Bonne fête papa.
Automne 1988.
Dring.
– Oui, bonjour?
– Allo papa, c’est Marc.. tu vas bien?
– Oui, super bien. Et toi à Montréal, tout va pour le mieux?
– Heu… oui, oui, super. Maman est là?
– Non. Elle est partie avec Antoinette et Marie à Sorel pour la semaine.
– ….
– C’était important? Je peux faire de quoi?
– Non, ça va. Tout va bien… On se rappelle, bonne soirée.
– Bye fiston.
Clic.
Le lendemain soir, le téléphone sonne.
– Allo Marc, c’est maman, ton père m’a dit que tu avais appelé, qu’est-ce qui se passe? Tu as un problème?
– Ouais. Le magasin pour lequel je travaillais a flambé y a une semaine… J’ai plus de boulot, du moins pour trois semaines…
– T’as plus d’argent, c’est ça?
– Ouais… disons que je suis assez serré.
– Tu aurais pu le dire à ton père, tu sais… Il t’aurait envoyé de quoi.
– …
– Marc, tu aurais fait quoi si je ne t’avais pas appelé?
– Je me serais débrouillé…
– Tu sais que c’est lui qui m’a dit de t’appeler? Il savait que tu avais un problème… Il m’a même dit de te rappeler le plus vite possible. Il était inquiet.
– …
– Bon, je t’envoie de l’argent, ciao…
– Bye maman.
Clic.
Cet événement, si anodin, date de plus de 30 ans. Et j’y pense encore parfois. Comme ce soir.
Ce sera la fête des Pères, ce week-end. Et je pense au mien.
Oui, je sais. En plein le genre de fête qui m’énerve et que je dénonce. Les fêtes « obligatoires » où il faut dire je t’aime et acheter un cadeau inutile pour prouver son amour, au lieu de l’exprimer tous les jours. Ce genre de fête là. Je n’aime pas ces fêtes-là. Mais mon père nous a quitté, ma mère et moi depuis maintenant presque quatre ans. Alors, c’est ce qui me reste pour me souvenir. Alors je le prends. Quatre ans. C’est fou comme le temps passe vite. J’avais écrit 3 ans et en recalculant, je me suis rendu compte que j’oubliais une année. Incroyable, non?
Mon père et moi, on s’est connu trop tard. Beaucoup trop tard.
Nous étions comme des satellites autour de ma mère. Deux étoiles opposées. Mais en même temps, si près. Deux huitres renfermées sur elles-mêmes. Des êtres intérieurs. Des bombes à retardement.
J’ai passé les trente premières années de ma vie à fuir mon père. À fuir son jugement. À cacher ma différence. Il était le dominant. Et moi, le dominé. J’étais intellectuel, il était manuel. J’étais punk et il dansait en ligne. On était aux antipodes. Et j’étais incapable de lui tenir tête. Je pense que beaucoup de gars de mon âge ont connu cette difficulté de vivre une relation constructive avec leurs pères. Un fossé de génération. Un trou béant entre deux façons de penser tout à fait différentes.
Pourtant en vieillissant, je me suis rapproché de lui. On s’est rejoint. Quelque part au milieu de nos deux vies. Le temps arrange les choses. Il était encore grognon, mais je le trouvais drôle. Ces éclats d’humeur ne m’atteignaient plus autant qu’avant. J’avais eu le temps de me faire les dents ailleurs, dans ma propre vie.
Et surtout, papa, j’avais le sentiment que tu étais fier de moi.
Et ça, c’est ce qui m’a fait le plus grand bien.
Je me suis rendu compte, du haut, de ma quarantaine, que tu étais fier de voir le chemin que j’avais parcouru. Même si j’avais pris une route si différente de la tienne. Même si je ne réfléchissais pas de la même façon que toi. D’avoir cette reconnaissance. D’avoir ce regard approbateur du père. Un ti-cul restera toujours un ti-cul.
Et à côté de toi, je suis resté ce petit bonhomme.
Jusqu’à ce que je te vois dans ce lit d’hôpital, frêle, sans défense, intubé pour survivre. Je te regardais dormir, en me demandant à quoi tu pouvais penser. Qui sait, toi aussi, tu regrettais peut-être toutes ces années à passer à côté de l’essentiel. Ces années à se challenger au lieu de s’apprécier. Ces années à refuser d’accepter que malgré nous visions si différentes, on avait de l’affection l’un pour l’autre.
Tu sais, je suis pas mieux que toi. Je fais ce que je peux avec mes enfants. Je ne suis pas un papa «Caillou». Et fier de ne pas l’être. Je dis et fais des conneries. Et passe peut-être à côté de trucs essentiels, moi aussi. On dit que la pomme tombe rarement loin de l’arbre.
Mais comme toi, je suis fier de voir que mes mousses ont grandi en suivant leurs propres voies. En n’empruntant pas nécessairement la mienne.
On se souhaite bonne fête, papa?
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On est toujours d’accord avec soi-même.
Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage.
