Choses que je déteste #3:
Ceux qui mettent les gens dans des cases.
Il y a trop longtemps que je n’avais pas écrit un billet dans la catégorie « Chose que je déteste… » À croire que tout me plaît dans ce bas monde. Je n’ai pas eu trop de problèmes à trouver, j’ai fait le focus sur mes dernières semaines et j’ai mis le doigt sur un irritant : les gens qui aiment catégoriser les autres, les mettre dans des cases. Du genre, cette fille-là côtoie cette personne, DONC, elle est dans la catégorie « des pas fiables »; ce mec-là travaille souvent avec tel type, il fait DONC partie « des gens non fréquentables ». D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours fréquenté des gens différents. À l’école, au travail ou à la maison, j’ai rarement appartenu à un clan, à une gang. Mes amis viennent de milieux divers, occupent des métiers variés, ont des revenues plus ou moins homogènes, pratiquent ou non un sport, ont plus ou moins de talent artistique, mais ont tous des qualités qui font que c’est un plaisir renouvelé d’en être entourés. Et cela me suffit. Je n’aime pas que l’on me juge non plus parce que je connais telle personne ou que j’en côtoie une autre : j’aime à penser que les gens ne sont pas unidimensionnels, donc pouvant offrir différentes facettes qui plaisent à différentes personnes, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. J’aime la compagnie d’un tel ou d’une telle pour un aspect que vous pourriez détester. C’est pour cette raison que le Monde est intéressant : sinon aussi bien passer son temps à monologuer devant un miroir. Groucho Marx disait « Jamais je ne voudrais faire partie d’un club qui accepterait de m’avoir pour membre ». Il suffit souvent de gratter un peu plus loin que la première impression. N’allez pas croire que je suis un saint : les gens qui me connaissent savent que ce n’est pas le cas; il m’est arrivé fréquemment de juger trop rapidement des types qui m’ont démontré plus tard que j’étais dans le champ par rapport à l’idée que je me faisais d’eux. Vu du contexte professionnel, créer des catégories et y placer des gens est, selon moi, autant désolant. Il m’est déjà arrivé de n’avoir pas été retenu sur un dossier pour une raison du genre : ce n’est pas son domaine, ou pire, ce n’est pas SON type de mandat. Je trouve assez simpliste et très réductrice l’idée de catégoriser mon genre de travail : je suis capable de faire rire, pleurer, réfléchir et acheter. Parce que je peux être drôle, touchant, intelligent et vendeur. Multidimensionnel, quoi. Certains clients connaissent plutôt mon côté « pub », pour certains autres, comme je n’ai conçu que du graphisme traditionnel, ils n’ont jamais songé à moi pour monter une campagne. Dommage. Je pense que découvrir les différents angles d’une personne vous ouvre des chemins qui peuvent vous mener pas mal plus loin que votre itinéraire initial. J’hésite de plus en plus à utiliser le mot « graphiste » ou celui de « concepteur publicitaire » : il diminue les champs de compétence dans lesquels je peux oeuvrer. Alors que des gens cherchent à se doter d’un titre, je rêve de me dépouiller du mien. De cette façon, ça sera vraiment difficile aux individus qui aiment mettre leurs congénaires dans des cases de me mouler dans une catégorie. Et c’est tant mieux. Comme ça ils pourront découvrir que je peux aussi bien les aider à trouver une recette de carré d’agneau, devenir DJ pour un soir ou leur causer littérature autour d’une coupe de vin… que de leur créer un concept publicitaire en anglais pour une clientèle d’ingénieurs Portuguais.
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Les créatifs sont des bébittes sensibles.
