Chroniques Sénégalaises – Partie 7
Qui dit projet sans queue ni tête, dit projet intéressant.
Malick devait se rendre à l’ambassade du Canada à Dakar pour régler quelques paperasseries afin de pouvoir venir au Québec en février. Comme je m’entends très bien avec lui, que j’aime bien les projets qui n’ont pas d’allure et que je n’ai pas le mal des transports, je me suis dit que ça serait cool de l’accompagner dans cette course contre la montre…
12 Janvier – 22h – Nous embarquons dans le bus sur la «main» du village de Thiaré. Première constatation c’est un bus pas mal mieux que ce à quoi je m’attendais. Pas plein du tout, ce qui nous permet de prendre un banc chacun et de ne pas devoir le partager avec un quelconque animal. Si nous n’avions pas eu à arrêter dans 8 villages sur notre route, à vivre avec les lumières complètes et d’écouter la musique à fond tout le long du parcours, cette étape nous aurait permis d’emmagasiner quelques heures de sommeil. Mais bon.
13 Janvier – 4h30 – On vient d’arriver à Dakar. Pas dans le centre-ville, car le bus nous laisse en banlieue. Je suis à demi rassuré. Il est tard, on ne voit rien et j’ai entendu plein de trucs sur Dakar. Quand je questionne Malick là-dessus et lui demande si c »est dangereux, il me répond : du tout. J’avoue qu’avec un peu de recul, c’était plutôt niais comme question et que j’aurais dû la poser avant d’entreprendre ce trip… J’imagine ma face s’il avait répondu « beaucoup!»
4h35 – Après l’avoir négocié, nous prenons place dans un taxi qui nous mènera en plein centre-ville de Dakar. L’autoroute est tranquille, les Dakarois dorment. Tant mieux.
4h55 – Place de l’Indépendance, nous commençons à marcher à travers les rues endormies de la ville. Ici et là, des gens se promènent. Près des parcs, des clochards sont couchés, près des commerces, des gardes font le guet, et sur les coins de rue, les putes s’activent. Nous avalons nos premiers kilomètres en passant devant le Palais présidentiel, le Sénat, l’Hôtel de Ville. C’est un peu weird de visiter une ville de noirceur.
5h25 – En passant devant ce qui nous semble le seul restaurant ouvert à cette heure, un restaurant libanais, Malick me dit qu’il a faim. Je le regarde manger pendant que je réalise que la première raison de notre voyage sera réalisée à 8h00 du matin… dans presque trois heures. Je profite du resto pour aller à la salle de bain. L’horreur.
5h45 – Nous continuons notre visite de Dakar By Night en descendant près du port. Je suis surpris de voir que c’est si calme. Je m’attendais de voir plein de gens, des travailleurs de nuit, des gangs de rue, etc. Rien. Certains travailleurs commencent à se pointer…
7h00 – Après quelque 10 kilomètres dans des rues mal éclairées, le soleil commence à se pointer timidement. Nous en profitons pour prendre quelques expressos serrés pour nous réveiller un peu.
8h00 – En pied de grue devant la Pharmacie Guignon, nous sommes les premiers clients. Nous sommes venus chercher les médicaments spécialisés pour les enfants atteints d’ichtyose erythrodermique.
8h10 – En route vers l’Amassade du Canada. Malick s’arrête devant les grilles d’une école primaire et me dit qu’il a passé 5 ans de sa jeunesse dans celle-ci. On fait le tour du bloc et de l’autre côté se trouve son école secondaire. Alors que nous nous apprêtons à quitter ce quartier plein de souvenirs, une voix sortant d’une petite échoppe à café crie le nom de Malick. C’est le même monsieur qui lui servait son déjeuner quand il était étudiant qui vient de le reconnaitre! Malick me dit qu’il a été bouleversé de le revoir; je suis flatté de partager ces moments avec lui.
9h00 – Amabassade du Canada – on nous annonce que les prises de rendez-vous se font uniquement à… 10h30. On repart pour une dizaine de kilomètres…
10h30 – Enfin. La procédure est rapide; nous repartons, Malick a un sourire béat au visage, son séjour au Canada se rapproche.
11h00 – Nous allons dîner. Resto ordinaire, mais nous n’avons pas trop de temps devant nous, nous devons retourner à Thiaré… la route est longue.
11h30 – En avant du resto, on prend un taxi pour se rendre à la « gare routière » pour prendre un taxi-bus. Ce que les Sénégalais appellent une « gare routière » est un stationnement qui ressemble à une cour à scrap où une centaine d’autos sont en attentente de passagers. Nous cherchons ceux qui se rendent à Koalack. Aussitôt trouvé, on s’assoie à l’intérieur de l’auto et attendons les six autres passagers qui nous accompagneront. En attendant, nous sommes sollicités de toute part, vendeurs de fruits, portefeuilles, biscuits, sous-vêtements; les vendeurs entrent leur stock par les fenêtres de la voiture et nous les étalent sous le nez. C’est le chaos.
12h00 – Notre voiture démarre en frisant d’écraser un aveugle qui quêtait sur la rue. Notre jeune chauffeur est un pilote de Formule 1. Nous atterrirons à Kaolack en 3h15, une route qui en prend normalement 4…
15h15 – Taxi, direction centre-ville de Kaolack. Malick a encore quelques procédures administratives exigées pour l’obtention de son visa de visite: preuve de travail, possession d’un compte de banque, autorisation de son école, etc. Nous ferons quelques kilomètres de marche (encore!). Au coin d’une rue, un motocycliste me rentre dedans… je chute par terre. En me relevant, j’aperçois Malick enguirlandant mon agresseur lui criant de s’excuser. Ses cris ameutent certains passants qui s’attroupent maintenant autour de nous… Ils sont plus d’une douzaine à dire au chauffard qu’il a tort de ne pas s’excuser… Nous prenons finalement un autre taxi qui nous mènera à la « gare routière » de Koalack. Même description que celle de Dakar, mais celle-ci est entourée de déchets et ça sent le chien mouillé…
17h00 – Nous sommes finalement en route dans un petit autobus plein à craquer…
18h35 – Terminus Endo Phan. Nous arrivons. Boucbacar nous a envoyé un assistant infirmier pour nous ramener à la maison. Sa Peugeot doit tenir à si peu de chose, que le sable entre dans celle-ci, sous nos pieds.
19h15 – Thiaré. Je ne pense pas m’être couché… je parlerais plutôt d’évanouissement.
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