C’est une de mes expressions préférées. Encore plus depuis le début du conflit étudiant que l’on vit actuellement au Québec. Ce proverbe, c’est l’expression même de sa mauvaise foi. À l’extrême. C’est l’expression de la vérité unique. La sienne.
Elle justifie les travers et les moyens, mais surtout le manque de rigueur intellectuel des belligérants rouges/verts/noirs/blancs/gauches/droites. Name it. Tout le monde est dans le même bateau. Si vous êtes honnêtes et faites une vraie analyse de vos prises de position, vous ne pourrez que constater votre ignorance des points de vue différents du vôtre. Vous n’êtes d’accord qu’avec vous-mêmes. Et les gens comme vous. Avec les autres, pas de quartier.
Que l’on soit d’un camp ou l’autre, de chaque côté, on s’appuie sur des arguments à sens unique. Sans discernement aucun. Comme si la vérité était du fromage que l’on couperait au fil de fer. On s’abreuve aux mêmes sources d’informations que ses partenaires, celles dans lesquelles on se complait le plus, balayant du revers de la main les notions qu’on se refuse d’admettre. Celles de nos opposants. One-way. Sur Facebook ou Twitter, on se partage à qui mieux mieux des commentaires complaisants, sans vérifications. On partage les théories farfelues, du moment qu’elles consolident nos appuis. On est toujours d’accord avec soi-même. Et il est beaucoup plus facile d’être d’accord avec soi-même. La malhonnêteté intellectuelle n’existe jamais quand elle vient de soi.
On en vient à tracer une ligne indélébile (plutôt débile) entre le bien et le mal. Les gentils et les méchants. Ceux qui m’appuient/que j’appuie contre ceux que je renie/qui me renient. Ma vérité devenant la seule à suivre. Les gens qui ne sont pas d’accord colportant le mensonge. Bang! le chien. Out. Casse-toi. Tu pues. Ta couleur m’écoeure.
On fait ça depuis des lunes, vous me direz. Depuis que le monde est monde, on prend position sur des sujets divers. Certes. Mais les médias sociaux ont porté ces prises de position banales à un niveau obsessif, à un niveau de propagande. Caricaturant nos opposants, béatifiant nos partenaires. Comme si la vérité n’avait qu’une issue. Qu’elle n’était qu’un bloc immuable.
C’est déprimant. Effrayant. Et j’avoue, par-dessus tout, trouver le climat difficile à vivre.
Quand je vous vois mettre une balle dans votre fusil et viser votre chien que vous accusez d’avoir la rage, je ne peux que regarder ce dernier. Analyser ses yeux tristes. Vérifier cette gueule pleine de dents en me demandant si vos arguments en valent la peine. Si votre chien mérite toute cette hargne. Ce fiel.
Même si je ne suis jamais sûr de rien. Que je doute. Que je sois un sceptique. J’ai aussi un chien. Un chien que je suis quelquefois prêt à abattre, moi aussi, pour des raisons qui me sont tellement justifiées, que je réussirais à vous en convaincre, j’en suis certain.
Mais j’espère le contraire.
J’aimerais mieux que vous me disiez que je suis dans l’erreur. Que ce chien mérite mieux. Que vos idées valent autant que les miennes.
Dites-moi surtout que je devrais être d’accord avec vous, ne serait-ce que cette fois…
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Je le sais pas.
– Tu en penses quoi? On devrait ou pas?
– Je le sais pas…
– Tu veux dire…?
– Ben, que je le sais pas. Faut que je fouille un peu plus et que je me fasse une idée avant de te répondre…
Ouais. C’est ça. Je ne sais pas tout. Même dans mon domaine. Celui que je pratique depuis près de 25 ans.
Ça vous étonne? Pas moi.
Ce qui me surprend c’est le visage de mes clients quand je leur annonce mon incapacité à leur répondre.
– Ben non, je le sais pas…
Silence. Interrogation. Méfiance.
Dans le monde des affaires et de la consultation, l’assurance est de mise. Il faut être en mesure de répondre. Toujours. Si le client se questionne, tu dois, tel un soldat, être en mesure de tirer… des conclusions et rassurer le client. Aucune hésitation n’est permise. L’hésitation sera tout de suite perçue par un manque de compétences. Ce qui force certains consultants à diluer leurs connaissances afin de nourrir l’appétit de leurs clients. Quitte à en beurrer épais. Quitte à tourner les coins ronds. Même si c’est du toc, vaut mieux répondre n’importe quoi que d’affirmer qu’on n’a pas de réponse. Professionnalisme oblige (sic).