Fragile. Handle With Care. Ce concept publicitaire pourrait se casser à la moindre secousse, son créateur encore plus. Vous ne me croyez pas? Si vous saviez à quel point les créatifs sont les êtres les plus sensibles qui soient. Ils sont capables du meilleur s’ils sentent qu’on les aime et les trouve bons, mais sont capables également du pire s’ils ne se sentent pas appuyés. J’ai eu dans ma carrière des hauts et des bas, professionnellement parlant. J’ai réalisé des créations qui rivalisaient avec ce qui se fait de mieux, mais aussi des productions dont je préférais renier la paternité et dont j’espère que personne ne me rappellera l’existence. Quand j’analyse ces deux catégories de productions, les tops ou les poches, ils sont directement reliés à une relation client facile ou difficile. Oubliez le mandat, cela n’a rien à voir. J’ai manqué de super beaux mandats et réussis des miracles en travaillant sur des sujets plus plates qu’un épisode de Virginie. De toute façon, on choisit rarement ses mandats, et une agence qui se respecte trouvera toujours le moyen pour réussir son mandat. La clé réside dans la relation client. Uniquement. Une relation difficile, construite sur le non-respect ou la confiance mitigée rend le terreau de la créativité peu fertile, au contraire une relation bâtie sur la confiance mutuelle a de grandes chances de devenir un mandat génial. C’est vrai pour le métier de publicitaire, mais tout autant pour d’autres professions. Une classe tumultueuse a moins de chance de recevoir un meilleur cours de la part d’un enseignant qu’une classe plus docile. C’est normal. Comme un joueur de hockey qui joue devant ses partisans, le créatif performe à son maximum lorsqu’il sent que son client attend beaucoup de lui et l’encourage. Le même joueur qui se fait huer par ces mêmes partisans lorsqu’il fait une gaffe sur la patinoire, aura tendance à jouer de façon différente, sur les talons, risquant de moins bien performer. Je ne dis pas qu’il faut recevoir des applaudissements ou se faire coller une gommette dans notre cahier pour tous nos bons coups, mais simplement de sentir que l’on est appuyé. Il m’est déjà arrivé de me faire refuser quelques idées par un même client, ça fait partie de la « game ». On n’est pas infaillible. L’important est que le lien de confiance subsiste. L’idée finira bien par arriver… Je suis chanceux, j’ai des relations avec des clients qui durent depuis plus de dix ans. J’ai des clients qui me font sentir que je les aide. Des clients qui me poussent à trouver des idées plus géniales que les premières que je leur ai soumis. Des client qui en demandent un peu plus à chaque fois. Des clients qui font la vague quand je leur compte un but…
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Les hauts et les bas d’un valet de marque.
Ou les tribulations d’un (plus ou moins jeune) homme d’idées dans le merveilleux monde de la pub. On vit toutes sortes d’épisodes dans une vie en communication : on passe de l’euphorie parce que l’on vient de décrocher un contrat super intéressant ou que l’on vient de trouver une idée géniale, mais l’on passe aussi par la déprime de ne pas avoir décrocher le mandat-de-sa-vie, ou que l’idée géniale que l’on a eue ne plaît pas au client, même si nos arguments stratégiques sont béton. J’imagine que toutes les sphères d’activité sont semblables; on vit de contrastes, passant du blanc étincelant ou noir lugubre. Je ne me plains pas, je serais incapable de vivre une vie grise, égale, sans soubresauts. Et j’adore mon métier. Même si on y vit de grandes joies et de grandes déceptions, saupoudrées d’une bonne dose de stress. Je vais vous raconter deux anecdotes qui me sont arrivées dernièrement: les noms des clients seront gardés anonymes, ainsi que la description précise des projets, par souci de professionnalisme. Ils se reconnaîtront peut-être, mais vous non.
CAS #1: Il y a six mois, je reçois le téléphone d’un nouveau client. Il m’a été référé par un de mes clients existants. Rencontre intéressante, projet super emballant, ça clique, quoi. Je prépare mon plan, rencontre le client : c’est l’apothéose! Je suis tombé en plein dans le mille : mes premières idées exploratrices leur plaisent, en fait, ils apprécient le fait que je n’ai pas suivi à la lettre leur demande initiale : je suis allé plus loin. Même à l’état d’esquisse, mes idées sont déjà mieux que celles de leur ancienne agence. Bref, je remporte le compte et je commence tranquillement à aller plus profondément dans le dossier. Quelques mois passent. En furetant sur le net, je tombe sur un article d’Info-Presse traitant d’une campagne sur un produit comme le mien : l’agence arrivait somme toute aux mêmes arguments de création que moi… Merde. La campagne que je m’apprêtais à livrer existait déjà. Pas dans son intégrité, les slogans étaient différents, les idées plus ou moins semblables, mais le fond était le même, les façons de faire pour y arriver aussi. J’étais entre deux sentiments; heureux de penser que cette agence, énormément plus grosse que la mienne, cette agence dont je suis un fan, arrivait à la même conclusion que moi; mais en même temps ça me déprimait, j’étais le deuxième à avoir cette idée. Ici, certaines agences s’en seraient foutu: un peu d’habillage et on ressert ce concept réchauffé avec