Je voudrais pas crever.
Jay est un petit gars que j’aime bien. Je dis petit, même s’il est pas mal trop baraqué pour le traiter ainsi. C’est un beau grand gars élevé à la campagne. Le genre avec les valeurs à la bonne place. Près de la terre. Terre-à-terre. Intelligent. Il nous est arrivé souvent de nous croiser professionnellement, mais c’est quand il débarque à l’improviste à mon bureau que les discussions sont les plus intéressantes. On parle de tout. De rien. De nos générations, bien différentes, mais parfois si semblables. Tiens, aujourd’hui, on a parlé de Vian. Boris. Il vient tout juste de découvrir ses chansons. Et il les joue au ukulele. Il n’est jamais trop tard pour réaliser qu’on a tellement de choses à voir, lire ou entendre. C’est marrant, car je venais tout juste de terminer, ce weekend, Piscine Molitor, une bande dessinée de Cailleux et Bourhis, une biographie de Vian en accéléré que j’avais acheté y a belle lurette, mais que je n’avais pas eu le temps de découvrir. J’avoue connaître Boris Vian depuis mes belles années cégépiennes, mais que je ne m’étais jamais attardé à lire quoi que ce soit sur sa vie. Trop de livres, pas assez de temps, j’imagine. Boris Vian était cardiaque ; il considérait que nager en apnée était bon pour son coeur, d’où la piscine Molitor, près de Bois de Boulogne qu’il fréquentait). Pourtant, ce matin du 23 juin 1959, au bord du bassin, il lui reste seulement quelques heures à vivre avant de succomber à une crise cardiaque pendant la projection du film adapté de son roman « J’irai cracher sur vos tombes ». Cette bande dessinée magnifique raconte les passions, les amours, les joies de ce créateur unique, hors normes, aux multiples talents. Que l’on parle de Vian, le jazzman; Vian, le poète, Vian le chanteur ou Vian, l’écrivain; c’est toujours avec une imagination féconde et tordue qu’il réussissait à aborder les thèmes les plus simples de façon si surréaliste. À lire. Et tant qu’à épuiser le sujet Vian, courrez lire et savourez les illustrations de « Je voudrais pas crever »; une réédition du fameux recueil de ses poèmes, mais cette fois illustrée par Clerc, Loustal, Brochard, etc. Édité par la maison Les Allusifs — le design de tous leurs bouquins est remarquable —, ce livre est pour souligner le cinquantenaire de la mort de l’auteur. Vous n’en avez toujours pas assez? Vous voulez du Vian à d’autres sauces? Comme la mode en chanson est aux reprises; des artistes français ont sorti une réédition de ses plus grands classiques : Didier Wampas, Olivia Ruiz, Édouard Baer, etc. reprennent 39 chansons pour souligner les 39 ans de sa vie. Oui, oui, il est mort à 39 ans. Impressionnant tout l’héritage culturel qu’on peut laissez en si peu de temps. Malgré les épreuves de la vie. Ces épreuves qui marquent le temps et nos vies tout autant. Comme réfléchissait aujourd’hui sur son blogue, l’humoriste Martin Petit invitant ses lecteurs à se raconter dans les commentaires; à dévoiler où il en était dans leurs vies lors des événements de la Polytechnique en 1989, ceux de New York en 2001 et aujourd’hui. Comme quoi, humoriste, chanteur, écrivain, graphiste et infirmière ont tous des histoires qui tournent autour de l’Histoire. Je m’y suis commis. Si le coeur vous en dit, faites-le aussi. Plongez.
> Pisicine Moltior – de Christian Cailleaux et Hervé Bourhis – Éditions Dupuis
> Je voudrais pas crever – Boris Vian – Éditions les Allusifs
> À Boris Vian « On n’est pas là pour se faire engueuler – Collectif
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Stardinaire.
