’est pire. Les clients aiment voir tout de suite, même si c’est encore une petite bride d’idée. Une brididée. Un truc qui devrait se retrouver dans une poubelle, au lieu de se voir imprimer à la vue de tous. Je préfère jeter mes esquisses à la poubelle. Un mauvais concept, ça ne se recycle pas.

Les idées brutes sont plus faciles à modeler que celles polies: ils ont encore une certaine élasticité, une candeur dont on peut encore profiter. Au contraire, les idées développées trop rapidement manquent trop souvent de jus. Comme en agriculture, le temps est bénéfique aux idées; à vouloir tout précipiter, on arrive à des idées prématurées, avec moins de saveur, de force et d’éclat. Le temps profite aux idées.

Depuis quelque temps, je réalise que j’ai développé une nouvelle façon de créer. Je « design » dans ma tête. Ouais, monsieur. J’ai les cellules qui font des étincelles. Ouais, madame. J’ai le bulbe rachidien qui s’allume. Qui m’allume. Et c’est plutôt chouette. Fini les contraintes de temps, d’espace et d’outils. Liberté. Dans mon auto, mon lit, mon bain, ou mes espadrilles, je sème une graine qui germe tranquillement dans mon cerveau. Elle est là à se développer, à s’améliorer, tranquillement au rythme de mes activités ou inactivités. Et si elle s’avère plutôt moche, elle mourra dans l’oeuf (ouais, comme dans tête d’oeuf!) et rejoindra ses semblables quelque part au dans un repli de mon cerveau. Si par contre, elle a du potentiel, elle évoluera. Petite idée deviendra grande. Jeune concept deviendra concept mature.

C’est quand elle se retrouvera imprimée sur un document ou tournée dans un spot télé que mon idée prendra toute sa valeur.

Tiré par les cheveux, vous dites? Vous n’avez pas vu ma tête…

Bon à tirer*

Dans mon billet précédent, je faisais allusion à deux textes portant sur le même sujet et illustrés avec la même image. Deux billets écrits à quelque 1000 jours d’intervalle. C’est cocasse de réaliser que même si les deux textes racontent ma hantise des présentations aux clients, ou pitch pour utiliser le jargon du métier, ils se complètent parfaitement. L’un racontant l’avant alors que le second s’attarde plus au moment présent de la présentation.  Les voici, en rafale…
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Version 2011

Bon à tirer*

Mes maquettes sont déposées sur mes genoux. Mon cul repose sur une chaise droite sans confort devant le bureau de la réceptionniste. À ma droite, le magazine l’Actualité, des Sélections du Reader’s Digest et quelques revues spécialisées copulent les unes sur les autres dans l’indifférence la plus totale, créant en se superposant, des titres surréalistes comme « En période de RÉER, visitez la Gaspésie », « 10 capris, pour mieux gérer son portefeuille », « Châtelaine des Affaires », « Semez tôt pour une peau en santé ». Je n’invente rien, ils sont là à me crier leurs absurdités. Je regarde ma montre. Je suis définitivement arrivé trop tôt. Moi et ma peur d’arriver en retard. Tellement tôt que je suis là à me morfondre à créer des slogans à partir de coupures de magazines. La réceptionniste jette quelques coups d’oeil vers moi quand elle n’a pas le nez rivé à son écran. Elle semble se demander ce que j’ai à regarder ces revues sans les prendre dans mes mains. Ou s’interroger si mes cheveux sont toujours comme ça à se battre sur ma tête. Je délire. Elle est simplement concentrée à taper sur son clavier. Le son m’impressionne. Moi qui ne tape qu’à deux doigts. Ce concert de touches rapides m’émeut. Je suis définitivement arrivé trop tôt et ma nervosité me rend gaga. Pourtant dans quelques minutes, je vais regretter ce moment de plénitude que je vis présentement. Comme ces soldats au jour J, se plaignant de l’humidité de la mer, alors que la Normandie était à quelques noeuds.

Je dois rester concentré. Je serai bientôt appelé. Appelé à aller au front.

Je déteste ces présentations. Où il faut parader avec nos maquettes. Expliquer notre démarche. Ventiler notre budget. Vendre.

