René et moi.

J’ai 10 ans.

En camping avec mes parents à Roberval. Au Mont-Plaisant.

On fait partie du Club Caravaning Saguenay et comme chaque année, tous les clubs de la province se rencontrent. Cette année -là, on n’ira pas loin. Papa et maman sont contents, ma soeur et moi un peu moins. Camper au Lac, ce n’est pas comme aller camper à Gatineau ou en Mauricie : c’est moins exotique.

Bref, on se ramasse à Roberval.

Chaque rassemblement est une occasion pour mettre les clubs en compétition. Sportivement, bien sûr, mais tout autant pour voir comment le club réussit à paraitre comme un groupe innovateur et homogène. Fers à cheval et pétanques, tous les sports étiquetés camping y passent. Et il y a aussi une autre compétition en soirée, celle des talents amateurs. Les chansonniers, les raconteurs, les humoristes s’y pavanent.

C’est là que j’interviens.

Ou pas.

J’ai 10 ans.
La coupe au carré.
Fan fini de René Simard.
Dont je connais toutes les chansons.
Imite la voix à la perfection.
En fait, j’aurais pu être lui.
Comme 10,000 enfants de mon âge à cette époque.

Marc, c’est toi qui va représenter le club pour la compétition.
Tu vas nous pousser une petite toune des Simard.
Pis on va gagner.

Moi, du haut de mes 10 ans, j’ai dit non.
Pas question.
Et là, mes parents m’ont dit : ben là, Marc, fais pas simple, va chanter.
Pis là, j’ai redit non.

Maman avec sa voix douce m’a dit : Marc, va chanter. Tu es tellement bon.
Et j’ai dit encore non.
Et papa est venu avec ses gros yeux. Il n’a pas parlé. Papa ne parlait pas. Mais je pouvais lire. VA CHANTER. En majuscule.

Et puis, y a eu le papa de mon ami. La maman de mon ami. En fait, tous les parents du club sont venus se pavaner devant moi.

Sans succès.

Va chanter, Marc.
Non.
Je ne veux pas.

On m’a offert de l’argent.
On a tenté de me forcer.
On m’a intimidé.
On a tenté de m’amadouer.

Non.

Je n’ai jamais voulu.
Je n’ai jamais participé.
Et puis, on a présenté personne au concours.

Le soir, dans la roulotte, y avait un silence de mort.
Couché dans mon sac de couchage, j’ai commencé à chanter «l’oiseau».
Pas longtemps.
À peine un couplet.

– Ho non, fais dodo.

Je vais écrire ça, mais j’aurais tendance à dire que c’est plus « ta gueule! » qui s’est dit ce soir-là.
De papa ou de maman.
Je ne sais pas de qui.

Je connais les brumes claires…
————-

Je suis le petit blond sur la photo. Prise à Ferland-Boileau pendant les vacances d’été.

Fan fini je vous dit.

2 commentaires

  • 2 mars 2018 at 8:42 //

    Moi aussi fan finit de René mais avec le look Led Zeppelin à l’époque,hihi beau billet Marc 👏 😉
    /

  • Comme tous les oiseaux ayant goûté la liberté, Marc, sans doute saviez-vous déjà combien elle ne supporte ni maître, ni prix, ni cage dorée… et comme on doit la défendre, pour se faire respecter !

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