Je l’avoue d’emblée, je n’aime pas les porte-paroles en publicité. J’ajouterai même que je ne comprends tout simplement pas une entreprise qui met la commercialisation de son produit dans les mains d’un humoriste/chanteur/animateur/acteur. Peut-être que c’est uniquement la notion de vedette qui ne me rejoint pas. Il faut dire que je n’ai rien du groupie en moi. J’ai horreur des télé-réalités, des émissions de vedettes instantanées, des magazines comme 7 jours et La Semaine, etc. Même si j’adore les livres/disques/films de ces artistes, je n’ai aucunement envie de savoir avec qui ils couchent, ce qu’ils mangent, leurs opinions sur la guerre en Afghanistan et encore moins de connaître leurs marques de voiture préférée. J’oserais même dire que cela risque d’avoir un effet contraire sur moi. Par exemple, j’adore écouter la musique de Jean Leloup, mais je suis incapable de le supporter en entrevue. Il m’énerve. Alors, imaginez s’il se mettait à me vendre une assurance-vie ou une pharmacie. Et là, je ne vous parle que des artistes dont j’aime les oeuvres. Imaginez-en un ou une qui me laisserait totalement indifférent ou pire encore dont je n’aimerais vraiment pas les créations. Désastre. Je ne représente pas la majorité des gens. Je le sais bien. Beaucoup de personnes sont en amour avec leurs vedettes préférées, les appelant par leurs prénoms et leurs donnant tribune sur un paquet de sujets dont ils ne sont pas nécessairement connaisseurs. Mais si le public vit de longues histoires d’amour avec certains de ses artistes préférés, on a plus souvent droit à un coup de foudre, l’espace d’un film/hit/émission. L’ardeur du début de la relation laisse souvent place à un désintéressement par la suite, la mode passée. Le verdict du public est dur et sans appel. L’adolescence est la période la plus frivole des relations amour-haine envers les artistes; les vedettes adorées deviennent rapidement au bout d’un certain temps, les has-been dont on a honte d’avoir crié un jour au monde entier, notre amour. Plus tard, à l’âge adulte, ce sont les agissements des stars qui dérangent les fans. Un chanteur qui ne fait pas la file comme les autres afin de recevoir un vaccin, un comédien arrêté pour possession de drogue, un autre pour violence conjugale… Encore là, le jugement du public est cruel et radical. Vous comprendrez maintenant pourquoi je ne suis pas friand à laisser le produit d’un de mes clients dans le mains de n’importe qui. Le produit d’une entreprise est la « vedette » qui n’a pas besoin d’une autre star pour mousser sa propre carrière. Il doit son succès en premier lieu, à ses qualités qui le démarquent des autres produits de même catégorie et ensuite à l’expérience qu’il réussit à faire vivre à celui qui se le procure. Le consommateur devient alors le meilleur porte-parole pour ce produit. C’est ce client qui l’a adopté qui en parlera le mieux en racontant à ses proches comment ce produit a un effet bénéfique dans sa vie. Une belle relation établie sur la confiance et un peu d’amour. Un consommateur heureux (comme un malheureux) ne se gène pas pour diffuser à grand déploiement sa satisfaction (ou son insatisfaction) vis-à-vis un produit qu’il aime (ou qu’il déteste). Et il le fait de bouche à oreille sur le web et dans la vraie vie. Le grand avantage de ce simple porte-parole inconnu et dédié, c’est qu’il s’entoure normalement de gens qui lui ressemblent et qui partagent ses valeurs et ses goûts. En plus de rendre ce service de commercialisation tout à fait gratuitement, ce diffuseur hors pair le fait de son plein gré, sans retour de la part de l’entreprise qui a conçu le produit. Ce qui en fait un porte-parole plausible difficile à discréditer. Je trouve pas mal plus sage de confier mon produit à ces quelques milliers vendeurs nés qui s’ignorent qu’à une vedette rémunérée pour le faire dont l’amour pour ce produit est directement et uniquement lié à un contrat.
> Pee-Wee Herman, alias Paul Reubens. Son one-man-show a été immortalisé par HBO lorsque The Pee-wee Herman Show a été diffusé en 1981. Le 26 juillet 1991, Reubens est arrêté à Sarasota en Floride, pour une prétendue masturbation dans un cinéma pour adulte projetant Nurse Nancy. Les actualités et les médias ont été pris d’une frénésie et le scandale a marqué la mort prématurée du personnage de Pee-wee Herman… et sa sortie des tablettes des magasins de jouets!
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1001 raisons pour sacrifier une bonne idée.
