Éloge de la paresse.
Toute l’avant-midi, j’étais en réunion de planification stratégique avec un client. On discute.
Autour de la table des jeunes, des moins jeunes et des encore moins jeunes. Vous ne saurez pas où je me situe. No Way.
Qui parle stratégie, parle campagne. Qui parle campagne, parle marchés ciblés. Qui parle marchés ciblés, parle médias différents.
Les plus jeunes arguent qu’il ne faut pas être trop verbeux.
Une image vaut mille mots.
Tant mieux si elle bouge.
Faut surtout pas trop en dire.
Sinon le consommateur décroche.
L’ère des 140 caractères.
Faut surtout pas trop en dire.
Utiliser des mots faciles.
On est tellement bombardé.
Faut comprendre.
On nous sollicite 1000 fois par jour.
Non.
Ça me fait chier tout ça.
Ce côté nivellement par le bas.
Pas trop écrire. Pas trop être compliqué.
Comme on était en brainstorming et que tout était possible, j’ai dit : fuck, racontons de longues histoires. Mettons de la chair autour de l’os. Démarquons-nous par nos textes à n’en plus finir. Devenons les Proust de la publicité.
Il y a un délire pernicieux dans la tendance de vouloir raconter des histoires à tout prix, mais de le faire facile, avec le moins de mots possible. En vidéo. Surtout, évitez la lecture. Eurk. La lecture. LA LECTUUUUUUURE.
Je rêve souvent aux publicités oldstyle, ou le copywriter nous menait une histoire tissée de mots savoureux. Où le body copy de la pub avait 4 paragraphes. Où la pub nous persuadait à coup de mots, d’arguments, de poésies, de rêve.
Pas de stupides hashtags de marde. #Insipides. #Anonymes. #Faciles.
Des mots.
Simplement.
Alignés. Avec des verbes. Des subjonctifs. Des idées.
Traitez-moi de vieux monsieur. De nostalgique. Vous avez le droit. Mais votre délire de vouloir tout réduire pour faciliter nous rend lâches comme des ânes. Quand j’étais gamin, on se moquait de nos amis qui lisaient le doigt sur la ligne de texte. Aujourd’hui : tout le monde balaie du bout de l’index le contenu résumé de leur application Facebook.
On ne lit plus.
On regarde.
On balaie.
On lit 10 mots et on se fait une idée.
Bravo.
Vous êtes bons.
Moi, il y a des jours, après avoir terminé un roman de 500 pages, j’arrive à peine à saisir où l’auteur voulait en venir.
Peut-être qu’il me manque une pièce au cerveau. Que je suis lent.
Nan.
Je vous niaise.
Oubliez ça.
C’est uniquement que les gens sont devenus paresseux.
On veut du tout-cuit-dans-le-bec.
Svp. Résumez-moi.
Facilitez-moi la job.
Je suis occupé.
Tellement.
Telllllleeeeeemmment.
Boulechite.
On-nivelle-par-le-bas.
Les réseaux sociaux nous rabâchent l’éternel « faut être vrai ». On n’aura jamais été aussi faux. Aussi stagé. Regarde comment je suis heureux. Regarde. REGARDE. JE SUIS FULL HEUREUX!!!!!. #heureux. #full. OK. Tu comprends mieux là?
Avec nos posts planifiés sur un calendrier – N’oubliez pas d’écrire 3 fois par semaine / même si vous n’avons rien à dire. Faut suivre le calendrier de notre consultant.
Pas de farce.
Vous ne trouvez pas qu’on a atteint le fond?
Que ça serait plus logique qu’on ait plus de profondeur.
Au lieu de.
Anonyme
1 avril 2017 at 8:37 //
Ouais, Même les mots échappent difficilement à la mode du «Fast…» pour la bouffe,l’amour,pour vie .
Anonyme
2 avril 2017 at 13:22 //
Merci Marc.