Je sais, ces présentations font partie de mon métier. Et c’est aussi un thrill de « pitcher ». De se battre. De débattre. Y a un côté grisant à faire ça, mais je suis pas toujours à l’aise de.

Je suis un gars d’idées. De plein d’idées. Mais je dois y réfléchir. Oui, je suis capable de vous en garrocher des idées, comme ça à la volée, mais je ne pourrai vous les pousser de force si je ne suis pas convaincu. Et pour l’être, je dois y penser plus d’une fois. Foglia, dans une chronique expliquait comment il était mauvais en débat direct, qu’il refusait dorénavant d’y participer. Parce qu’il avait besoin de temps pour clarifier ses idées. Je suis comme ça aussi. Et comme je n’ai pas l’âme d’un vendeur, mes présentations peuvent sembler un peu plates. Les mots se bousculent dans ma bouche. Je perds le fil de la discussion. Y a une tempête qui se déroule dans ma tête. Ça explique peut-être les cheveux. J’y peux rien. Quand j’étais plus jeune, je ne dormais pas des jours avant mes exposés oraux. Je gaspillais des semaines de recherche en vomissant un travail de rédaction de 50 pages en moins de 5 minutes. Sans respirer. En transpirant. Les grandes gueules comme moi sont souvent de grands timides qui, en se servant d’humour, arrivent à s’en sortir. Pendant que la bombe intérieure est prête à exploser, y a que la moiteur des mains qui en dénote la présence.

J’ai appris avec le temps que pour passer cette difficile épreuve, je dois avoir des maquettes sans failles. Des idées percutantes qui devront débattre seules. Sinon, mon apathie ne peut que leur nuire. Sur un dossier remporté dernièrement, l’une des responsables me faisait la remarque que ma présentation n’était pas la meilleure parmi tous mes concurrents, mais que mon document de présentation était fort, ce qui avait sauvé la mise. Allez, faites-vous plaisir tout en me faisant souffrir et invitez-moi à pitcher…

* Bon à tirer : En imprimerie, la dernière étape avant l’impression : on effectue une simulation de l’impression d’après les éléments finalisés. Vieux terme oublié, mais qui faisait un beau titre!

 

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Version 2009

Feu.

(originalement écrit le 27 janvier 2009 – pour voir l’original et ses commentaires, cliquez ici)