L’illustrateur Scott Campbell a réussi à expliquer, en quelques traits, le destin brutal que vivent plusieurs excellentes idées. Difficile de ne pas lui donner raison. Combien d’idées géniales meurent dans l’oeuf sans avoir la chance de prouver leurs valeurs? Combien d’idées novatrices sont balayées du revers de la main par peur du changement? Que l’on sacrifie une bonne idée parce que l’on doute de son efficacité est une chose, mais si ce n’est que la peur d’être différent, audacieux, précurseur qui l’étrangle, là je ne comprends pas tout simplement pas.
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3 screen nation.
Je travaille présentement sur un dossier qui me demande de mieux connaître la génération Y et leurs habitudes de consommations. En fouillant sur le net, je suis tombé sur une étude réalisée en juillet 2009 par OTX pour le compte de AOL Advertising. L’enquête porte sur les habitudes de consommation, les médias privilégiés, mais surtout ceux qui influencent les quelque 1000 jeunes de 14 à 24 ans interviewés. Chaque génération crée ses propres modes et habitudes forçant les entreprises qui veulent lui communiquer à changer leur façon de le faire s’ils veulent garder ce contact indispensable. Selon le titre de l’étude « Three-Screen Nation », la génération Y est la première à avoir grandi dans le monde des trois écrans : familier avec les messages en ligne, hors ligne et sur cellulaire. Qu’en est-il de ces bibittes?
Habitués à être toujours en ligne — 7 jours sur 7 / 24 heures sur 24, les jeunes sont toujours en ligne, sur leur PC ou leur téléphone : à raison de 17 heures 11 minutes par semaine, comparativement à 11 heures 20 minutes pour la télévision, 6 heures 16 minutes à jouer sur une console et 6 heures 32 minutes à écouter la radio.
Les découvertes se font par… — Musique (Net : 67 % – Amis : 59 % – TV : 47 %); Cinéma (Net : 68 % – Amis : 51 % – TV : 71 %); Électronique : (Net : 63 % – Amis : 51 % – TV : 54 %); Mode : (Net : 41 % – Amis : 42 % – TV : 37 %).
La mode — 4 sur 5 affirment que la mode est une forme d’expression de soi exceptionnel et une importante source de mieux-être. 88 % des filles s’intéressent à la mode comparativement à 61 % des gars. Les sources d’influence pour les filles sont dans l’ordre : Amis 64 %, famille 48 %, Net 48 %, magazines 40 %. Elles préfèrent magasiner à 77 % dans des magasins traditionnels comparativement à 41 % en ligne. 66 % des parents paient les vêtements de leurs ados de 14-17 et tombent à 30 % pour les 18-24.
Parle parle jase jase — La génération Y ne se sépare jamais de son cellulaire, quitte à y passer toute son allocation. 88 % possède un cellulaire, 22 % un cell intelligent et 78 % pour un plus standard. 72 $ est la facture moyenne qu’un adolescent dépense pour ses besoins en téléphonie mobile; 80 % dont les parents aident à payer et 51 % assumant eux-mêmes la facture.
Les gadgets ne sont plus seulement que des affaires de gars — 93 % des gars aiment les trucs électroniques vs 83 % des filles; les consommateurs de première ligne (early adopters) qui se procurent les nouveautés : gars 50 %, filles 35 %; et finalement les gars à 55 % et les filles à 41 % se considèrent les experts à la maison pour orienter les achats.
Consommateurs de culture — 94 % affirment que la musique et le cinéma les intéressent. En moyenne, les jeunes ont vu 10 films et assisté à 4 spectacles dans la dernière année; 56 % d’entre eux vont acheter le DVD du film apprécié au cinéma, 26 % des gars ont déjà des lecteurs Blue-Ray comparativement à 16 % des filles.
Et ça leur coûte combien… (et à leurs parents) ? — La génération Y gaspille en moyenne 2200 $ par an. La facture se décline comme suit : 864 $ pour la facture du cellulaire, 624 $ pour les vêtements, 276 $ pour des jeux vidéos, 240 $ en électronique et 216 $ pour le cinéma.
> Pour télécharger l’étude (en .pdf)
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Cessez d’innover.