Il m’arrive de travailler des mandats en concert avec d’autres consultants. Quand il y a deux coqs dans une basse-cour pour une seule poule, ça peut brasser un peu. Comme je cherche rarement à avoir raison à tout prix alors j’admire la façon dont les autres tentent de tirer la couverte de leur bord en déclarant des trucs sans queue ni tête uniquement pour avoir l’attention du client pour lui. C’est encore plus pathétique de le voir s’enfoncer de plus en plus quand ils réalise sa bourde, incapable d’avouer son erreur, préférant s’enliser davantage dans ses fabulations. Et comme un mensonge est souvent creux…
Je ne suis pas le genre de consultant à affirmer que je connais une notion si je ne la maîtrise pas. Vous me verrez rarement patiner ou m’inventer une sortie quelconque quand on me demande mon avis sur un sujet dont je ne connais pas l’issue. J’avoue candidement que je ne le sais pas. Impossible de me prononcer. Que je doive vérifier. Si vous voulez un mensonge, vous n’êtes pas à la bonne enseigne. Désolé. Même chose pour un concept. Si en réunion de démarrage, vous me demandez de vous pondre tout de suite une création, vous serez déçu. La pensée magique n’existe pas. Labeur, labeur, labeur. Il faut essayer, douter, recommencer.
Alors la bullshit, très peu pour moi. Même si celle-ci peut paraitre payante à court terme — il ne faut pas se le cacher, on aime bien le style flamboyant et rassurant du consultant sans faille, j’ai la ferme prétention que mes hésitations et mes questionnements font de moi un meilleur consultant.
Un bon consultant bannit les mots « toujours » et « jamais » de son vocabulaire et explore toutes les nuances d’un discours. Un bon consultant refuse de se prononcer quand il n’a pas toutes les pièces du puzzle sous les yeux. Un bon consultant prend le temps de peser le pour et le contre en tentant de faire abstraction de ses paradigmes. Un bon consultant avoue candidement qu’il n’a pas la réponse instantanée. Un bon consultant avoue qu’il était dans le champ. Un bon consultant change d’avis.
Ne pas savoir force à chercher. À douter. À comprendre.
Étendre son savoir ne fait que le diluer.
Suis-je un bon consultant? Je n’en sais rien.
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Je, Nous.
Dernièrement, je n’ai pas été très bavard sur les médias sociaux. Mon blogue, inactif depuis près d’un mois, sa refonte me créant un alibi béton pour m’en éloigner, croule sous une série de brouillons non terminés. Mon compte Twitter sent la boule à mites, tout aussi poussiéreux que mon bureau et à part certains partages musicaux sur Facebook, ma participation sur les réseaux est inexistante. Je dis bien ma participation. Uniquement. Car je suis toujours là. En mode veille. À vous regarder, à vous lire. Et surtout à réfléchir. Une réflexion personnelle pour me faire ma propre idée sur l’actualité et ses débats. Pas celle de la masse et de ces influenceurs, mais la mienne.
Je me méfie des mouvements de masse. Je me méfie quand tout le monde pense la même chose. Je fuis les doctrines et les partis politiques, car je considère que la vérité est ailleurs et beaucoup plus complexe qu’un mouvement de droite ou de gauche. La démagogie est beaucoup trop présente, d’un côté comme de l’autre, pour que je décide d’appartenir à un seul clan. Mon monde ne se divise pas entre les gentils et les méchants. Les extrémistes me font peur, car ils n’envisagent rien d’autre que leurs visions, diabolisant celle des autres.
Rien n’est tout noir. Rien n’est tout blanc. Tout est en nuance.
Au lieu de boire aveuglément les paroles de ceux qui vous influencent, contestez-les. Contre vérifier. Investiguer. Ne prenez pas tout pour du cash. Les réseaux sociaux ont permis un partage souvent trop facile d’informations erronées. On partage à grands clics des liens qui véhiculent de demi-vérités ou de vrais mensonges. Provenant de sources douteuses. Du moment que ces idées réconfortent ses paradigmes, on colporte des ragots basés sur des études floues ou inexistantes.
Je lis les textes de gens dont je ne partage pas les idées. Je lis des journaux de droite, de gauche, et surtout d’ailleurs dans le monde. Ça permet de faire le focus plus facilement. De se faire une idée personnelle plus juste. Un souverainiste qui lirait uniquement L’aut’ Journal n’a pas plus de perspective qu’un auditeur de droite branché sur Radio X. La grande différence entre dialoguer et monologuer.
Bien sûr qui a des trucs que je lis qui me font grincer des dents, qui me bousculent et m’écoeurent, mais la vérité n’est justement pas toujours géniale. Et pas toujours comme vous le souhaiteriez. Sinon vous préférez vous vautrer dans le mensonge. Suivre les courants, bêtement. Tirer une ligne sur les gentils, ceux qui pensent comme vous et les méchants, ceux qui pensent autrement.
Les grands mouvements me laissent indifférent parce que pour une poignée de leaders, il y une masse de lemmings prêts à les suivre au bout de la montagne. Pour la cause. Haaaa, la cause. La noble cause. Parce qu’elle aussi fait partie du problème. La dissidence n’est jamais tolérée. Il faut se tenir. Serrer les rangs. Pour être certains de ne pas se laisser influencer. La droite n’admet jamais que certains arguments gauchistes tiennent la route, comme la gauche vomit sur tous les arguments de droite. Les gentils et les méchant. Ses amis et ses ennemis.