pitchVous entrez dans la pièce. On vous attendait. On vous a d’ailleurs réservé la place du milieu, juste en avant, devant tout le monde : le « hot spot ». Il y a peu de chance d’y trouver une chaise. Si oui, elle sera normalement peu confortable et plus basse que celles des gens qui vous font face. C’est psychologique. Il fait normalement froid dans la pièce. Mais ce n’est qu’une illusion, vous êtes le seul à avoir froid. Les gens qui vous regardent vous installer font seulement semblant d’être de glace : c’est normal, c’est leur rôle d’être comme ça. Ce n’est surtout pas le temps pour eux de montrer des sentiments, de montrer un signe de sympathie. Vous vous préparez tranquillement, placez vos documents devant vous et en distribuez à vos protagonistes. Avant même d’en juger le contenu, vous sentez leurs yeux sur vous, c’est présentement le messager qui les intrigue et non le message. Il ne faut surtout pas que vous vous laissiez impressionner par ces regards, ne pas vous laisser distraire, sinon cela pourrait tourner au cauchemar. Mais c’est plus fort que vous. Vous avez déjà les yeux qui se promènent sur chacune des personnes, vous êtes en train de les analyser un par un. Vous êtes tranquillement en train de mettre ces gens dans des cases. Vous leur attribuez déjà des personnalités, vous imaginez une hiérarchie. Même si c’est la pire chose à faire présentement, c’est plus fort que vous. Pire que les idées que vous vous mettez dans la tête, vous allez imaginer maintenant ce qu’il pense de vous, avant même de vous avoir entendu. Parmi toutes les personnes présentes, une seule est différente : son sourire, sa compassion la distingue totalement. C’est le lien entre vous et les autres. Cette personne fait les présentations d’usage. Elle en profite même pour brosser un portrait assez élogieux de votre personne, de votre travail. Sous le regard impassible du reste du groupe, bien sûr. Ça y est, c’est à votre tour. Vous pensez que ce serait normalement le temps de vous lever, mais vous êtes déjà debout. Alors, vous commencez. Vous êtes dans votre zone de confort, ce n’est pas votre première présentation, et votre introduction n’est pas nouvelle, vous avez déjà eu le temps de la peaufiner avec le temps. Le regard sommaire que vous posez sur l’audience vous donne raison : tout baigne! Alors, vous décidez de passer à l’étape deux. Vous plongez. C’est ici que les regards de vos spectateurs commenceront à changer : certains s’éclaireront, d’autres, par contre, s’éteindront. Vous sentez par contre qu’il y peu ou pas de gens avec cette deuxième réaction. C’est cool. Vous êtes tranquillement en train d’avoir moins froid, mais c’est encore un feeling, c’est uniquement le courant qui passe : votre présence semble appréciée. Vous respirez mieux. Même si les seules réactions que vous avez décelées sont pure intuition et spéculation. La période de questions commence. C’est la fin du monologue. Et du discours maîtrisé. Vous tombez dans une zone non contrôlée. Les premières questions sont faciles, le message a bien passé. On vous a trouvé peu de failles. Jusqu’à ce que, de nulle part, arrive cette question qui n’en a pas tout à fait la forme, puisqu’elle ne possède pas une forme interrogative : c’est un piège. On vous tend un piège. Et vous tombez presque dedans, tellement votre réaction n’est pas directe.  On vous a déstabilisé. Vous devez improviser au plus vite, ramener le discours, ce n’est pas le temps de flancher. Garder la ligne. Ne pas rougir. Ne surtout pas être sur la défensive. Garder la ligne. Mais cette petite faille, rien de majeur, ce minuscule détail, que personne n’aurait pu remarquer est en train de bouleverser votre présentation. Du moins, nuire à la pertinence de votre discours. Et vous savez que ce n’est pas tant ce détail, mais bien la façon dont vous réagissez qui vous cale. Mais il est déjà trop tard pour la balayer du revers de la main, cette réaction doit se faire dans les secondes après la question. Votre réaction tardive ne fait que donner du mordant au problème. Vous réussissez bien que mal à revenir, avec effort, à reprendre le contrôle de la situation. Vous savez que vous avez perdu quelques plumes, mais dans l’ensemble les dommages semblent minimes. La personne qui vous a tendu le piège semble assez fière d’elle. Elle a eu avantage sur vous. Vous lui en voulez, mais cela fait partie du jeu. Et de toute façon, vous n’avez que vous à blâmer, ou du moins votre réaction. Les questions sont terminées. La présentation aussi. Cela s’est bien passé, du moins c’est ce que vous pensez, ou ce que vous voulez croire. En diminuant l’impact de votre dérapage. Après avoir salué tout le monde, en quittant la pièce, le doute subsiste, vous angoisse. Mais c’est trop tard. Ce n’est plus à vous de jouer. En tout cas, plus en direct. Uniquement ce que vous aurez laissé comme impression. Des mots. Des images. Une personnalité. Un feeling. Des perceptions. Et un simple petit détail dont vous n’êtes pas encore capable de mesurer l’impact.


Radoter.

Hier soir vers minuit, j’étais à deux cheveux de publier un billet lorsque j’ai décidé de montrer le texte à ma blonde. Au premier coup d’oeil, elle m’a dit que j’avais déjà utilisé sur un autre billet, l’image que j’avais placée au coin de celui-ci. Déni. Scepticisme. Consternation. Dans l’ordre. Regain : pfff, impossible elle est dans l’erreur et a simplement mal vu, voilà tout. En fouillant dans les archives graphiques de ce blogue, je suis tombé sur ladite image. Janvier 2009. Re-Consternation. J’ai poussé ma recherche encore plus, en relisant le billet qu’elle avait le mandat de décorer. Démolition. Je venais à peine d’écrire un billet de 625 mots qui traitait du même sujet, de la même manière. Identique. Presque 1000 jours plus tard, me revoilà à mon écran, fier d’un texte écrit en fin de soirée, qui finalement traînait déjà dans archives. Résurrection. Réincarnation. Ou simplement, péremption. Ça m’a foutu un de ces cafards.

N’aurais-je plus rien à écrire?