Pourquoi vous casser la tête à tenter chaque jour de vous renouveler et de vous réinventer. Ç’est trop compliqué. Et surtout inutile. Copiez. C’est la façon la plus économique de progresser dans ce bas monde. Laissez aux autres les tracasseries créatives, les nuits blanches, les essais infructueux. Stop. Ne vous embarrassez pas du concept de recherche et développement, laissez ça aux autres. Allez-y pour du sûr, du concret, du roc. Allez-y pour la facilité. Copiez votre concurrent. Y’a pas mieux. C’est génial! Pompez le jus d’un autre est une source commode d’évoluer à peu de frais. Vous n’êtes pas le premier? Qui s’en soucie? Ne vous laissez pas impressionner par les beaux parleurs qui vous disent qu’il vous faut innover pour survivre. Ces beaux parleurs qui vous disent de ne pas vous arrêter d’améliorer votre produit. Fiez-vous à moi. Stop. Arrêtez tout ça. Vous voulez des arguments irréfutables pour vous convaincre? Les voici :
1. Tout a été inventé. Voyez la réalité en face et cessez de chercher, il est impossible de créer quoi que ce soit de nouveau. La cour est pleine. Prenez le domaine musical par exemple, les artistes l’ont compris rapidement en cessant de créer du matériel original et en se lançant dans la reprise; ça c’est du concret, du sûr et en plus si c’est téléchargé, on s’en fout ce ne sont pas leurs droits d’auteur à eux.
2. Si c’est bon pour les autres, ça le sera pour vous aussi. Regardez votre concurrent et analysez ses produits, prenez ceux qui les distinguent de vous et faites de même. C’est génial. Simple et économique. Mon restaurant de sushi préféré (Temaki, rue racine) a créé une pizza sushi (galette de riz, mayo, poisson), qui est un délice; son concurrent (pas en qualité, je vous assure) plus loin sur le boulevard Talbot en fait lui aussi maintenant! Super! Génial! Pourquoi pas? Recherche et développement : 0. Investissement : 0. Que du plus. Du positif. Du concret.
3. Les gens adorent qu’on les prenne pour des cons. Surtout les consommateurs. C’est connu, le consommateur moyen comme vous et moi est un idiot. Il ne sait pas faire la différence entre un truc original et une copie. Au Québec, on adore le réchauffé, les reprises, les concepts européens ou américains remâchés, mais encore plus les concepts de nos voisins directs. N’est-ce pas génial? N’est-ce pas ce que l’on veut entendre comme commerçant? Imaginez toutes les avenues qui s’ouvrent soudainement… On vous attribuera le mérite de concepts empruntés… et ça ne vous coûtera rien pour le développer! S-U-P-E-R!
4. Pourquoi risquer de se tromper. Personne ne veut perdre son temps et son argent à essayer des nouveaux trucs. C’est trop risqué. Ça pourrait ne pas fonctionner. Imaginez l’opinion publique. Ce qu’on dira sur vous. Le plaisir de l’un, c’est d’ voir l’autre se casser l’ cou disait Leclerc. Laissez aux autres le gambling créatif. Sauvez votre mise. Passez go et réclamez 2oo$. Sans investissement.
5. On est les meilleurs. Dans tout. Il faut arrêter de se voir petit. Nous sommes Big. Faites le tour du monde et vous verrez que nous sommes au dessus de la pyramide. Les gens nous envient. Et quand on les meilleurs au monde, on n’a aucune raison valable de s’améliorer. À la limite, c’est quasiment insultant pour les autres si on décidait de rehausser la qualité de nos produits. Peut-on améliorer l’excellence?
Vous vous sentez plus rassurés maintenant? Parfait. Super. Imaginez tout le temps que je vous ai fait gagner. Maintenant, ce n’est pas tout. Il faut rester vigilant. Vous êtes peut-être encore fragile. Si l’envie de vouloir réinventer le monde vous revient, prenez une grande respiration, allez vous louer la reprise d’un vieux classique du cinéma (pas l’original, c’est même pas en HD!!) et relaxez. Vous verrez, ç’est difficile au début, mais vous serez convaincus des bienfaits de cette nouvelle philosophie quand vous verrez vos concurrents copier votre style de gestion.
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On a les clients que l’on mérite.