Je suis fier d’avoir des amis de différents milieux. Des amis qui ne pensent pas comme moi. Je ne voudrais jamais appartenir à un clan. Parce que c’est avec des clans, qu’on prend le chemin de la guerre.
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Chroniques sénégalaises 07 – Le prix
Combien vaut une vie humaine?
Vous vous êtes déjà posés la question? Moi, ça m’obsède depuis que j’ai remis les pieds au Sénégal, il y a maintenant deux semaines. Ne me dites pas que la vie, ça ne se compte pas. Tout se compte. Tout est monnayable de nos jours. Même l’amour. Alors, s.v.p, donnez-moi un chiffre.
Si vous en êtes incapable, laissez-moi vous aider un peu dans vos calculs. Lors de notre première journée de clinique, un jeune homme s’est présenté avec un œil déformé de la grosseur d’une boule de billard. Après investigation, une simple morsure obtenue lors d’une dispute avec son jeune frère a dégénéré avec le temps. Par négligence, mais surtout par manque de moyens, ce stupide incident s’est transformé en tumeur cancéreuse. Prix pour l’opération à Dakar : 100$. Vous vous doutez bien que ce jeune homme et sa famille n’ont pas cette somme. Sans être devin, il est facile de prédire qu’à court terme, il perdra son œil et que cette tumeur ne s’arrêtera pas là. Conclusion, une centaine de dollars suffiraient pour que sa qualité de vie s’améliore. Cent stupides dollars. Une paire de jeans. Un plein d’essence. Un mois de cellulaire. Pour une vie. C’est simple comme calcul. Comme le fait Liam Neeson dans son interprétation d’Oskar Schindler dans le film de Spielberg sur sa fameuse liste, quand il réalise le nombre de juifs qu’il aurait pu encore sauver en regardant ses bagues et sa voiture qu’il avait conservées. Mais nous ne sommes pas devant un écran avec du popcorn, mais devant ce bonhomme avec un œil qui veut lui sortir de la tête.
Voici donc notre réalité, ici, à Thiaré.
Chaque jour, des pathologies bénignes, pour la plupart si faciles à guérir chez nous, se transforment lentement en malaises plus importants pour des centaines, voire des milliers de gens. Rarement pour des sommes astronomiques. Des médicaments à 10$, 20$, 50$. Des interventions chirurgicales du même prix. Dérisoire. Mais y a rien de drôle là-dedans. Rien.
Un étudiant me faisait remarquer qu’il avait perdu l’appétit quand il a réalisé que nos restes de table finissaient dans les assiettes de certains employés du dispensaire. Qu’il avait l’impression que de manger leur enlevait de la nourriture. Une infirmière a fondu en larme quand elle assisté à l’accouchement d’un mort-né causé par un manque de suivi de grossesse. Plusieurs de nous réalisent, chaque jour, que la vie est injuste. Nous réalisons que la vie à un prix, mais n’a finalement aucune valeur sauf celle qu’on lui accorde. Si je suis capable de payer les 100$ qui me permettrait de survivre, est-ce que ma vie vaut plus que quelqu’un incapable de le faire? Serais-je si important dans l’Histoire pour que moi, je puisse me faire opérer plutôt qu’Elage, Ousman ou Bâ. Ma vie a-t’-elle vraiment plus de valeur que la leur?
Oui la misère est mondiale. Des villages comme Thiaré, il en existe des milliers éparpillés sur le globe. Des villages ou la vie tient à rien ou si peu qu’on pourrait la sauver ou l’améliorer avec quelques moyens.
À plusieurs reprises, nous avons voulu nous cotiser pour payer une intervention ou médicament spécialisé, mais nous ne pourrons pas tout réglé et créer des attentes que l’on ne pourra pas toujours combler serait encore pire. Nous tentons du mieux que l’on peut de panser et ce que nous faisons est important, mais nous réalisons bien que c’est le minimum. Que notre retour à la maison laissera cette population comme elle était avant qu’on y foule les pieds. Que les sentiments d’impuissance et de résilience auxquels nous faisons face nous suivront encore longtemps dans notre confort.
C’est le prix à payer quand tu t’embarques dans ce genre d’aventures. Un prix difficile à évaluer. Le prix de la vie.
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Chroniques sénégalaises 05 – Le temps
Le temps s’est arrêté quelque part à 200 km de Dakar au Sénégal, dans un village nommé Thiaré.
Ici, le quotidien s’installe tranquillement. Nous nous transformons petit à petit. Notre rythme de vie rapide est de plus en plus derrière nous. Hier, j’ai passé presque 2 heures dans la salle d’attente de la clinique à ne rien dire. À simplement observer ces gens qui attendent qu’on les appelle pour nous rencontrer.
En silence. J’ai observé leurs gestes lents, leur sérénité. Tout ici respire la résilience. On ne combat pas le temps. On ne cherche pas à l’apprivoiser, encore moins de l’étirer; le temps dévient une matière immuable comme l’air que l’on respire. Un simple bonjour est une discussion interminable où on s’informe de nos familles mutuelles.