Suis-je arrivé à ma date d’expiration? Meilleur avant. Best before. Consommer avant que ça puzze. Ma source créative est tarie; et moi, taré. Tari-taré. Que le meilleur est derrière moi. Que je suis juste bon à me répéter à l’infini. Copy/Paste.

Ou suis-je simplement le reflet d’une société qui aime radoter.

Dans les médias, on passe sempiternellement les mêmes nouvelles. Un simple fait divers parvient à monopoliser pendant des heures, les chaînes d’info en continu. LCN, Lent Continuum de Nouvelles. RDI, Répéter et Doubler les Information. On interview le voisin, la voisine, le gars du dépanneur, la femme du gars du dépanneur, la fille de la femme du dépanneur. Pour entendre sensiblement la même histoire. Avec des accents différents. On radote sur le sujet jusqu’à l’indifférence totale.

Pour compenser, on se branche sur Facebook, Twitter et Google+, pour se faire dire par ses 1000 amis que la terre tremble quelque part. C’est à se demander si ce ne sont pas ces 1000 personnes partageant la nouvelle qui feraient trembler la terre par tapotage de clavier. Alors on se partage le lien du vidéo tourné par un iPhone qui montre l’immeuble qui tangue sous le cri des gens effrayés. 1,000,000 de fois. 1,000,001, avec moi. Personne n’était là, mais tout le monde y est maintenant. On en parlera des jours et des jours. À moins que chez nous, il ne pleuve abondamment. Où que l’Afrique sèche encore une fois. Pour nous permettre de radoter. Sur nous.

Si vous trouvez qu’on ne radote pas assez, rabattez-vous sur les consultations publiques. Y en pour tous les goûts. Environnement, souveraineté, etc. Elles sont aux citoyens, ce que les réunions des AA sont aux alcooliques. Un lieu pour se ressourcer. En matière de radotage, on ne fait pas mieux. Ça me rappelle le jeu de la répétition quand j’étais enfant : « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents…suivant!», « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents…et mes lunettes, suivant!», « Quand je pars en voyage, j’apporte ma brosse à dents, mes lunettes et un serpent à sonnette…  suivant!». Jusqu’à l’infini à répéter ça autour du feu. Même jeu. Sauf que dans une assemblée populaire, les gens sont en ligne derrière le micro à attendre leur tour pour ajouter leur petit grain de sel au radotage. À tenter de reformuler une affirmation pour être certain que tout le monde pense que c’est nouveau. Radoter, c’est trop souvent répéter en pensant dire mieux.

On radote entre amis, à se raconter nos bons coups. On radote en famille, à répéter les consignes. Les mêmes discours. Les mêmes rengaines.

On radote. Et on aime ça. Même les bonnes idées s’usent plus rapidement à force de les répéter. La nouveauté s’éteint. On dilue le wow.

En janvier 2009, j’ai écrit un texte intéressant sur une situation que je vivais à ce moment-là. Que cette situation se répète et résulte au même texte, me déprime amèrement. Parce qu’à la routine, je préfère la poutine…

Mais j’arrête d’en parler. Je radote.

Design Vs Marketing

Au début des années 1990 était publiée, une publicité irrévérencieuse dans le très sérieux Wall Street Journal qui disait ceci : « Comment deux hommes avec des études en arts graphiques peuvent faire plus pour votre entreprise qu’une salle pleine de MBA » (traduction libre). Impertinente dans le titre autant que dans son contenu, la pub réalisée par le mythique designer Joe Duffy alors récemment associé au Michael Peters Group (mais dissocié depuis…), vantait le mérite du design en opposition au marketing. « … Avec un simple crayon, nous pouvons apporter des solutions à des problèmes que vos plus brillants MBA ne pourraient résoudre avec une craie ». Créativité vs Chiffres. Design vs Marketing. Baveux, je vous dis. Mais encore aujourd’hui tellement juste.