J’aime beaucoup Seth Godin. J’ai lu tous ses bouquins et je consulte régulièrement son blogue. Ses billets sont souvent très courts, incisifs et toujours matières à réflexion. La semaine dernière, un de ceux-ci affirmait « Choose your costumer, choose your future » et suggérait fortement aux organisations de mieux choisir leurs clients. Les entreprises qui décident de passer la gratte en visant le plus grand nombre de clients possible, qu’importe leur provenance ainsi que leurs valeurs font une grave erreur. Selon lui, ce sont vos clients qui définissent ce que vous faites, comment vous le faites et le vendez. Cette clientèle qui décide aussi du prix de vos services. Donnez-vous comme stratégie de viser une clientèle infidèle et revendicatrice et elle fera tout en son possible pour vous négociez et être toujours déçue de vos services; au contraire, courtisez des clients intéressés, compréhensifs et allumés, donnez-leur ce qu’ils veulent et vous réussirez à établir un dialogue qui améliorera la qualité de votre produit ou de votre service et par le fait même votre relation avec eux. Pas facile de « refuser » des clients me direz-vous; mais c’est peut-être le prix à payer pour avancer et mieux servir ceux que vous choisissez. Pour faire du pouce sur ce billet, mais surtout renforcer l’idée que de choisir ses clients comporte des avantages compétitifs extraordinaires, l’étude « L’entreprise infidèle » de Léger Marketing démontre que la plupart du temps, ce sont les clients qui se sentent trahis par leurs commerces préférés et non l’inverse. « Dans la réalité, les clients veulent être fidèles. La fidélité leur apporte de nombreux avantages : elle leur épargne du temps, atténue les risques et leur facilite la vie, écrit Serge Lafrance, vice-président du marketing de Léger Marketing. » C’est normal. Prenez par exemple vos propres habitudes alimentaires : vous avez une épicerie préférée, située dans un rayon pas très éloigné de chez vous, un service courtois et des produits tels que vous les aimez; vous n’avez aucune raison valable d’aller voir ailleurs. Même si l’offre des concurrents peut, de temps en temps, vous sembler plus alléchante, le fait de changer de place, d’aller plus loin, de risquer de ne pas trouver ce que vous cherchez fait que le prix ne sera pas nécessairement un élément pour causer une infidélité au commerce élu. C’est plutôt votre épicier qui décidera de la date de votre départ de son commerce. Ça commencera par un manque flagrant de service aux caisses ou un boucher moins courtois qu’à l’habitude, une absence aléatoire de vos marques préférées, des problèmes de stationnement, etc. Bref, plein des petits trucs, souvent rien de majeur, qui vous forceront à regarder pour une alternative meilleure. Même si vous n’en aviez aucunement l’envie au départ. Même si ce n’était pas votre but premier. On vous y pousse. On vous dit : hey! on veut plus de toi ici! Voici grosso modo ce qui fait fuir un consommateur, toujours selon l’étude de Léger Marketing : l’irrespect, l’incohérence, l’indifférence et l’incompétence. Ça vous rappelle de mauvaises expériences comme consommateur? « La quasi-totalité, soit 96 %, des consommateurs insatisfaits ne portent pas plainte. Ça ne les empêche pas de se sentir trahis. Et de le dire à leur entourage : un client insatisfait en parlera en moyenne à 13 personnes. » Si l’on choisit mieux ses clients, pour qu’ils nous ressemblent un peu plus, les chances de les trahir sont moins grandes puisque les éléments qui vous rapprocheront l’un de l’autre seront basés sur des manières de faire similaires ainsi que des valeurs partagées. On a moins de chance de décevoir des clients qui nous ressemblent.
> L’entreprise infidèle, Léger Marketing, Éditions Transcontinental, 2009.
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25% de rabais sur mes idées?