Un bonjour ne se limite pas à sept petites lettres anodines, mais à une notion beaucoup plus importante, celle de prendre le temps de marquer l’importance d’une rencontre.Deux heures, ça représente le temps qu’il faut pour filtrer les 120 litres d’eau que notre équipe ingurgite chaque jour. Pendant ces deux heures, l’eau passe dans le tuyau du sac de filtration comme le sable dans le sablier. Pourtant l’eau est l’antonyme du temps.
Autant le temps n’a pas d’importance, autant l’eau est indispensable à notre survie. Nous buvons nos gourdes à satiété, jusqu’à la dernière goutte, et ce, même si celle-ci est chaude. Cette eau propre est notre meilleure garantie contre la maladie. Il faut souvent être privé d’un truc banal pour en apprécier toute sa valeur. L’eau rime avec or.Si l’eau est le premier élément indispensable, la merde arrive deuxième. Très très près. Ne riez pas. Notre cœur nous a fait venir ici, mais ce sont nos intestins qui nous permettent de l’apprécier. Ça me rappelle un numéro d’humour de Roland Magdane dans lequel tous les organes humains se disputaient le rôle le plus important du corps. Le cerveau se vantant d’être l’organe suprême tandis que le cœur, celui qui nous permettait de vivre. À la fin, le trou de cul décidait de cesser de fonctionner provoquant un problème majeur au niveau du corps entier. Ici c’est pareil. Notre force et notre moral passent par la bonne marche de nos intestins. Tous nos malades le sont par le cul. Quand tu passes ta nuit à courir les toilettes, tu ne peux pas être alerte le lendemain. D’où l’importance de l’eau et de notre salubrité. Vous riez encore? Allez péter. Et profitez-en. Car ici, c’est un autre luxe dont on se prive.
En vrac
Sur la route de Kaolack, un panneau publicitaire du réseau cellulaire Orange titrait «Vous rêvez d’une meilleure vie?». Comme si un cellulaire avait les vertus pour changer le destin des gens. Comme si posséder un téléphone irriguait la faim et la pauvreté. Y’a des jours où mon métier de publicitaire me lève le cœur…
—
Le courriel à tué le courrier traditionnel. On ne s’écrit plus de lettres. On pense rapidement, nos missives arrivant à la seconde où elles quittent nos ordinateurs. Alors quand nous avons croisé un marchand de cartes postales, plusieurs de nous sommes tombés sous le charme de cet ancien dada. Comme sur Facebook, nos messages à nos proches sont lus par un paquet de gens; comme Twitter, nos écrits sont limités par un nombre de caractères, selon la grosseur de notre calligraphie, mais le simple fait de l’écrire à la main rend le geste à limite du romantisme.
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Chroniques sénégalaises 01- le retour
Voilà. Ma valise est fermée. Pleine à craquer. J’ai dû la peser, défaire, peser, refaire, peser, prioriser, repeser pour arriver au nombre de kilos permis. Faut dire qu’avec une tente, un sac de couchage et tous ces trucs aussi banals, mais plus qu’essentiels, comme du papier-cul, il te reste peu de place pour tes affaires personnelles. Que l’essentiel. Depuis plusieurs jours déjà, sur la page privée de Facebook réservée au stage, les étudiants se lamentent sur le dépassement de poids ou leur manque d’espace de leurs valises. Difficile de laisser derrière soi ce confort nord-americain. Difficile d’abandonner nos habitudes de riches. Ce bien-être acquis sans trop d’effort. Disons que c’est notre toute première épreuve. Si on peut appeler ça ainsi. Misère des riches.
Le danger de comparer
Quand je voyage je n’aime pas retourner aux mêmes endroits. Si je le fais, je tente par tous les moyens de ne pas visiter les mêmes lieux, choisir les mêmes restaurants. Je déteste la routine. Au risque de me tromper. Pourquoi? Premièrement, j’aime beaucoup l’imprévu, j’aime voir ce que le destin me réserve et comme il est rarement possible de recréer une première expérience, vaut mieux garder ce souvenir que de tenter en vain de recréer ces hasards de la vie. Comme manger à ce restaurant découvert par dépit parce qu’on s’est fait prendre par la pluie. Ce même restaurant auquel on aurait jamais songé dans une autre situation. Y retourner, briserait ce charme créé pour l’occasion. Deuxièmement, y a tellement de trucs à voir, faire, manger, lire que je ne comprends pas l’idée de refaire ce qui a déjà été fait. La jouissance de la découverte l’emportera toujours sur le confort du déjà-vu. Et finalement, n’est-ce pas l’essentiel-même du voyage que de se laisser aller et de ne surtout pas se blaser?
Mais voilà que je retourne au Sénégal. Dans ce même petit village qu’est Thiaré. Dans ce même dispensaire de santé, un an plus tard, presque jour pour jour. Avec des étudiants et des bénévoles. Le danger de refaire les mêmes gestes me guette et ça me fait peur. Vigilance.