Je suis toujours surpris du débalancement anormale du design par rapport au marketing que commettent les entreprises d’ici quant au développement de produits. On passe des mois, voire des années à développer un nouveau produit et on laisse des miettes aux créateurs qui le feront vivre sur les tablettes. Que ce soit au niveau du design même de l’objet ou de son emballage, ou de son interface client. La plupart des entreprises laissent entrer en scène, les spécialistes que nous sommes, nous designers (graphiques/industriels/,etc.) beaucoup trop tard et avec souvent trop peu de ressources. Trop tard pour apporter des ajustements importants au produit même quant à sa création initiale. Trop tard surtout pour être au parfum des besoins que peut combler ce produit. On a calculé le coût de revient, de fabrication, de distribution, etc. Mais on a laissé pour compte l’élément le plus essentiel à la fin : le sex-appeal, l’attirance que ce produit déclenchera sur celui ou celle à qui il est destiné. C’est fou, non?

On accorde, encore aujourd’hui beaucoup d’importance aux chiffres, aux sondages et aux focus groups, laissant de côté l’intangible, le déclic, le coup de foudre que provoque un produit attractif. Steve Jobs disait dans une entrevue : « C’est difficile de créer des produits à partir de focus group. La plupart du temps, les gens ne savent pas ce qu’ils veulent avant qu’on leur montre… ». Ainsi, si Apple avait arrêté son développement de produits à ce que le consommateur moyen exigeait, nous n’aurions pas en mains l’iPhone, iPad et autres produits d’avant-garde. Pour en ajouter sur la Pomme et son mode de fonctionnement, on gratifie énormément Jobs, mais il ne faut surtout pas oublier Jonathan Ive, le vice-président senior du Design d’Apple. On dit que Jobs a rêvé du iPhone, mais que c’est Ive qui l’a créé. Apple a toujours eu des designers sur son Board of Directors, contrairement à ces compétiteurs, mettant le design à l’avant-plan de son processus de développement de produits et non comme une simple étape avant la commercialisation. La forme suivant la fonction. En donnant autant d’importance à la créativité qu’aux chiffres, Apple a su dépasser ses concurrents qui continuaient d’enligner de faibles copies, préférant suivre la parade au lieu de la créer.

Omnubilé par le rendement à court terme, une entreprise prend la mauvaise décision en coupant sur le développement même de son produit. Au lieu de faire de la veille sur les réseaux sociaux pour lire ce que les gens disent de mal sur nous, on devrait prendre ces mêmes moyens pour s’améliorer. Plus logique. Vous avez beau, avec vos beaux slogans et vos belles pubs, dire à vos clients que votre produit est le plus beau et le plus génial, s’il ne l’est pas, c’est peine perdue. Il y a une quinzaine d’années, j’ai travaillé (avec l’agence auquel j’étais associé) au design d’un emballage de bière : nom, étiquette, caisse, affiches, pub, etc. Notre cible : les jeunes de 18 à 24; notre mandat : créer un brand éclaté qui sortait de l’ordinaire. Tout ça, c’était bien beau et nous avions réussi notre mandat… à moitié, puisque le produit n’a jamais levé. Le design du produit avait reçu un prix national, il plaisait au public-cible auquel il était destiné, mais les jeunes boudaient quand même cette bière : trop chère, trop goûteuse et d’une production inégale. On nous avait fait plancher sur un produit qui s’avérait totalement différent de celui qu’on nous avait promis. Nous étions intervenus trop tard dans le processus sans pouvoir dire au client que son produit ne répondrait pas aux attentes créées. Que ce design « jeune » demandé ne collait pas au goût de la bière. Qu’aucune mise en marché, distribution et publicité ne pouvait maintenant pallier à ça. Le design d’un produit ne s’arrête pas à son look. Travailler son produit est plus payant que n’importe quel pub.

Plus facile d’être aimé quand on est aimable, sinon ça demeure du toc, de faux sentiments facilement remplaçables. Créativité vs Chiffre. Passion vs routine. Design vs Marketing.

Ma petite prend le large.

Ma petite prend le large. Ma fille commence sa « vraie » vie cet automne en entamant des études au Cégep. Elle partagera un appartement avec d’autres filles. Terminée l’adolescence. Fini l’encadrement et vive l’autonomie. Je trouve ça génial. Contrairement aux parents qui voudraient que leurs enfants restent des bébés toute leur vie, j’aime ça voir qu’ils s’épanouissent sans nous. Qu’ils deviennent eux. Que leur prénom prenne plus de place que leur nom de famille. Depuis le temps que je lui promettais un billet, le voilà.

