Chroniques sénégalaises 09 – Le mouton
Ce matin, Jean-Claude, Malick et moi sommes allés acheter le mouton pour vendredi. Ce sera notre souper d’adieu et tout le monde sera là. Bénévolesa, traducteurs et notre équipe seront une dernière fois réunis pour un repas de fête. Fête triste, vous en conviendrez. Personne n’a le goût de quitter. Oui, quelques-uns s’ennuient de leurs proches, mais anticipent quand même avec une certaine peine ce moment qui s’approche hélas, beaucoup trop rapidement.
Au village Mobo, à une douzaine de kilomètres de Thiaré, nous sommes donc allés au marché hebdomadaire, marchander notre bête. Encore une fois la présence de toubabs (blancs) ne laisse personne indifférent. Surtout deux blêmettes comme nous. Comme dans la plupart des marchés africains, les étales font dans l’anarchie organisée. S’empilent pèle-mêle de la nourriture, des vêtements et des épices. Quand on cherche un truc précis, on nous envoie d’un tapis à un autre sans nécessairement trouver. Notre nez hume des saveurs différentes et intéressantes comme il se bouche pour laisser respirer la bouche. Quand ça pue, le bouche c’est mieux pour respirer.
Passé le marché, les troupeaux sont là avec leurs maîtres, prêts à trouver preneurs. La présence de blancs, même s’ils ne font pas partie de la négo officielle devient un obstacle pour Malick. Blanc égale argent. Après une longue discussion, le choix s’est arrêté sur un gros bouc qui, malgré les 10 000 CFA d’excédent attribuable à notre couleur de peau, nous coûtera finalement quelques cent vingt dollars. Pas mal pour nourrir une cinquantaine de personnes. Les pattes ficelées, notre repas à barbichette s’est retrouvé dans le coffre arrière de notre Peugeot à haillon et fait la conversation avec nous tout le long du voyage.
Ça va bien?
Ça va.
Et la famille?
La famille va bien.
Alors tout va bien?
Tout va bien.
Ça va bien.
Très bien.
Jusqu’à vendredi.
S’il était nerveux, on peut en dire davantage de nous. Disons qu’il bougeait assez pour nous faire douter de la solidité de la corde. Dans l’ordre des choses, c’est nous qui devrions le manger, pas le contraire.
Ce repas sera pour nous comme célébrer la Tabaski en retard (on l’a fêté en novembre cette année). Cette fête est un moment fort de la vie religieuse et culturelle au Sénégal. Elle célèbre le geste d’Abraham, à qui Dieu avait ordonné de sacrifier son enfant. Au dernier moment, un beau bélier cornu lui est envoyé du paradis pour le rachat de son fils. Pour perpétuer ce geste, triomphe de la foi sur le doute et le scepticisme, on recommande, à ceux qui ont les moyens, d’ immoler une belle bête après une prière de deux Rakkas (génuflexion). La viande est mangée dans la famille et donnée aux nécessiteux. La recherche du mouton est une activité qui s’entreprend de nombreux jours avant la fête. Le hic, c’est que le prix du mouton s’enflamme pendant cette période, causant des maux de tête, mais surtout des ennuis financiers importants aux Sénégalais moins fortunés qui s’endettent pour s’en procurer un.
Arrivé à la clinique, notre mouton à été attaché près de la cuisine. Il se nourrira des pelures et des restes et dormira sous le citronnier. Il sera bien chouchouté. Comme au Club Med. Jusqu’à vendredi.
Annie G.
18 janvier 2012 at 11:05 //
Pauv’ tit mouton. C’est certain que je n’aurais pas été capable de l’acheter encore moins de le manger.
Louise Claveau
18 janvier 2012 at 13:42 //
À voir ses yeux je ne serais jamais capable de le tuer pour le manger. Marc vous faites un travail extraordinaire toute votre équipe je vous dit que vous êtes des anges pour ces gens. Dites un beau bonjour à mes copines de travail, Audrey Claveau et Danielle Bouchard et un beau bonjour à toute votre équipe. Félicitations à vous tous qui donnes un baume à ces personnes sans resources.
Lucie Beaulieu
18 janvier 2012 at 15:54 //
Merci Marc, de tes récits teintés d’émotions et de réalisme. Ta plume me replonge dans tous les états d’âme qui m’habitaient lorsque j’étais là-bas, avec vous. Lorsque tu parles du sable, j’ai l’impression d’en manger et d’en moucher encore; lorsque tu parles du sourire des enfants, je les revoie me tenir la main si fort lors de mes sorties au village; lorsque tu parles des mamans de leurs multiples enfants, je les vois encore avec un bébé sur le dos presque 24 h sur 24; lorsque tu parles des taxis, j’ai la sensation que mes yeux brûlent encore de toute la poussière qu’ils ont absorbée et lorsque tu as parlé de cette infirmière qui a fondu en larmes devant un bébé mort-né… j’en ai versé une de plus.
J’ai malheureusment dû quitter la mission avant sa fin, obligations professionnelles obligent. Mon itinéraire était déterminé ainsi depuis le tout début.
J’ai par contre été présente assez longtemps pour être à même de constater que ton apport à cette mission humanitaire est inestimable. Ton calme, ton professionnalisme, ta maturité et ton dévouement sont indispensables à toute l’équipe sur place. Tu es un bénévole incroyable, la mission ne serait pas la même sans toi. C’est ton côté si humain qui rend tes récits tellement vrais.
Merci encore pour tout et au plaisir… je retourne pelleter du sable blanc!
Lucie
jean gauthier (cousin)
19 janvier 2012 at 21:44 //
Salut Marc je te lis depuis votre départ ton blog me captive ,très intéressant ;le fait que Danielle soit du groupe m’a donné la chance de te connaître un peu plus.Félicitation pour votre aide humanitaire qui est dû à très peu de gens,un bonjour à Danielle tout particulier ainsi qu’a tout le groupe,au plaisir de se rencontrrer au saguenay,bon retour et bravo encore,by.,