Lego vs. L’égo
De 18 intervenants, l’an passé, notre groupe est passé à 31 cette année. Avec tout ce que ça comporte comme logistique. Comme les infrastructures d’accueil demeurent les mêmes, ce sont les personnes qui devront s’adapter aux lieux. Mais tout ça, c’est physique et mathématique et par le fait même facile à régler. Facile à matérialiser. Assoir et servir à bouffer à plus de personnes, comme pour les faire dormir à quelque part, ça ne représente pas un grand défi. Un jeu d’enfant. Comme des blocs Lego.
Ça sera différent pour notre bloc personnel, l’égo. Chacun des participants débarqueront avec des idées, des aspirations et surtout un bagage de vie très différents. Les étudiants en soins infirmiers, dont quelques-uns en seront à leur baptême de l’air, représentent tout de même un bloc homogène. Ils sont avant tout, la raison même pour laquelle ce stage est organisé. Habitués de vivre en gang, la notion de promiscuité n’est pas un truc qui les dérangera, au contraire… Il y va de même pour les enseignantes; oui, ce sera dans un cadre différent, mais leur travail de soutien et d’encadrement demeurera le même. Pour les bénévoles, dont je fais partie, c’est autre paire de manches. Ils devront s’adapter à un groupe de jeunes, vivre différemment et surtout s’adapter à vivre en groupe, avec des gens qu’ils connaissent à peine. Il ne faut pas perdre de vue, que cette expérience de vie qu’ils s’apprêtent de réaliser est un stage humanitaire et non un voyage. Nuance subtile, mais majeure. Tout ce que nous accomplirons, là-bas sera toujours dicté en fonction de notre mission première, celle d’aider. Nous ne serons des touristes que par notre couleur de peau et nos grands yeux, mais surtout pas par nos idées préconçues. Nos découvertes se feront dans un cadre humanitaire, ce qui devrait se matérialiser par de l’ouverture sur les autres, et surtout oublier notre petite personne pour l’espace de trois semaines. À des années-lumières d’Occupation Double…
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Le temps qui passe.
Je déteste vieillir.
Le gris des cheveux, les chairs qui ramollissent, les esprits qui s’obturent. J’aime pas. Et comme tout ça est incontournable, à moins de se faire croire le contraire le tout dans une philosophie optimiste, le constat est que je trouve ça énormément difficile à vivre. Pas facile. Déprimant. Quand on me rabat que vieillir en sagesse est génial, je veux bien, mais la résultante est que le temps avance toujours, et ce, à un rythme que je trouve, hélas, trop rapide. Beaucoup trop.
Alors les fins d’années, comme les anniversaires, me font chialer. Pleurer. J’ai la fin des temps nostalgique comme j’ai le vin triste. Désolé. Je suis comme ça. Le temps m’a modelé comme ça. Alors les années qui s’accumulent me font chier. Je n’y peux rien.
Pas par nostalgie, mais au contraire, par ce que cela représente vraiment : le temps qui passe est déterminant.
2011 n’est plus. Je n’en ai rien à foutre réellement. Personnellement, de façon égoïste, cette année ne m’aura pas plus marqué qu’une autre. Pareil à 2010, 2009… Mais tout ça est tellement relatif quand on le rapporte à soi uniquement. Pour les Tunisiens et les Égyptiens, par exemple, cette année passera assurément à l’Histore. Peut-être. Pour des amis, ce sera l’année marquante où leur petite fille aura été victime d’un atroce accident, d’autres auront perdu des êtres chers, leurs pères, leurs mères, des frères et des soeurs. Pour eux, 2011 aura été une année charnière, indissociable de leur futur immédiat. Une maille dans un chandail de laine. Un trou. Une étape. Le temps est comme ça. Pour certains, les années se matérialisent en jours anonymes qui passent sans laisser de traces et pour d’autres, en balises qui provoquent des marques indélébiles et deviennent par le fait même des faits importants. La vie est ainsi.
Le temps passe, mais n’a pas le même impact pour chacun. Je connais les années qui m’ont marqué sans avoir besoin d’agenda pour me les rappeler. Le quotidien se chargeant de le faire tous les jours, de toute façon, par mes actions, ma façon de vivre ou de réagir.
Pourtant, dans trois petits jours, 72 heures, j’aurai le cul dans un avion qui me mènera sur le continent africain. Sur ce continent où le temps est relatif, à la limite insignifiant, sans importance. Mon quotidien se métamorphosera. Et j’ai hâte. Ça me fera du bien de perdre pied, de réfléchir différemment. D’avoir une montre inutile. Une connexion internet intermittente qui je sais me fera sacrer, mais contre laquelle je n’aurais aucune emprise. Ça me fera suer. Silmutamnémant, ça me fera aussi le plus grand bien. De ne rien contrôler et de ne rien pouvoir y changer. Surtout. De voir que ce temps qui passe n’est pas le même que chez nous. Une petite mise à niveau. Un refresh.