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L’auto était si vide à mon retour de Québec que j’ai dû l’emplir de musique à tue-tête pour pallier à ton absence. On venait à peine de se faire un colleux dans le stationnement. On se quittait à nouveau. Ta mère reprenant le relais. Depuis le temps que je te vois partir, le coeur fait moins mal. On s’habitue. Tu verras.

L’auto débordait pourtant de trucs quelques minutes auparavant. Chaudrons, douillette, miroir, robot, serviettes, vaisselles, etc., jusqu’au plafond. Sans oublier tes deux immenses valises rondies par l’amas de vêtements. Mais ce qui prenait encore plus de place, c’était ton énergie. Autant d’énergie dans une si petite personne. Du concentré pleine saveur. Pendant les deux heures qu’a duré le trajet, on a parlé pas mal. En fait, ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas retrouvés toi et moi, comme ça. La musique était bonne. Nos échanges aussi.

Y a plein de trucs qui ne se sont pourtant pas dit. Je voulais surtout te reparler de cuisine.

La semaine passée, on a cuisiné  ensemble pour que tu apprennes quelques techniques afin de pouvoir te préparer toi-même tes plats préférés. Pendant toutes les confections des recettes, une question te revenait sans cesse : combien de ci, combien de ça? Et je te répondais que je ne savais pas. Je cuisine à la bouche… j’aurais bien écrit « à l’oeil », mais celui-ci est trompeur, la bouche, elle, ne ment jamais. Les recettes, il ne faut pas suivre ça. Jamais. Sinon, tu ne sauras jamais cuisiner. Sinon, tes plats goûteront comme tous ceux qui les suivent à la lettre. Tes plats auront un goût de papier. Des recettes, il faut t’en inspirer seulement. En prenant tes décisions par rapport à tes aspirations, tes goûts et tes désirs. Il se peut que certains n’aiment pas ce que tu cuisineras, et c’est correct comme ça, tant que tu ne cuisineras que pour toi. Si jamais, tu invites des amis et que tu veux que tout le monde apprécie, tu feras certains compromis à ta « recette », mais jamais pour la dénaturer. Les compromis, en cuisine comme dans la vie, sont importants, mais ils ne doivent jamais te forcer à agir contre ce que veux vraiment. C’est difficile de savoir les quantités? Ouais. Mais plus tu feras des essais, plus tu feras d’erreurs et mieux tu réussiras, la fois d’après. Les vieux cons comme moi appellent ça l’expérience. Je te souhaite aussi de tout faire cramer dans le fond de tes chaudrons, même s’ils sont neufs. Ce sera l’expérience qui va entrer. C’est la différence entre suivre et imaginer. Les gens qui suivent la même recette éternellement mangeront la même chose toute leur vie. Toi, tu imagineras ton quotidien et le changeras à ta guise. En tentant de manger ce que tu aimes, ce qui t’inspire. Les variantes sont infinies. À toi de les découvrir. Je voudrais bien te les dire, mais je te gâcherais ton plaisir. Cuisine les ingrédients exotiques en t’inspirant du monde entier. Ne t’impose surtout aucune barrière. J’oubliais aussi de te parler des accidents. Oui, oui, je sais que tu as peur d’un paquet de trucs. Tu as même peur de la peur. En cuisine, tu vas te brûler quelques fois, te couper aussi. Ça aussi, ça fait partie de la game. Je ne connais personne qui cuisine à qui ce n’est jamais arrivé. À moins de cuisiner au micro-ondes. Et je voudrais surtout  que tu ne t’abaisses jamais à ça. Ce qui parait simple peut s’avérer de mauvais goût. Alors, sors tes chaudrons et réinvente-toi. Tu verras, c’est tellement valorisant.

J’aurais aimé te parler de la vie qui commence pour toi, te dire comment faire, mais j’ai comme une petite fringale qui m’en empêche et je ne suis pas de très bon conseil. Alors, fais comme moi et croque dans tout ce qui bouge. Et n’aie surtout pas peur de mordre parfois. x x x

 

La saveur du moi.

Y a ce panier d’épicerie qui trône au beau milieu du stationnement d’un super marché. Abandonné, à deux pas de l’enclos où l’on doit le placer avec les autres.

Y a cette voiture stationnée entre deux places, les roues dépassant la ligne délimitant l’emplacement suggéré. Privant ainsi quelqu’un d’autre de se stationner.

