Récompense moins vraie qu’on pense.

Portfolio_packaging-patateÀ son habitude, Applied Arts Magazine consacre son édition de septembre/octobre à ses Awards annuels qui récompensent ce qui se fait de mieux en graphisme et en publicité au Canada.

À son habitude, elle a choisi son jury parmi la crème de la création parmi toutes les agences au pays. La crème qui choisit la crème.

Jusqu’ici rien de bien anormal. Sauf  que l’agence Zulu Alpha Kilo, responsable de la conception de l’édition a décidé de soumettre à un jury composé de «gens ordinaires», les mêmes pièces.

Résultat : 70% des créations primées par le jury du magazine provenant d’agences de pub n’ont pas trouvé preneur dans le coeur de l’autre jury. Celui-ci, composé de consommateurs, a clairement signifié que les publicités primées ne les rejoignaient pas, concluant ainsi que les agences vivaient dans leur bulle.

Hahaha! Bien fait! Je me marre.

Car voyez-vous, comme les consommateurs, j’ai toujours vécu un malaise vis-à-vis ces prix.

Résultats? Quels résultats?
Ce qui m’a toujours déplu dans ce genre de concours est le manque de données relatives quant aux résultats des campagnes. Si les objectifs ont été atteints, si le mandat a bien été réalisé. On juge l’esthétisme, l’idée, sans toutefois vérifier de sa pertinence. Qu’en déplaisent à certains créatifs, nous avons avant tout un mandat de commercialisation, de persuasion ou de communication à réaliser. Oui, on peut (doit) être créatif, imaginatif, cela va de soi, mais tout autant d’être précis et approprié. Il est primordial, selon moi de juger la création par rapport à son succès commercial ou  communicationnel. Sinon, on juge quoi?

Mon exemple
J’ai gagné à deux reprises des Awards d’Applied Arts (les cadres s’empoussièrent dans mon bureau). Les deux fois pour des emballages. Mon premier, un produit destiné à un jeune public, a été un fiasco commercial : le produit ne répondait nullement à la clientèle. Mon design fût jugé comme étant créatif, mais le consommateur a boudé le produit sur les tablettes. Bien que mon mandat fût réussi à moitié (je n’étais tout de même pas responsable du goût !), le produit, lui, n’a jamais pris son envol. Dans le cas de mon deuxième prix, la compagnie a connu des ratés et dû rapidement se mettre à l’abri des créanciers. Encore ici, on jugera ma création géniale, mais le produit restera plus longtemps sur mon mur que dans les magasins.

Oui, je pense que je méritais ces prix par rapport à la valeur artistique de mes créations, mais si on m’avait jugé sur le résultat final, je ne suis pas certain qu’on m’aurait attribué un prix. Car nous sommes avant tout au service d’un produit, et non l’inverse…

Il y va de même pour toutes les créations primées dans ce genre de magazine. On en juge la beauté, l’esthétisme, l’intelligence, mais aucunement son efficacité réelle à séduire et convaincre. Sans non plus, y comparer le budget disponible, ni de la véracité de la pièce (on sait que certaines agences envoient de faux travaux jamais publiés).

Bien sûr que comme professionnel, nous avons tout de même nos limites par rapport aux produits de nos clients. Je peux bien l’emballer, en parler et vous persuader que c’est un bon produit, mais si celui-ci est de la chnoute, y aura pas grand design ou pub pour le sauver. Nous avons nos limites. Comme ces prix qu’on nous décerne.

Party privé.
Le deuxième aspect qui me dérange dans cette distribution de prix, c’est tout le côté gamique du truc.

Regardez la liste du jury et vous connaîtrez le nom des gagnants. Ils y sont tous. Jury et gagnant. Juge et partie.

Je me rappelle, il y a une dizaine d’années avoir envoyé un courriel-Molotov au rédacteur en chef du défunt magazine Grafika pour me plaindre de sa sélection annuelle. Une seule agence hors de Montréal avait encore été primée (une firme de Québec !) et c’était tout. 514 seulement. Comme si passé Montréal, rien ne se créait. Un néant publicitaire. On parlait tout de même de prix récompensant le graphisme québécois. Pas uniquement montréalais. C’était pourtant cette même année où l’on venait de me récompenser chez Applied Arts – on était alors 3 ou 4 agences du Québec à avoir remporté un Award. Excellent au Canada, mais pas assez pour Montréal.

J’ai depuis cessé de participer à ce genre de concours.

Je n’y vois plus aucun intérêt.

On dira que j’ai perdu le goût de me mesurer aux autres.

Je répondrai que je préfère que mes clients se mesurent entre eux.

Et aux consommateurs de choisir.

 

> Emballage de pommes de terres récompensée par Applied Arts.

1 Commentaire

  • L’éternelle question du fond et de la forme… Gardez la patate, Marc !

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