une autre sauce et hop! : bien saucé, on peut faire passer des escalopes de porc pour des escalopes de veau… J’en suis incapable. Je retroussai mes manches, refis mes devoirs en demandant une rencontre d’urgence à mon client: au téléphone, je l’avertis déjà que j’ai fait volte-face à la campagne qu’il avait préalablement acceptée (!), que j’ai recommencé «on scratch » et que j’aimerais leur présenter cette campagne version 2.0. Arrive la rencontre, mon concept est audacieux, surtout dans sa réalisation, le client n’est pas très rassuré : on est loin du traditionnel, il n’est pas tout à fait habitué à ça… Mais qu’à cela ne tienne, il embarque. Ça sera génial, je lui prédis. Pour des raisons internes, la campagne fut remise à plus tard. Dernièrement, je tombe sur une campagne d’un produit de calibre internationale avec… la même stratégie que j’avais proposée, version 2. Pas les mêmes slogans ni la même plateforme graphique, mais l’idée première est intégrale. Et comme ce produit est mondial, il aura beaucoup plus d’impact médiatique que le mien. Me voilà encore aux prises avec mon dilemme préféré… jamais deux sans trois, passons à la campagne 3.0…
CAS #2: Totalement dans un autre ordre d’idées, il y a quelques jours, je rencontre des clients pour un déjeuner. Je mène quelques dossiers de front pour eux et je profitais de cette rencontre pour présenter quelques concepts, et des suivis de production. Le déjeuner est sympa, les idées plaisent, et on se laisse sur une bonne note. Plus tard dans la journée, l’icône de mon courrier sursaute sur mon écran d’ordinateur pour m’avertir que j’ai un mail… je l’ouvre, il vient d’une des personnes que j’ai rencontrées le matin même et il dit simplement : « Juste bravo et merci pour tes idées géniales. C’est un privilège de travailler avec toi ». Vendredi après-midi, la broue dans le toupet, mais un rayon de soleil crève mon écran. Que quelqu’un prenne la peine de m’écrire un si joli mot, alors que moi, je ne fais que mon travail, est complètement extraordinaire. Je sais que je n’exerce pas nécessairement un métier indispensable, ni un métier noble comme m’occuper de gens dans le besoin, mais beaucoup de mes clients le font. Et si, par extension, j’aide ces clients à réaliser leurs missions, donc, je participe, un peu, à leurs succès. Dans les deux cas exprimés, j’ai pourtant fait la même chose : créer ce que je pensais être le plus pertinent pour mon client. Je le fais toujours avec intégrité et professionalisme. Si vous voulez du vrai, vous savez où me trouver.
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L’homme à tête de chou.
Je suis l’homme à la tête de chou
Moitié légume moitié mec
Pour les beaux yeux de Marilou
Je suis allé porter au clou
Ma Remington et puis mon break
J’étais à fond de cale à bout
De nerfs, j’avais plus un kopeck…
Ce matin, petit bonheur gratuit. Plein de soleil dans mon bureau, un café et le plaisir total de RE-découvrir un album que je n’avais pas écouté depuis des lunes : Gainsbourg – L’homme à tête de chou. Pas besoin de vous dire qu’il a joué en boucle toute la journée. C’est cool de réécouter un album qu’on avait mis de côté. Pour toutes sortes de raisons… trop de musique à découvrir, pas assez de temps. Bref, un oubli. 5 ans après le sublime Melody Nelson, en 1976, Gainsbourg sortait cet album concept racontant les tribulations d’un mec amoureux d’une « petite gueuse shampouineuse » qui lui fait la vie dure. Du bonbon du début à la fin. J’adore la musique de Gainsbourg, ses textes, cette irrévérence, cette intelligence… Il faut écouter « Variations sur Marilou » pour déguster la poésie disjonctée de gainsbarre. Étrangement, on a reconnu son génie musical sur le tard. Je lisais une de ses biographies, en décembre, qui racontait comment ses albums recevaient toujours des succès critiques, mais très peu au niveau populaire; mais à l’inverse, comment le succès commercial était au rendez-vous quand il écrivait pour les autres, surtout des femmes (Bardot, Gall, Birkin…). On fait de moins en moins d’album-concept. Dommage. Voilà. Petit bonheur partagé.
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Jeu dit.
… pour écrire! À vous de jouer, moi, j’ai du boulot…
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x.
Martin et moi, on ne s’entend guère musicalement parlant. En fait, je pense qu’on ne s’entend pas du tout là-dessus… Pourtant, j’aime bien ce qu’il fait, lui, comme musicien. Ce n’est pas le genre de musique vers lequel j’irais naturellement, mais ça me plaît. Tant pis pour lui si j’aime ça, ça veut dire que mes goûts pourraient lui plaire (!). Mis à part la musique, on a un discours commun: on n’aime pas vraiment pas la génération des baby-boomers (parenthèse importante pour ces lecteurs qui en font partie : quand on parle de génération, nous généralisons : pour moi, une génération représente beaucoup plus qu’une plage d’âge, elle représente plus une façon d’être, une manière de penser. Si vous ne vous retrouvez pas dans ni l’une ni l’autre, soyez sans crainte.) On n’aime pas, est aussi un grand mot; on n’adhère surtout pas à leurs valeurs, encore moins à leur démesurée estime de soi. Leur manière de penser qu’ils ont tout inventé, tout bâti alors que le constat des générarations qui les ont suivis en est un plus pessimiste.
