Hey c’est pas à toi. Ni à moi, d’ailleurs.
Et si on parlait typographie? Surtout de leur utilisation par les boîtes de graphisme.
Il m’est arrivé une anecdote, aujourd’hui qui m’a rappelé un truc dont je voulais parler depuis longtemps sur ce blogue. Une agence amie (oui, oui ça se peut!) m’envoie un courriel pour me demander le nom de la typographie utilisée dans le cadre d’un projet pour un client commun. Comme il devait faire une création pour celui-ci, il voulait continuer dans la même lignée de celle que j’avais élaborée. Puisqu’il ne trouvait pas la typographie choisie dans sa collection, il m’a recontacté en me demandant de lui faire parvenir ladite typo. Ce que j’ai refusé. Pas par méchanceté ou mauvaise compétition, mais parce que je ne pouvais pas lui remettre ce qui ne m’appartenait même pas.
Je vous explique.
Les typographies achetées nous donnent uniquement le droit de les utiliser personnellement; en fait, les polices de caractère sont régies de la même manière que les logiciels : elles ne peuvent être copiées ni échangées. Quand tu réalises un mandat pour un client, c’est un concept que tu lui vends, un concept créé avec une typographie; point à la ligne; tu ne lui vends pas une typographie (puisqu’elle ne t’appartient même pas de toute façon et que tu paies pour l’utiliser). Quand le client veut utiliser ultérieurement la même typographie; deux choix s’offrent à lui : l’acheter lui-même pour ses besoins internes ou demander à son agence de se la procurer. Comme un logiciel. Le client ne peut pas, non plus distribuer sa typo, de la même manière qu’elle ne peut donner un logiciel.
Sur son site, Typographe trace un portrait assez juste de la propriété intellectuelle d’une police :
Les caractères typographiques (la création) relèvent de la propriété intellectuelle et artistique, au même titre que le travail de création d’un designer ou de produits industriels propriétaires. Compte tenu de l’ubiquité et de la facilité de partage des fontes numériques (nommés également “polices de caractères”) entre utilisateurs, les considérations juridiques et morales liées au fait même d’utiliser ces fontes (dans le sens logiciel, support numérique des caractères typographiques) sont souvent négligées.
Définition de la contrefaçon
La contrefaçon est aux droits intellectuels ce que le vol est aux biens matériels. Il s’agit de l’atteinte aux droits exclusifs de l’auteur, tant moraux que patrimoniaux, sur son œuvre et l’usage de celle-ci sans son autorisation (art.L355-2 et 3 CPI).
Nous pouvons énumérer les quatre bonnes pratiques suivantes…
- Si vous utilisez une fonte numérique, que ce soit sur votre ordinateur ou sur celui de quelqu’un d’autre, assurez-vous que vous disposez d’un licence pour utiliser cette fonte ;
- Si vous souhaitez utiliser une fonte numérique qui n’est pas installée sur votre ordinateur, vous devez au préalable vous assurer soit que vous ou votre employeur disposez d’une licence pour installer la fonte ou bien en faire l’acquisition ;
- Si vous avez la moindre question à propos de la licence d’une fonte numérique, n’hésitez pas à contacter la fonderie ou le revendeur de la police (si vous n’avez pas cette information, n’importe quelle fonderie ou n’importe quel revendeur — ou peu s’en faut – peut vous aider à identifier l’origine de la fonte) ;
- Ne prêtez pas, ne donnez pas vos fontes numériques à autrui. Vos amis, clients, collègues de travail doivent faire l’acquisition des droits pour les utiliser. Quand on vient à aborder la question des licences de fontes numériques, l’aspect éthique de leur utilisation fait sens, tant d’un point de vue légal que financier. Violer les termes d’un contrat de licence met en danger le designer, le client et peut hypothéquer l’avenir de leurs relations professionnelles. Une approche éthique de l’utilisation des fontes et du respect des contrats de licence est synonyme à la fois de bonnes pratiques des affaires et, partant, d’affaires bien menées. *
De plus, j’ajouterais que l’acquisition de typographies autres que celles souvent fournies par les suites de logiciels de création comme celle d’Adobe permet à une agence de se différencier de ses concurrents, de produire des productions originales : ça devient son coffre à outil personnel et sa marque de commerce. Dans le passé, avant de connaître les règles régissant la typo, à toutes les fois que je fournissais des polices de caractère à un imprimeur ou une autre agence, je voyais apparaître dans le marché des productions faites à partir de celles-ci. Coïncidence? Permettez-moi d’en douter. Parce qu’il est là aussi le problème : après le mandat en cours réalisé, les typos que j’avais envoyées se retrouveraient dans le coffre à outils d’une autre agence ou d’un imprimeur qui l’utilisait à son tour pour créer. Sans avoir eu à débourser une cenne. En toute illégalité.
Voilà. Vous vous coucherez plus intelligent ce soir. Tout en faisant des ZZZ en Helvetica Bold.
* Source : Typographe
Francois
5 mai 2011 at 9:13 //
Merci Marc pour ce cours 101 sur la typo, je vais passé le message à ma gagne qui envoie souvent nos typo aux imprimeurs et même aux clients quand on achète une typo pour un logo. Merci pour cette belle leçon!!
Françoise
6 mai 2011 at 1:39 //
C’est bien tout ça. Mais difficile à gérer (ou contrôler). Comme le respect des normes graphiques d’un logo. Je vois souvent autour de moi des utilisations qui font dresser les cheveux sur la tête, fait innocemment ou volontairement avec un je-m’en-foutisme désarmant sans respect pour le concepteur.
marc
6 mai 2011 at 7:11 //
1 commentaire de François et un autre de Françoise : trop concept!
@ François : ça me fait plaisir, mais surtout ça justifie encore plus le refus qui pourrait être mal reçu par le client ou son agence…
@ Françoise : tu soulèves un point éthique qui vaudrait la peine d’être exploité dans un billet complet. C’est vrai que certains graphistes n’ont aucun respect pour certaines règles établies. Comme je vis un détachement naturel vis-à-vis mes créations, je n’en fais pas une maladie, mais je trouve ça dommage pour le client de voir son image altérée ou complètement bousillée par des gens qui se disent professionnels… À suivre!