S’il y a un point positif au temps qui passe est ce beau risque que le vent change pour prendre, cette fois, la bonne direction. Et c’est ce que je nous souhaite à chacun de nous. Pas un ouragan. Une petite brise personnelle qui aura un impact sur chacun de nous, et indirectement, sur notre société. Parce que le vrai changement vient directement des individus. Vous êtes ceux qui font la différence. Y a pas de société sans individus.
Bonne année 2012.
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Le bonheur est contagieux
Dans la queue à la caisse du Canadian Tire, elle était tout juste devant moi. Frêle et fière, avec son foulard fuchsia sous son manteau de lainage gris. Sur le comptoir, les achats de cette vieille dame attendaient d’être pris en charge par la jeune caissière. L’inventaire : biscuits pour chien, bacon pour chien, os en corde pour chien.
— Ouais, il est gâté ce petit chien-là, hein? avançais-je.
Elle a peu bronché, ne saisissant pas tout de suite que je m’adressais à elle. Puis, regardant par dessus ses lunettes, elle me jeta un regard comme Mathieu Kassovitz dans le film La Haine, en murmurant dans sa tête « C’est à moi qu’tu parles? Hein? C’est à moi que tu parles? »
— Il est pas mal gâté, hein? ajoutais-je.
Y avait plus de doute dans sa tête maintenant. Ce gars-là mal rasé, avec ces drôles de lunettes s’adressait bien à elle. Elle a souri discrètement et m’a répondu « Oui, c’est pour mon petit chien… ».
— On les aime tellement ces petites bêtes-là…, tentais-je à nouveau, profitant de la brèche que j’avais provoquée.
— Mets-en qu’on les aime, moi, mon chat, je le gâte tellement…, dit la caissière, s’introduisant dans cette discussion qui devenait de moins en moins monologue.
« C’est un mini Colley, c’est comme mon bébé… » Me dit la dame, en me regardant droit dans les yeux. Son visage s’étant illuminé tout d’un coup. Elle sourit de toute sa bouche et rajouta : « il est tellement fin avec moi, toujours collé, affectueux… c’est comme mon bébé! ». Ses affirmations dites au bout des lèvres transpiraient l’amour. Ce petit chien-là devait avoir une place énorme dans la vie de la petite dame. Tout la place. Elle continua à en parler, s’adressant tour à tour à la caissière ou à moi. Intarissable, elle nous racontait tous ces trucs anodins que les chiens font, anodins pour les voyeurs comme nous, indispensables pour les gens qui les reçoivent. Je ne l’écoutais plus. J’imaginais cette dame âgée dans son condo, avec ce petit chien roi qui lui rendait si bien tout l’amour qu’elle lui apportait. Et surtout, j’ai vu dans ses yeux qu’elle était contente de nous faire part de son petit bonheur. Que ses chuchotements étaient de grands cris d’amour, mais que sa petitesse et vieillesse ne lui permettait pas d’exprimer aussi fort qu’elle l’aurait voulu.
Je me suis mis à penser à mon père. C’est le genre de truc que faisait mon père. Parler aux autres, les déranger dans leur silence. Quand j’étais plus jeune, ça m’énervait. Ça me gênait quand il s’adressait à des étrangers, quand il ne se mêlait pas de ses affaires. Je trouvais que ça faisait bonhomme. C’est bonhomme de parler de tout et de rien, de faire des blagues avec les gens qu’on ne connait pas. Mais bonhomme rime souvent avec bonheur. Je gêne aussi ma fille quand je m’adresse à des étrangers pour dire des niaiseries. Peut-être que 80% du temps, ça reste des discussions banales qui ne passeront pas à l’histoire. Mais cette après-midi-là chez Canadian Tire, je pense avoir provoqué un petit moment de bonheur de 5 minutes. À la petite dame, la caissière et moi.
Le bonheur est contagieux, encore faut-il se laisser contaminer.
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Le monde est petit. Très très petit.
Les Québécois n’auront jamais autant voyagé. En scrutant les données de Statistiques Canada, la courbe est exponentielle. Nous sommes toujours prêts à décoller. Y a pas une semaine où tu n’entends pas quelqu’un qui parle de son imminent départ dans des pays avec des noms qu’il fallait faire semblant de connaître il y pas si longtemps. On voyage de plus en plus jeune, en famille ou en couple et on voyage de plus en plus loin. Les périples, jadis réservés aux grands explorateurs sont maintenant banalisés par les tours opérateurs qui les rendent accessibles à tout le monde en autocar climatisé. Il y a plus vraiment de destinations qui nous impressionnent. On ne parle plus de Tombouctou comme le bout du monde. On va en Europe comme on allait à Old Orchard dans les années 70. Les voyages dans le sud sont devenus de banals week-ends dont on se confesse quasiment. « Tu arrives de voyage? » – Non, non je suis seulement allé 10 jours à Cuba. C’est devenu banal. Anodin.