J’étais autour d’une bonne table, vendredi soir dernier, à une soirée de poker entre chums de gars. Du monde de la même génération, des gars de 40 à 50 ans. Personne avec des jobs coulés dans le béton, digne représentant de leur génération. Autour de la table, malgré nos goûts différents, plus que les mêmes valeurs, nos visions étaient les mêmes. Levant nos verres à la victoire d’Obama, outre la couleur, l’image, ce qui nous plaisait encore plus, c’était l’ascension enfin d’un nouveau maître du monde de NOTRE génération. Comme analysait Martin, de voir Bush partir le dos courbé, laissant un monde divisé, fauché, sale écologiquement et éthiquement parlant, à l’image de la fin de règne des baby-boomers; et de voir l’arrivée d’Obama, le nouveau, le X, le gars qu’on n’attendait pas, le gars qui a fait son chemin entre deux générations, dites lyriques, fut un baume. Obama héritant d’un monde à nettoyer et à rebâtir, est à l’image de ce que ma génération a vécu et vit encore : vivre des miettes laissées par les baby-boomers ou pire encore, obligé de tout nettoyer plutôt que de jouir du moment présent, comme eux l’on fait (comme le dit bien cette chanson de Martin: «Janitors of The World»). D’entendre le discours réaliste d’Obama, sans fausse promesse représentait bien ce que les X… représentent. Une génération réaliste. Pas rêveuse, ni idéaliste; non, réaliste et vrai. Cela nous a pris du temps à nous les X d’éclore. Coincés entre les baby-boomers, et les Y, nous avons rongé notre frein. Étiqueté « sans envergure », « no future », « désabusé », « individualiste », ma génération a su tranquillement faire sa marque. Sans éclat. Alors que les générations qui nous servent de parenthèses clament haut et fort leurs idéologies, les X font dans la modestie et la véracité. Nous sommes les responsables du web 2.0. Nous sommes la génération qui a su moderniser les modes de diffusion d’information et y adhérer rapidement. Nous sommes ceux qui ont mis le web au monde, ou presque (baby-boomers, sors de ce corps!!!). Nous sommes technologiquement « in ». Oui, nous avons réussi à passer au travers des épidémies de sida, des Mac Jobs, de l’apparition des clauses orphelines, de l’insécurité d’emploi, des séparations massives suivies des familles reconstituées, mais nous sommes aussi les précurseurs en matière de consultants, de travailleurs autonomes, de sous-contractants, d’économie parallèle. Nous sommes à l’avant-garde des technologies et des télécommunications. Nous avons eu une jeunesse désabusée, une trentaine réaliste, mais notre éclosion au seuil de la quarantaine est beaucoup plus valorisante que celle des baby-boomers (c’est sûr qu’eux pensent le contraire, mais ce sont dans leurs gênes, nous n’y pouvons rien…).
Aprés deux décennies à se dire que nous étions une génération qui ne passerait pas à l’histoire, Obama ne donne pas uniquement du « Power » à la jeune génération : il nous démontre, à nous, X, que nous passerons aussi à l’Histoire : et vraiment pas de la mauvaise manière…
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Feu.