Y a ce passage à piétons au milieu d’une rue commerçante où tu peux attendre 10 minutes avant que l’on s’arrête pour vous laisser traverser la rue, même si vous êtes dans votre plein droit. Et ça, c’est quand on ne vous accélère pas dans la face pour s’assurer que vous ne passerez jamais.

Y a ce passager d’un transport en commun qui, le cul assis, laisse cette vieille dame debout avec ses sacs. Ou l’autre bien campé sur sa position qui regarde nonchalamment, sans gêne, cette femme enceinte à bout de souffle, le bras accroché à la poutre, qui tente de prendre le moins de place possible tout en gardant son équilibre dans ce véhicule en marche.

Y a ce couple qui passe devant tout le monde dans une file où attendent docilement des centaines de personnes. Laissant aux autres cette pénible attente.

Y a ceux qui prennent. Sans jamais ne rien laisser. À qui tout est dû. Sans penser aux autres. Moi, moi, moi.

Y a ceux qui ne parlent que d’eux. Qui ont des problèmes pires que les autres. Qui ont la vie supérieure. Au-dessus de tous. Que la vie des autres n’intéresse pas.

Et je vous épargne ceux qui jettent leurs ordures sur le bord des routes. Ceux qui écrasent les pieds des autres dans une foule. Ceux qui bousculent. Ceux qui arrosent les gens sur le bord de la route. Ceux qui klaxonnent à se fouler le poignet, la hargne au front. Ceux qui sont incapables de laisser passer une ambulance en urgence. Ceux qui jugent qu’il faut penser à soi avant les autres.

La saveur du moi.

On ramène tout à soi. On a le moi surdéveloppé. On se surestime. JE. J majuscule. Les autres? OK. Ils sont importants. Mais seulement et seulement si, MOI, je suis. Je passe avant. Comme dans la scène du film « La vie est belle », quand le personnage campé par Roberto Benigni demande au gradé SS avec qui il échangeait des devinettes s’il pouvait l’aider à sauver sa famille de la folie allemande, mais que celui-ci étant plus préoccupé par une énigme irrésolue, sollicitait plutôt son aide. Moi. Mon problème. Pas le tien. Ni toi. Moi. Nous vivons dans une société centrée sur l’individu. Le collectif est le dernier de nos soucis. Je vs Nous. Les règles élémentaires du civisme sont bafouées chaque jour. Je ne parle pas ici de vandalisme extrême ou de contre-la-loi, non, mais de gestes simples qui respectent des autres. Je parle d’entraide, de compréhension, d’empathie et de savoir-vivre. De vivre en société.

En pub, on s’adresse toujours à vous de façon directe. Vous êtes notre unique cible. On vous séduit à grand renfort de slogans flatteurs. Et ça fonctionne. Puisque vous êtes notre point d’intérêt, vous êtes entièrement captivés. On s’intéresse à vous. Vous aimez ça. Comme le corbeau dans la fable de Lafontaine. Vous lâchez prise devant tant d’attention.

Jamais on n’aura été si près des gens grâce aux médias sociaux. Si près, mais en même temps si loin. Nous sommes dans une ère de communication active, supersonique. Un événement malheureux se produit, nous sommes au courant instantanément, à relayer l’info sur nos réseaux respectifs. Nous partageons nos coups de coeur, comme nos coups de gueule. Nous dénonçons les atrocités du monde, les guerres, les famines, les injustices à un rythme effréné. Bien assis, au chaud devant notre ordinateur. Nous avons le poing fermé dénonciateur au dessus de notre tête, et nous avons simultanément l’autre main sur la souris. À grands coups de changement de statut. Nous avons tellement à dire. À raconter. Nos vies sont tellement importantes. Que nous oublions trop souvent que d’autres ont des vies aussi. Qu’autour de notre nombril, y a du monde. Obnubilé par notre propre petite existence. Pendant qu’on s’impatiente dans un bouchon de circulation causé par une collision, on capote sur notre retard alors qu’à peine 300 mètres de là, des gens luttent peut-être pour leur survie. 10 minutes plus pesantes qu’une vie?