L’autre jour à mon bureau, je reçois une enveloppe débordante de coupons-rabais. Vous savez le même genre que celles que l’on reçoit à la maison, remplies d’offres de McDo, PFK, l’Actualité, etc.; le genre Primes de Luxe (ça existe encore?). La seule différence avec la version maison du cadeau-surprise reçu était son contenu : que des commerces régionaux offrant des rabais, des 2/1 et des gratuités. L’idée, même si elle n’est pas nouvelle, a fait ses preuves dans certaines sphères d’activités et permet à des entreprises de se faire connaître tout en attirant une clientèle nouvelle. Ce n’est pas une fin en soi et peut créer de nouvelles relations pas nécessairement construites sur les meilleures bases, mais bon. Jusque-là rien d’anormal. Mais voilà que je tombe sur une feuille vantant un professionnel (?) du domaine du web qui annonçait un rabais de 1000 $ sur une conception de site internet à 5000 $. Heu. Re-heu. Je ne comprends pas. Et je suis plutôt mal à l’aise avec le principe. Pour plusieurs raisons. Premièrement, comment peut-on évaluer qu’un site internet coûtera 5000 $ ou 10 000 $ quand on n’a aucune idée du client/projet/mandat, ni de sa complexité. Deuxièmement, en rapport avec mon premier point : comment peut-on offir un rabais de 1000 $ sur un truc que l’on n’a pas évalué? Bullshit. Mon troisième et plus important point par rapport à cette façon de faire est la notion difficile de cohabitation avec promo et professionnalisme. Je n’ai pas trouvé dans l’enveloppe un 10% de rabais d’un brillant cabinet d’avocat applicable sur ma prochaine négociation difficile. Ni de comptable prêt à réaliser mes rapports de taxes au rabais – payez un trimestre à plein tarif et le second à demi-prix!… Encore moins d’un psychologue ravi de me parler de ses 7 séances pour le prix de 5. Professionnalisme. Un client qui débarque chez moi, ne le fais pas parce que je suis en vente pour le mois, ni pour bénéficier du mois du logo. Il le fait pour des raisons professionnelles : il aime ce que je fais ou on lui a dit du bien de moi, et pense que son entreprise peut bénéficier de mes conseils. Point à la ligne. Ne cherchez pas ailleurs. Je m’imagine mal un client venir me rencontrer avec son coupon dans la main qui lui donne un rabais de 25 % sur sa prochaine campagne. Quand j’ai créé Traitdemarc, il y maintenant deux ans, on avait parlé de moi dans le journal Le Quotidien et le journaliste avait repris une phrase que je lui avais dite : «… une bonne idée ne coûte pas nécessairement cher… ». Dans la semaine suivante, j’avais reçu un appel d’un client potentiel intéressé à me rencontrer. Pas parce que je travaillais bien, mais bien parce que dans son esprit, «…mes idées ne coûtaient pas nécessairement cher… » Lors de l’analyse de son dossier, j’ai vite réalisé que mes honoraires ne lui conviendraient pas. La notion d’honoraires dans une boîte de création n’est pas coulée dans le béton et est plutôt élastique et malléable dans mon cas. Si certaines boîtes travaillent à l’heure, je préfère de loin travailler au mandat. Si certains de mes clients bénéficient de privilèges que d’autres n’ont pas, d’autres, par contre, ont droit à des conseils qui n’apparaissent pas nécessairement sur leur facture. Si certains m’emploient à la pièce, d’autres ne jurent que par moi. Ma clientèle est aussi diverse que les façons dont je peux m’occuper d’eux. Mais tous ont un point commun : ils m’ont choisi pour ce que je pouvais leur apporter, pas pour un rabais quelconque.
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Merci Alain D.
Je déguste un verre de vin rouge d’Italie alors que dans les écouteurs sur mes oreilles résonne un air de France. La larme à l’oeil. J’ai le goût de me plaindre. De chialer. Ça m’arrive quelques fois par année. Bien installé à revisiter Nougaro, Reggiani, Montand, Renaud, Brel et Ferré. Aucun Anglais. Désolé. La musique « nostalgie » pour moi, c’est la française. Les sentiments profonds sont réservés à sa langue maternelle. Point. Si j’avais la possibilité de « tagger » les chansons qui me frisent les oreilles et me frétillent le coeur présentement, j’y apposerais les mots-clés : « solitude », « amour », « passion », « tristesse », etc. Mais en bold et majuscule, le mot « SOUVENIR ». J’avais 16 ans, jeune étudiant au Cégep de Chicoutimi, quand j’ai rencontré Alain D. Un prof de Français hors-normes qui donnait le cours de chanson française. Le genre de cours complémentaire qui ne sert à rien