Vous entrez dans la pièce. On vous attendait. On vous a d’ailleurs réservé la place du milieu, juste en avant, devant tout le monde : le « hot spot ». Il y a peu de chance d’y trouver une chaise. Si oui, elle sera normalement peu confortable et plus basse que celles des gens qui vous font face. C’est psychologique. Il fait normalement froid dans la pièce. Mais ce n’est qu’une illusion, vous êtes le seul à avoir froid. Les gens qui vous regardent vous installer font seulement semblant d’être de glace : c’est normal, c’est leur rôle d’être comme ça. Ce n’est surtout pas le temps pour eux de montrer des sentiments, de montrer un signe de sympathie. Vous vous préparez tranquillement, placez vos documents devant vous et en distribuez à vos protagonistes. Avant même d’en juger le contenu, vous sentez leurs yeux sur vous, c’est présentement le messager qui les intrigue et non le message. Il ne faut surtout pas que vous vous laissiez impressionner par ces regards, ne pas vous laisser distraire, sinon cela pourrait tourner au cauchemar. Mais c’est plus fort que vous. Vous avez déjà les yeux qui se promènent sur chacune des personnes, vous êtes en train de les analyser un par un. Vous êtes tranquillement en train de mettre ces gens dans des cases. Vous leur attribuez déjà des personnalités, vous imaginez une hiérarchie. Même si c’est la pire chose à faire présentement, c’est plus fort que vous. Pire que les idées que vous vous mettez dans la tête, vous allez imaginer maintenant ce qu’il pense de vous, avant même de vous avoir entendu. Parmi toutes les personnes présentes, une seule est différente : son sourire, sa compassion la distingue totalement. C’est le lien entre vous et les autres. Cette personne fait les présentations d’usage. Elle en profite même pour brosser un portrait assez élogieux de votre personne, de votre travail. Sous le regard impassible du reste du groupe, bien sûr. Ça y est, c’est à votre tour. Vous pensez que ce serait normalement le temps de vous lever, mais vous êtes déjà debout. Alors, vous commencez. Vous êtes dans votre zone de confort, ce n’est pas votre première présentation, et votre introduction n’est pas nouvelle, vous avez déjà eu le temps de la peaufiner avec le temps. Le regard sommaire que vous posez sur l’audience vous donne raison : tout baigne! Alors, vous décidez de passer à l’étape deux. Vous plongez. C’est ici que les regards de vos spectateurs commenceront à changer : certains s’éclaireront, d’autres, par contre, s’éteindront. Vous sentez par contre qu’il y peu ou pas de gens avec cette deuxième réaction. C’est cool. Vous êtes tranquillement en train d’avoir moins froid, mais c’est encore un feeling, c’est uniquement le courant qui passe : votre présence semble appréciée. Vous respirez mieux. Même si les seules réactions que vous avez décelées sont pure intuition et spéculation. La période de questions commence. C’est la fin du monologue. Et du discours maîtrisé. Vous tombez dans une zone non contrôlée. Les premières questions sont faciles, le message a bien passé. On vous a trouvé peu de failles. Jusqu’à ce que, de nulle part, arrive cette question qui n’en a pas tout à fait la forme, puisqu’elle ne possède pas une forme interrogative : c’est un piège. On vous tend un piège. Et vous tombez presque dedans, tellement votre réaction n’est pas directe. On vous a déstabilisé. Vous devez improviser au plus vite, ramener le discours, ce n’est pas le temps de flancher. Garder la ligne. Ne pas rougir. Ne surtout pas être sur la défensive. Garder la ligne. Mais cette petite faille, rien de majeur, ce minuscule détail, que personne n’aurait pu remarquer est en train de bouleverser votre présentation. Du moins, nuire à la pertinence de votre discours. Et vous savez que ce n’est pas tant ce détail, mais bien la façon dont vous réagissez qui vous cale. Mais il est déjà trop tard pour la balayer du revers de la main, cette réaction doit se faire dans les secondes après la question. Votre réaction tardive ne fait que donner du mordant au problème. Vous réussissez bien que mal à revenir, avec effort, à reprendre le contrôle de la situation. Vous savez que vous avez perdu quelques plumes, mais dans l’ensemble les dommages semblent minimes. La personne qui vous a tendu le piège semble assez fière d’elle. Elle a eu avantage sur vous. Vous lui en voulez, mais cela fait partie du jeu. Et de toute façon, vous n’avez que vous à blâmer, ou du moins votre réaction. Les questions sont terminées. La présentation aussi. Cela s’est bien passé, du moins c’est ce que vous pensez, ou ce que vous voulez croire. En diminuant l’impact de votre dérapage. Après avoir salué tout le monde, en quittant la pièce, le doute subsiste, vous angoisse. Mais c’est trop tard. Ce n’est plus à vous de jouer. En tout cas, plus en direct. Uniquement ce que vous aurez laissé comme impression. Des mots. Des images. Une personnalité. Un feeling. Des perceptions. Et un simple petit détail dont vous n’êtes pas encore capable de mesurer l’impact.