Et la bouffe? Haaaa la bouffe. On entre dans le plus simple IGA de quartier pour s’acheter quinoa, manioc, farine de banane plantain. On cuisine le monde de plus en plus quotidiennement. Notre trio carotte/patate/navet est devenu moribond et l’offre s’est multipliée pour nous offrir des légumes de champs du monde entier. L’expression légumes de terre est devenue légumes de Terre. Légumes d’ailleurs qu’on réussit maintenant à cultiver très bien, ici même. L’exotisme ordinaire. On peut manger exotique bio, près de chez nous. J’écris exotique et je me fais rigoler, car ce mot n’a plus la même saveur que jadis. Notre alimentation a tellement changé et évolué qu’on peut difficilement parler de bouffe d’ailleurs. Beaucoup de produits importés font partie intégrante de notre alimentation quotidienne. Et ce n’est même plus réservé à une élite. Ni à une classe plus riche. Ricardo, Faita, Pinard et compagnie ont réussi, avec leurs émissions et livres, à métamorphoser la cuisine québécoise et la rendre multiculturelle en démocratisant celle-ci. Notre table est multiculturelle. Nous bouffons le monde.
Nous n’avons jamais été aussi informés sur les grands conflits mondiaux. Nous avons suivi les dernières grandes révolutions sur Twitter. En direct. Nous avons vécu le printemps arabe, dans le confort de nos foyers. Nous avons pu suivre les élections tunisiennes et en parler parce que sa couverture par les médias nous a été offerte sur le web. Nous nous nourrissons de sources d’informations diverses et mondiales. Les points de vue sont de plus en plus diversifiés. Nous avons maintenant l’opportunité de lire comment l’orient perçoit l’occident. Nous extrapolons moins. Des idées d’ailleurs influencent les nôtres. Un mouvement comme Occupons machin s’exporte, s’importe, comme un fruit. Nous vivons le village Global. Nous sommes mondiaux. Les barrières tombent.
Nous vivons une époque formidable, comme j’aime le dire si souvent. Une époque mondialisée.
Le monde est petit, mais plus nous. Nous avons grandi de ces expériences multiculturelles. Nous ne sommes plus des étrangers. Imbibés de culture, nous sommes devenus des citoyens du monde.
Pourtant, quand Khady du Sénégal finira ses études au Saguenay, c’est dans une autre ville, peut-être province et même pays qu’elle ira pratiquer.
Pas qu’elle n’aime pas le Saguenay, ni le Québec. Elle a quand même choisi de s’y établir pas seulement le temps de ses études, mais avec le but de s’y intégrer. D’épouser une nouvelle culture. Comme des milliers d’étudiants le font, chaque année au Saguenay, à l’Université du Québec à Chicoutimi, ou dans un de nos quatre Cégeps. Des milliers d’Africains, de Magrhébens, de Chinois ont opté pour le Saguenay comme terre d’accueil pour vivre une nouvelle vie, mais une poignée seulement resteront. Et ce n’est pas parce qu’ils n’aiment pas rester ici. Vraiment pas. C’est le Saguenay ou le Québec qui n’en veulent pas.
« Tu as été victime de racisme ici, Khady? » La question l’a fait sourire de toutes ces belles dents quand je lui ai posé la question, vendredi passé chez moi. Oui. Elle l’est. Et pas toujours de façon directe. Le racisme latent, hypocrite est bien pire. Te faire traiter de négresse par un individu sans cervelle fait beaucoup moins mal que de te voir refuser un stage dans une entreprise, que d’être la dernière choisit pour un travail d’équipe, que d’être reconnue coupable sans avoir eu droit à une enquête. Uniquement par ta couleur de peau, ton allure, ton odeur. Pour leur permettre de suivre un stage en entreprise, indispensable à la réussite de leurs études, les intervenants des institutions d’enseignement doivent user de tous leurs atouts pour convaincre les entreprises de les accepter. Je ne parle pas ici d’avoir à placer des derniers de classe, des cancres, et je parle encore moins d’embauche à temps plein, mais uniquement d’un stage bénéfique à la fois à l’étudiant et à l’entreprise. On ne parle ici pas de charité. Mais c’est quasiment ce que l’on doit faire pour solliciter les entreprises.
On dit souvent que le racisme vient surtout de l’ignorance. Pas toujours. On ne peut pas être ouvert à toutes ces cultures culinaires, littéraires, etc. sans l’être à leurs auteurs, ceux de qui tout cela origine. On se targue de vouloir voir le monde, mais quand ce monde est notre voisin, on lui ferme la porte. On ne veut surtout pas le voir. Le tourisme à sens unique.
Pourtant, nous voyageons comme jamais, nous bouffons cantonais, créole et libanais et nous nous préoccupons d’envoyer des sous en Haïti quand son peuple souffre de la multiplication de cataclysmes. Nous n’avons jamais été autant citoyens du Monde. Nous n’avons jamais autant aimé le Monde. Nous aimons tellement ce qui vient d’ailleurs. Tellement. Que nous préférons qu’ils restent ailleurs. Surtout pas chez nous.