Ne me parlez pas de grands projets de société ou de monde meilleur, quand on n’est même pas capable de tenir une porte à un étranger, laisser passer quelqu’un qui a une urgence ou ranger son propre panier d’épicerie. Le minimum qu’une société peut exiger de ses citoyens est de réaliser qu’ils ne sont pas seuls.

Affinité.

Les entreprises tentent désespérément de séduire les consommateurs. À grand renfort de prix spéciaux, de promotion, de pubs, ils veulent accrocher, séduire et provoquer un attachement à leur marque. Notre produit est le meilleur. Notre service est irréprochable. Nos prix sont les plus avantageux du marché. Tout ça enrobé dans un visuel génial avec les bons mots. Je le sais, car c’est mon job de faire ça. D’emballer. D’emballer des produits. D’emballer des gens pour ces produits.

Je suis comme une agence de rencontre. Produit A cherche consommateur B pour relation durable, chercheur de prix s’abstenir. Je suis un entremetteur. C’est mon job de vous matcher. De combler vos désirs de consommation. Et comme dans ces réseaux-là, il nous arrive de faire des mixes douteux. D’arriver à vous faire aimer ce que vous ne désiriez pas, une minute avant de l’avoir vu. En vous vantant des atouts. Atouts auxquels vous ne vous attendiez pas.

Ça fonctionne? Pas toujours. Difficile de créer de l’amour, vous savez. C’est un sentiment complexe qui ne s’invente pas. On peut faire semblant, comme dans une relation humaine, mais on vient rapidement à vous démasquer. Et tout balance. Le faux amour se transforme en vraie haine. L’amour, c’est un sentiment avec lequel on ne badine pas. C’est sérieux l’amour. Et comme ça ne s’achète pas, logiquement ça ne se vend pas non plus.

Et si je vous disais que l’amour, ce n’est pas si complexe que ça.

Et si je vous disais que finalement, si vous voulez séduire, vous n’avez qu’à être ce que vous êtes. Pas plus, pas moins. Seulement, ce que vous êtes. Et que si vous l’on vous choisit, ce n’est que parce que vous êtes fait ainsi. Sans flafla, sans artifice ou maquillage. Rien de tout ça. Seulement en exprimant qui vous êtes et ce que vous recherchez. Avec vos qualités et vos défauts. Honnêtement.

Pour qu’une relation humaine fonctionne, il est primordial d’y retrouver des accords communs. A est avec B, parce qu’ils pratiquent tous les deux une activité C, que leurs valeurs se rejoignent ou qu’ils ont les mêmes réflexions sur des sujets différents. Des affinités. Ressemblance, analogie, parenté, comme dirait Antidote, mon dictionnaire. Un commerce au niveau de l’amour, est comparable à un humain. Si elle veut être désirée, convoitée et devenir l’élue dans le coeur du client, elle doit mettre de l’avant sa réalité. Pas en se créant un réel. On cherche du vrai. Je connais un magasin de sport dont les deux propriétaires sont des cyclistes chevronnés. Sa clientèle? Des cyclistes chevronnés. Je connais un autre magasin de sport qui cherche à attirer ces mêmes cyclistes avec un staff qui maîtrise les termes techniques, certes, mais qui est incapable de comprendre ce que ces sportifs vivent quand ils ont le feu dans les mollets au milieu d’un col abrupt. Absence d’affinités. Et ça, ça ne s’invente pas. À long terme, y aura pas possibilité d’accrocher ces sportifs parce qu’on ne pourra pas parler d’une relation forte, de ce mélange primordial d’affinités. L’erreur que fait le deuxième magasin, c’est de vouloir faire croire qu’elle est comme le premier, alors que c’est tout faux. Au lieu de mieux servir sa clientèle de base, il veut à tout prix en solliciter une dont il n’a pas les affinités. Pensez à mon allégorie d’agence de rencontres : un vieux fumeur, abonné au MacDo, fan de hockey a peu de chance de séduire une jeune violoncelliste végétarienne, coureuse de marathon. Absence totale d’affinités. Absence de relation. Absence d’amour.

Votre entreprise pense à tort que ce sont les clients qui vous choisissent et c’est là votre erreur : prenez les devants en affichant vos couleurs. Soyez vous même en cherchant à mixer vos affinités avec des gens qui vous ressemblent. Et vivez, vous aussi le grand amour.

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