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Laissez-moi vérifier si vous me suivez réellement…
Dans mes vertes années du secondaire, alors que j’étais étudiant au Séminaire de Chicoutimi, j’avais tenté une expérience, disons-le, un peu kamikaze. Dans un cours de Français, donné par notre professeur Râteau (la mémoire étant une faculté qui oublie les choses importantes et retient les conneries, je me rappelle très peu du nom de mes professeurs, mais très bien de tous leurs surnoms…), nous avions à produire une composition de quelques pages sur un sujet dont je ne me souviens guère (!). Râteau, surnommé ainsi pour sa caractéristique moustache qui lui cachait la bouche, avait tendance, selon la rumeur qui courrait dans les corridors de l’école, à ne pas lire les travaux qu’il corrigeait. Toujours selon la même légende urbaine de l’époque, cette réputation venait du fait que la plupart des copies corrigées, qu’il nous rendait, comportaient des annotations plus souvent qu’autrement dans les premières et les dernières pages, mais rarement ailleurs dans le document. La conclusion qui nous venait directement à l’esprit (je vous rappelle, qu’on avait 15 ans) était que ce professeur corrigeait correctement l’introduction, la conclusion et jetait un oeil ici et là sur le noeud de la dissertation. Bonne tactique de correction rapide, quoi. Je me souviens, qu’au secondaire, j’avais aussi une peur bleue des exposés oraux : parader devant une classe pour expliquer, un principe ou une théorie était une torture, et comme je perdais tous mes points en Français dans ce genre d’exercice, je me rabattais souvent à mettre de l’emphase davantage sur mes travaux écrits pour remonter ma moyenne. Alors que je mettais beaucoup d’efforts dans mes écrits, la méthode correctionnelle du dit Râteau, me faisait un peu chier. J’aurais trouvé plus juste qu’il dorme pendant mon exposé oral… (J’ouvre une autre parenthèse : non que je veuille me moquer encore plus de mon professeur de l’époque, mais comme, en plus de son râteau de moustache, il était affublé d’un oeil qui louchait, il était très difficile de percevoir s’il nous écoutait (!) réellement ou pas, comme si son strabisme lui permettait d’appliquer la même technique de correction qu’à nos travaux écrits. Fin de la parenthèse.) Comme la rumeur de sa correction sommaire devenait persistante, mais qu’elle n’avait jamais été vérifiée, j’avais décidé que je tirerais au clair ce petit subterfuge. Au beau milieu de mon travail, joliment dactylographié (pour les moins de 25 ans qui me lisent, une dactylo, c’est un mix, entre un clavier très épais et plus pesant et un accordéon, avec une feuille qu’on insert à l’intérieur qui nous servait de traitement de texte à l’époque…) j’avais mis une annotation qui disait ceci : « Si vous êtes rendu ici, dans la lecture de mon travail, veuillez, s’il vous plaît, cocher cette case », j’avais dessiné un petit carré dans lequel il devait apposer un x. Je sais, c’était un peu tordu comme approche, mais je voulais en avoir le coeur net! La semaine passe. Le cours de Français revient, avec notre ami Râteau ainsi que ses copies corrigées. Je ne tenais plus en place. Commençait, alors la distribution des travaux, de la plus haute note à la plus basse (on était à des kilomètres de la réforme scolaire, hein? ), et arrivait finalement mon travail (heu… non, je ne vous dirai pas son ordre de sortie…). Je ne me souviens pas de la note et je m’en foutais, j’avais une théorie à vérifier. Je tournais les pages aussi rapidement que je pouvais afin de vérifier mon premier B.B.M à moi, mon premier sondage à vie, la consécration d’une théorie allait enfin voir le jour!!! Au beau milieu de mon travail, un x rouge était inscrit dans la case, accompagné d’un roman dans la marge de mon travail qui se résumait ainsi : « oui, Monsieur Gauthier, j’ai lu votre travail, comme je lis tous les travaux qui me sont remis, bla-bla-bla… » Bordel. Disons que la rumeur venait d’en prendre un coup. J’avais eu tort. En fait, tous les étudiants de Râteau avaient eu tort. Des années de perceptions négatives venaient de s’évanouir sous mes yeux. Le sympathique Râteau, je tiens à le dire, c’était un professeur très charmant, venait de remettre les pendules à l’heure en nous adressant un message clair : cessez de tout mettre votre génie dans les intros et les conclusions et mettez un peu de chair autour du corps de votre récit. Voilà. Encore aujourd’hui, quand je repense à cette anecdote, j’ai l’envie de remettre ça. J’aimerais pouvoir, au beau milieu d’une publicité, d’un concept, dessiner une case dans laquelle je demanderais aux consommateurs à qui je m’adresse de bien vouloir mettre un x. Pour m’assurer qu’ils ont bien lu. Bien compris. C’est sûr que des sondages d’après campagne nous le permettent; mais là, en direct, une case qui nous permettrait de vérifier notre discours, notre ton, notre façon de les aborder. Il est toujours spécial de consulter les gens après une campagne; s’apercevoir qu’une idée pourtant si claire, peut prendre une direction aléatoire quand elle est mal perçue ou incomprise. J’aime bien montrer mes concepts à des gens et les tester. Quand la personne me répond qu’elle voit ceci ou cela, ou qu’elle comprend ceci ou cela, mais pas CECI et CELA, je me dis que je ne suis pas assez clair. Que mon x n’est pas coché. Vous me suivez? √
