Pourquoi ne pas me laisser le faire?
Dernièrement un client m’a mandaté pour lui créer une publicité dans un magazine spécialisé. Rien de compliqué. Une pub pour le vendre dans une publication directement reliée à sa clientèle cible. Quand je vous dis rien de compliqué, c’est plus que vrai. Le client avait ajouté à sa demande une description tellement claire de ce qu’il voulait qu’il m’était impossible de m’égarer. À son courriel était joint le texte de la pub dans un document Word™, une photo en format .jpg, une carte géographique et une recette précise où positionner chacune des pièces du casse-tête.
Rien n’était laissé au hasard. Rien.
Pour l’exercice, j’ai décidé de faire exactement ce qu’il me demandait.
J’ai placé chaque truc à la place désirée sans me demander si c’était ce qu’il fallait faire.
J’ai exécuté à la perfection la commande. J’ai sauvegardé le document, cliqué sur envoyer et fait parvenir par courriel, l’épreuve au client, pour approbation.
Sa réponse fut plus que brève : « Ouais, je ne suis pas un graphiste, hein? lolll»
Voilà. Encore moins un communicateur.
J’allais le dire.
Mais y a souvent rien de mieux qu’un exemple pour convaincre.
Au lieu de me mandater à combler un besoin de communication ou de promotion, le client s’est aventuré à faire ma job. MA job.
Parce que s’il m’avait choisi parmi d’autres professionnels, c’était pour ma créativité, certes, mais avant tout à ma capacité de répondre à un besoin. Le client n’avait aucune malice. On a bien ri, tous les deux, de cette expérience. Mais pour être certain qu’il comprenne bien l’essence de mon intervention, je lui ai fait quelques recommandations, que je vous résume ici.
Vous êtes les meilleurs dans ce que vous faites, moi aussi.
Vous êtes les tops dans votre domaine, mais quand vous tombez dans le mien, ça craint. Vous n’êtes pas à la hauteur. Je ne prendrais pas le risque de vous dicter quoi que ce soit dans votre fonctionnement interne, car je ne pense pas avoir votre capacité de dirigeant ou d’entrepreneur. Prenez exemple.
Vous avez des goûts personnels, je suis au courant des dernières tendances.
Je passe mes journées et soirées sur le web. J’ai le nez dans les revues de marketing, je m’intéresse à l’Art en général, je suis au parfum des tendances du marché. Je peux vous dire ce qui carbure en ce moment, quelle couleur sera à la mode l’automne prochain, quelle typo est in, laquelle est dépassée. Vous avez des goûts personnels, moi aussi. Sauf que les miens, je les laisse de côté quand je travaille pour vous. Ce que vous ne faites pas, mais devriez.
Vous avez le nez dans votre caca. Pas moi.
Pas dans le vôtre en tout cas. Une des difficultés majeures que peut vivre une entreprise c’est la celle d’exercer un peu de recul par rapport à sa propre réalité. Trop dedans. Trop souvent les pieds dans le quotidien pour regarder derrière son épaule. Le syndrome du cordonnier mal chaussé. C’est normal. Je vis la même chose avec mon propre bouiboui. Mais avec le vôtre, je suis capable. Parce que c’est mon travail de le faire pour vous.
Vous ne pouvez pas tout dire.
Le texte que mon client m’a fourni était non seulement plate, mais comblait une page complète d’un document Word™. Plus de mots que d’idées. Ennuyant et redondant à moins d’être un historien et de vouloir répertorier les étapes importantes du développement industriel du dernier siècle. Je m’imagine très bien sa clientèle s’endormir au premier paragraphe et décider que le Larousse serait plus instructif et moins barbant à lire. J’utiliserai moins de mots que vous, mais ils seront choisis pour leurs capacités à bien cerner votre idée et bien convaincre vos clients. Mon slogan aura plus d’impact avec ses huit simples mots que la page de trois cents mots que vous me fournirez.
Vous ne pourrez tout régler.
Je sais que la pub coûte cher. Que moi aussi, je coûte cher. Raison de plus pour s’assurer que vous ne gaspillerez votre argent en la dilapidant dans un truc sans queue ni tête. Donnons-moi le mandat de simplifier vos communications, de passer un seul message, mais que celui-ci soit précis, compris et aie un l’impact souhaité. Concentrons-nous sur l’essentiel. Une chose à la fois.
Vous gaspillez votre argent et moi, mon temps.
Honnêtement, si mon client avait voulu sauver de l’argent, il n’aurait pas eu à me mandater pour cette pub. N’importe qui avec une certaine connaissance des logiciels de graphisme sur le marché aurait été en mesure de réaliser exactement ce à quoi il s’attendait. À une fraction du prix. Je ne dis pas ça pour être chiant, mais tant qu’à m’employer autant abuser au maximum de mon talent et de ma créativité.
Quand je rencontre un nouveau client, à la question pourquoi m’avoir choisi au lieu d’un autre, on répond souvent : j’aime beaucoup votre travail.
Pourquoi alors ne pas me laisser le faire?
Dominic LaBarre
10 mars 2013 at 21:11 //
Bien dit!!!