pour 90 % des étudiants. Et tout pour 10 % des autres. Surtout. Parce que c’est ça la Vie. Avec un grand V. Cette vie remplie de cours obligatoires plates, mais tout autant de cours complémentaires qui vous font ouvrir les yeux, qui changent votre vie et transforment votre personnalité. Alain D. donnait ce cours et un autre de cinéma, tout aussi « inutile », à des enfants que nous étions, à l’époque, malgré notre presque majorité. Nous, nous nous pensions des adultes. Sans penser que l’être était plutôt plate. Alain D. avait surtout une passion pour la musique. Une grande passion. Pour tous les genres musicaux. Avec un certain recul et avec l’âge surtout, on se rend compte que ce sont les grands événements de la vie qui forgent nos existences, bien sûr, mais ce sont les détails de celles-ci qui font que l’on passe au travers ou pas. Les petits détails qui font la grande différence. Ces minuscules déclics qui nous ouvrent une porte, qui nous font découvrir des joies, amoindrir ou contrôler des peines. Dans cette classe du Cégep de Chicoutimi, ce mardi 13 septembre 1983, aux premières notes de Ferré qui chantaient « Avec le temps », ma personnalité acquérait une nouvelle facette, ma vie changeait. À jamais. Tout à coup, les mots prenaient une place importante dans ma vie. Leurs sens encore plus. Les paroles de ces chansons me frappaient de plein fouet. Ces mots que je cherchais depuis mon adolescence pour exprimer mes grandes tristesses/joies prenaient forme et exprimaient un état d’âme jamais dévoilé. Je n’étais plus le seul à souffrir. Ces mots que j’allais écrire dans des cahiers seraient ma providence. Je me souviens aussi d’une cassette (audio, pour mes plus jeunes lecteurs!) enregistrée (illégalement – ironie!!!!) par ce prof avec des chansons imprimées à vie dans mon cerveau, dans le temps que l’on ne téléchargeait pas la musique, mais la copiait sur un autre support plus mécanique (c’était si différent? Non.). Cette cassette que j’ai encore. Cette cassette qui est la graine de mon amour pour la chanson française. Qui m’a poussé à en écouter encore plus. Qui m’a donné le goût des mots. Qui a forgé un peu, qui je suis aujourd’hui. Alain D. et vous les autres enseignants passionnés, j’espère que vous savez, sinon je vous le dis, que vous changez des vies! Vous avez la chance de faire naître des passions chez de jeunes gens. De les faire éclore. Alain, je ne te l’ai peut-être jamais dit quand je te croise chez Archambault ou ailleurs, mais tu m’as appris à pleurer sur des paroles tellement belles. À pleurer et peut-être crever des abcès profonds. Et tu as changé ma vie. Pour le mieux. Ce n’est pas rien. Merci.
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Les clients de mes clients sont mes clients.
Appelons ça la chaîne alimentaire de la vente. Comme si A voulait bouffer B et que B bouffait C. Faut qu’A sache à quoi goûte C s’il veut comprendre ce que B recherche comme expérience gastronomique. L’erreur la plus souvent commise lors de l’analyse des besoins d’un client est de négliger de s’intéresser… aux clients de ses clients. L’autre jour, je me retrouve dans un restaurant (qui n’est pas client chez moi) et jette un oeil au menu. Pour manger, oui, mais aussi parce que le design de celui-ci avait retenu mon attention. Assez du moins pour le regarder autrement que par mon unique oeil de consommateur. En fait, son design était tellement intéressant que je me disais… qu’il ne représentait pas du tout le restaurant dont il énumérait les plats! En analysant la chose, j’arrivais à la conclusion que finalement ce n’était pas son esthétisme qui m’attirait, mais sa non-pertinence. Ce menu n’avait tout simplement pas sa place dans ce restaurant. Pas que le restaurant était trop banal. Pas du tout. Mais, en faisant un tour aléatoire des tables et en n’en analysant rapidement ses clients, le menu ne s’adressait pas une seconde à eux. Encore là, ne voyez pas dans cette analyse rapide, un certain snobisme; comme si un quidam, consommateur moyen, était incapable de juger d’un graphisme de grande qualité. Le problème majeur du menu consistait avant tout à ne pas être en symbiose avec sa clientèle et l’offre du restaurateur. Et la je me suis à fabuler sur la façon dont le restaurateur avait pu se se faire concevoir un truc si loin de sa personnalité. Imaginons deux scénarios possibles. Scénario #1 – Le restaurant appelle une boîte de graphiste et lui demande de lui produire un menu. Le graphiste