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Cette année, si je changeais de métier, je ferais dans la maroquinerie…
Parce que dans ma tête de créatif, je me dis qu’avec toutes les nouvelles économiques menaçantes dont les médias nous affligent, les gens devront davantage se serrer la ceinture. Ainsi, les gens qui n’en portent pas devront, vraisemblablement, s’en procurer une. Récession oblige. Pour faire comme les autres. Et hop, me voilà en business! Je vais vendre des ceintures à des gens qui sont en récession. Vous avez deviné que c’est une allégorie; que je ne pense pas devenir demain matin un spécialiste du cuir, mais réfléchissez un peu : je n’ai pas tout à fait tort. Tous les indices nous disent que les prochains mois, voire les prochaines années, seront extrêmement difficiles pour les entreprises, et ce, peu importe leurs marchés. L’économie ne fonctionne pas en vase clos : quand une industrie majeure coupe, elle produit le premier mouvement de la vague, l’onde se propage et viendra invariablement secouer des marchés très loin de son marché primaire. Quand les entreprises mettent à pied massivement, c’est plus qu’un emploi qui est perdu, c’est une économie qui s’effrite lentement. De toute façon, je ne vous apprends rien. De plus, mes connaissances en économie sont vraiment minces. Par contre, j’en connais un brin en créativité. Et en mode coupure, seuls les plus créatifs sauront tirer partie de la situation. Pourquoi? Parce qu’au lieu de jouer le même jeu que le marché et de ne restreindre que ses dépenses publicitaires aveuglément, ils tenteront par tous les moyens de rentabiliser chaque dollar investi et de trouver des façons nouvelles de se sortir du marasme. En termes concrets, le bon vieux système D prend le contrôle. La stratégie, le travail et l’écoute seront des valeurs qui permettront aux meilleurs de sortir sans trop d’ecchymoses de leur lutte contre l’économie. La stratégie, dans un premier temps, permet à une entreprise qui voit son marché diminuer, de trouver de nouveaux moyens de rejoindre sa clientèle. Des moyens auxquels, lors d’une économie en meilleure santé, elle n’aurait pas songé utiliser. Je pense que les médias sociaux, entre autres, seront mis de l’avant, profitant de ses faibles coûts à rejoindre des masses de gens directement associés à l’entreprise, à son produit ou ses valeurs. Des solutions à portée de main qui ne vous coûteront que la sueur d’y avoir pensé. Deuxièmement, le travail. J’en ai déjà parlé dans mon article sur Malcolm Gladwell; le travail, comme valeur, permet de persévérer. Les gens, qui mettront plus d’efforts dans ce qu’ils entreprennent, seront récompensés. Si vous travaillez plus (ou mieux), les coûts associés à la sous-traitance diminuent, d’une part, mais d’autre part, elle permet de mieux sentir le pouls de ses affaires. Les gestionnaires qui viendront se mettre les mains dans l’huile, se rapprocheront un peu plus de la réalité quotidienne et réaliseront, peut-être, que certains trucs doivent être améliorés ou changés, etc. Et finalement, l’écoute; écoutez vos clients, écoutez ce qu’ils vous disent, percevez leurs demandes, mettez-vous à leur place. C’est pendant une crise économique que le client sera le plus exigeant. Aux premières loges, ce sont les consommateurs qui décident, si oui ou non, vous vous en sortez ou pas. Alors, écoutez-les. Demandez-leur ce qu’ils pensent et veulent et donnez-leur dans la mesure du possible. Encore plus. Si vous êtes un restaurant, par exemple, offrez-leur de nouveaux menus adaptés à leurs budgets, des promotions intelligentes, etc.; si vous êtes un professionnel, tentez d’être proactif, de varier vos services, de trouver des manières que vos honoraires permettent à vos clients de sauver ailleurs. Faites ce que vous vous exigeriez, vous-même, comme consommateur. Et quand la récession sera passée, continuez à faire encore ce que vous aviez appris pendant ces temps durs, continuez à vous inspirer des idées créatives qui vous seront venues… De la contrainte naît la créativité, c’est que l’on dit en tout cas.
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Mea Culpa ou Chinois, sors de ce corps!
On parle souvent de droits d’auteur dans mon métier. Certaines boîtes, dont je tairai le nom (et le lien internet), en font leur cheval de bataille. Pas moi. Je n’ai pas l’égo assez développé pour me prendre pour plus que je suis. Disons, que ma vision est que les idées sont difficilement attribuables à une seule et unique personne. Nous subissons des influences multiples, et ce, encore plus depuis que nous avons cet écran d’ordinateur 10 heures par jour dans la face. Nous sommes tellement sollicités que même lorsque je trouve une idée que je considère géniale et unique, que je me mets à délirer que je suis un créateur extraordinaire, que l’idée que je viens de pondre est la meilleure du monde, qu’elle vient de délimiter la frontière entre la nouvelle pub (moi) et l’ancienne pub (avant moi), j’ai un doute plus gros que mon idée. Même si je fouette mon foulard d’artiste autour de mon cou, m’imagine assis à cette terrasse des Champs-Élysés, avec en trame sonore « La Bohème » de Charles jusqu’à ce que tout à coup, la vapeur se dissipe, qu’il pousse des roues sous ma chaise de bistro, que la table, où repose ma coupe de vin, se transforme en bureau de travail et que le brouillard dissipé, apparaît sous mes yeux un projet similaire au mien, sur un site traitant de publicités internationales. Bref, mon rêve de grand artiste se dématérialise en regardant l’écran de mon ordi, me rendant compte que MON idée géniale a déjà été utilisée. Pas nécessairement comme je l’ai réalisée. Mais inspirée. Dans la tendance, quoi. Les gens qui voudront vous faire croire le contraire sont, soit inconscients de leur entourage et des 6 752 143 051 de cerveaux autour d’eux, soit des menteurs ou simplement des imbus d’eux-mêmes. Il n’existe aucun créateur qui n’a jamais été influencé. Que ce soit directement ou indirectement. Délimiter la zone entre l’influence et la copie, c’est disons… pas facile du tout. On ne parle pas ici d’une copie carbone, du syndrome chinois du clonage, mais d’une inspiration. Je ne sais pas si c’est ma résolution de début d’année qui me fait délirer de la sorte, mais bordel que mes introductions sont longues… J’y arrive là, à mon sujet principal. Je suis tombé sur cet article de La Presse (pris sur le Mirror ( tiens, tiens, en parlant d’inspiration…) qui décrivait comment les Chinois s’appropriaient des concepts de restauration rapide (voir photos), en leur enlevant juste ce qu’il faut pour être honnête mais laissant grossièrement les détails qui font que l’on les reconnaît. Et je me suis rappelé que dans une autre vie, j’avais déjà fait pareil. Mea Culpa total du créateur unique. Moi, Marc Gauthier, j’avoue devant je ne sais combien d’internautes, avoir déjà copié, de façon directe et malhonnète un concept intégral. Voici les faits. Je suis déjà allé travailler en Haïti, en 1996-97 (dans un prochain article si le coeur m’en dit, je vous raconterai pourquoi et comment). Bon, je résume le mandat et la situation. Je suis en Haïti avec Christian Gravel, un consultant des Consultants Trigone, à Chicoutimi, mais à l’époque, directeur du marketing du Groupe Brandt, une entreprise de la-bas qui verse, entre autres, dans le sucre, le poulet, les huiles et les beurres de cuisson. Mon mandat: créer des emballages de produits qui plairont aux Haïtiens mais surtout qui rivaliseront avec les produits importés, comme ceux des Européens ou des Américains. Les Haïtiens, comme n’importe quel peuple de la terre, aiment ce qui est nouveau, trendy, ce qui améliore leur standing. Après mûres discussions avec Christian et les gens aux ventes du Groupe, notre cible est la marque numéro 1 au pays: Maggi. La marque à abattre. Mais on a pas les budgets, ni la notoriété internationale de Maggi, nous somme une petite marque nationale non reconnue. Une marque sans nom. Qu’est-ce que l’on fait: on leur vole. Notre produit s’appelera Magic, nous utiliserons la même typo, le même logo, la même couleur, l’emballage sera le même, nous leur emprunterons leur réputation, leur branding quoi. Rien de moins. Pour rendre le tout encore plus vrai, on y rajoute une nomination d’importation, on y appose un barcode bidon (à ma mémoire, si l’on peut si fier, celui-ci utilisait mon numéro de téléphone de l’époque). Il n’y a aucune règle à respecter, c’est « bar open ». Le résulat est stupéfiant. C’est à s’y méprendre. En étalage, les gens moins vigilants n’y verront que du feu. Surtout dans une population à 90 % analphabète. OK. C’est de la copie. Pur et simple. Je n’étais pas hyper fier du travail accompli, mais je me sentais quand même bien. Parce que les règles du marché international, que j’avais peut-être enfreignées, étaient bafouées de toute façon par le géant Maggi, qui lui-même effectuait du dumping commercial sur la perle des Gonaïves. Dans ma tête, je me disais, candidement: oui, j’ai copié un concept mais c’est pour une bonne cause, en mentant au peuple haïtien, je leur rend quand même service en combattant « l’envahisseur ». J’étais naïf, sûrement. Mais je dois encore l’être car, demain, si j’avais le même mandat, je referais la même chose.
Les photos (et l’inspiration) sont du Mirror via La Presse.