produit un truc vraiment cool, sans penser une seule minute que le produit ne colle pas au client et espère être capable de l’inscrire dans un concours de graphisme. Le client est content, il trouve ça vraiment beau. Tout le monde est content. Le client et le graphiste. Les clients du restaurant? Bahh. Scénario # 2 – Le restaurant appelle une boîte de graphiste et lui demande de lui produire un menu. Le graphiste consciencieux analyse les besoins du client, sa clientèle, ses compétiteurs et arrive à un menu qui sied parfaitement au genre du restaurateur. Mais celui-ci n’aime pas ça. Il pensait recevoir une proposition plus recherchée, plus trendy, plus haut de gamme. Le designer argumente. Ses recherches, son analyse, ses connaissances ont un poids énorme, mais le client tient mordicus à une présentation plus prestigieuse. L’artiste plie l’échine. Aucun argument ne tiendra. Il retourne au travail et présente un menu totalement hype, sortie directement du catalogue annuel des meilleures pièces en graphisme de 2012. Le client est euphorique. Il a son oeuvre d’art. Laissant le graphiste dans ses sombres pensées : la joie d’avoir réussi une pièce géniale qui aura une place d’honneur dans son porte-folio et la déception intérieure de ne pas avoir répondu correctement à son mandat initial. Je ne dis pas qu’il faille niveller par le bas. Que l’on ne doit pas éduquer d’une certaine façon le consommateur à suivre les courants du design. Qu’on ne doit pas sortir du lot. Non. Je dis qu’on se doit d’être encore plus créatif afin de mieux cerner le mandat qui nous est donné et de livrer un truc qui colle encore plus à son client. Point. Parce que l’on aime tous ça bien paraître hein? Même si ça ne nous ressemble pas. Prenons mon cas. J’aurais beau porter un complet-cravate, on n’y croirait pas. Non pas parce que je ne suis pas capable, mais ça ne collerait pas à ma personnalité. Ça fait de moi quelqu’un de moins intéressant? Incapable de réaliser des trucs plus sérieux. Non. D’aucunes façons. Moins qu’un restaurant qui a un menu qui ne lui convient pas.
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… Et si je n’étais qu’un tremplin?
La semaine dernière, je faisais une présentation d’un concept pour un nouveau client et cette rencontre m’a fait allumer sur un truc qui se répète très souvent lors de mes meetings client. Je vous décris la scène. Comme toutes les fois où je fais une prestation, le préambule est très court; je ne fais jamais de speech qui vend ou explique le concept avant son dévoilement pour deux raisons : la première est que lorsque ce concept aura à se battre seul sur une tablette/mur/radio/télé je ne serai pas à ses côtés pour le défendre, l’expliquer ou le traduire… deuxièmement, les arguments émis d’avance sont à mon avis pour justifier son axe créatif. Ce que je préfère, c’est de discuter du concept après son dévoilement. On discute à bâtons rompus de l’idée, on la met à l’épreuve, le client la challenge, je la défends, on la sort de son contexte, bref, il y a une sorte de jeu qui se crée autour de cette idée, un genre de brainstorming qui sert de debreefing. C’est lors de ces échanges que ressortent des idées vraiment intéressantes. Comme si l’idée de base proposée à mon client était un simple caillou que l’on polirait à quatre mains pour en faire une pierre précieuse. Je le répète, mais le client est le seul élément qui fait la différence entre une bonne campagne de pub et une campagne géniale. Il est celui qui décide si on risque un concept hors du commun, ou décide de jouer la carte du déjà-vu plus rassurant. D’où le titre de mon billet. Il arrive très souvent que le client fasse exploser le concept, qu’il lui fasse faire un saut créatif! La créativité n’est pas à sens unique. Ce n’est pas uniquement parce que j’ai comme titre sur ma carte d’affaires, celui de créateur, que je suis LE seul capable d’avoir une idée géniale dans ma relation avec mon client. C’est pourquoi j’ai l’impression de servir la plupart du temps de tremplin pour ceux-ci. Et c’est très bien ainsi. Quand le client s’approprie le concept, il en devient son meilleur défenseur et, surtout, son meilleur diffuseur. L’idée devient la sienne. Si certaines agences voient cette intervention du client comme une ingérence et un déni de leurs compétences, j’y vois plutôt une symbiose très intéressante qui permet d’avancer, exploser et réaliser des concepts géniaux différents et mieux intégrés au besoin du client.