J’ai le doute au nez
Je suis souvent dans le doute. Je doute de la couleur que je choisis. Je doute du mot que j’utilise. Je doute du média utilisé. Je passe des heures à changer de typographie. Je détruis et reconstruis mes mises en pages. Je joue mon titre sur une, deux, trois lignes. Je le mets en majuscule. En minuscule. Je rogne ma photo. Dérogne. Rerogne. Je noircis à l’infini les pages de mes cahiers. J’UNDO à l’infini. Mon back-up est ma bouée de sauvetage. Je fais des versions à ne plus savoir comment les nommer. Le doute fait partie intégrante de mon processus de création. Je ne vois pas le doute comme une faiblesse, mais comme une exploration obligatoire. Si je ne doute pas, c’est que je suis dans ma zone de confort ou pire, de facilité. Et c’est malsain.
Mes clients me font douter. Quand ils émettent des opinions différentes à la mienne. Quand ils m’amènent sous un autre angle. Quand ils allument mes lanternes par leurs connaissances. Quand leurs expériences me font réfléchir. Le doute n’est pas une faiblesse, mais une ouverture d’esprit et démontre une certaine flexibilité. Voire une sensibilité. Il ne faut pas voir le doute comme une perte de contrôle ou un manque de connaissances; mais plus comme une marque d’intelligence. Se questionner sur ses choix, faire le point, prendre le pouls des autres sont les premiers préceptes à toutes recherches qu’elles soient scientifiques ou créatives.
La certitude est l’ennemi #1 de la créativité. Il faut se méfier de celle-ci. Les certitudes sont des freins. Des barrières qui balisent l’inconnu. Et si l’inconnu, pour certains, c’est la crainte, pour le créateur c’est le terrain fertile qu’il recherche. Le risque de se tromper, certes, mais surtout de se surpasser. J’aime mieux me tromper que de ne pas essayer.
Quand je rencontre des professionnels, qu’ils proviennent de mon champ d’expertise ou d’ailleurs, je déteste quand ils me servent leurs salades d’affirmations gratuites coulées dans le béton. Les Grandes Vérités. Une bonne dose de savoir en canne. Les 101 trucs du vendeur averti. Confiance. Rigueur. Professionnalisme. Comme si le doute était une tare. De non-confiance. De non-rigueur. De non-professionnalisme. Moi, je vous dis que ce sont vos certitudes qui sont dangereuses. Car elles sont immuables. Comme un mur. La dernière fois que je suis rentré dans un mur, ça m’a fait mal. Maintenant je regarde le mur et je me demande comment je ferais pour le franchir, au lieu de rentrer dedans comme un bouc imbécile. Le doute c’est le contraire de l’affirmation « c’est prouvé! » que j’arbore tellement (lire ici). C’est l’antirecette. L’antimoule. Aux gens qui ont peur de passer pour faibles quand ils doutent, je leur dirais que ce qui est faible c’est d’affirmer n’importe quoi au lieu d’exprimer son ignorance de certaines questions auxquelles ils sont confrontés.
Je doute. Je doute de mes doutes. Je doute, donc je crée.
Line Lavoie
26 octobre 2010 at 22:05 //
Je suis tout à fait d’accord, le doute permet aussi la survie!
Clef-re
28 octobre 2010 at 4:54 //
Ce Qu’il Faut Douter !
Bon sang-d’bon sang-d’bonne brouettée…
Je nage dans l’doute, pas d’doute !!! Si vous saviez comme vos propos résonnent… et font écho à ma petite personne !
C’est précisément ce qui vient de me faire envoyer au panier une armada de consultants ensultanés, prétendant savoir d’avance comment il va falloir nager, dans l’océan d’incertitude que la troupe d’explorateurs que j’accompagne s’apprête à affronter… On n’en sait rien tant qu’on est sur le quai, nom d’un pétard mouillé ! La seule attitude à avoir, c’est peut-être (pour rassurer ses galériens, et les engager à partir) de donner le cap pour se mettre en route vers une Inde… qu’on n’atteindra jamais ! Par contre, on arrivera forcément quelque part, en cartographiant le territoire, en navigant à vue !
Je viens de comprendre à quel point les entreprises qui pensent pouvoir « maîtriser » leur activité sur de telles mers se mettent le doigt de la certitude dans l’oeil… jusqu’au coude ! Aujourd’hui, c’est le client, la société, l’environnement qui interagit avec l’entreprise, telle la vague sur la coque du navire, qui contraignent le capitaine et les rameurs à s’adapter, en permanence !
Si jusqu’à présent, les modèles d’organisation para-militaires, dirigistes-descendants, avec des dispositifs de « contrôle » installés, suffisaient à conduire une activité, tel le bateau sur son fleuve tranquille, cela n’est plus possible ! Les marchés planétaires sont autant d’océans mouvants incontrôlables, aux courants changeants, aux vents contraires, poly-influencés… A tout le plus, peut-on espérer polariser la vague de temps en temps, en étroite relation avec elle ! Mais il faut l’apprivoiser, l’écouter, apprendre à sentir le mouvement pour mieux la saisir… sans se faire engloutir ! Et en accepter la nature imprévisible, incertaine, est peut-être la meilleure attitude à avoir face à elle : accepter de ne pas pouvoir la contrôler, c’est le début de la navigabilité… Accepter de ne pas réussir à prendre la vague à chaque fois, et tirer les leçons de chaque tasse qu’on boit, c’est peut-être améliorer son ressort pour mieux envisager la prochaine… Ne pas s’imaginer l’avoir traversée avant d’en avoir senti l’intensité, mais essayer d’être en compréhension maximale, en adéquation avec chaque particularité, c’est peut-être le début de la possibilité de surfer ?… Faire corps avec son client, sa météo, ses aléas, c’est déjà être en résonance, et se préparer, toutes antennes dehors, à offrir une réponse la plus appropriée : solution sur-mesure, imagination débridée à l’appui !
Je doute donc je suis ! Je remets en ce moment tous les « modèles » comportementaux pré-fabriqués, prêts-à-plaquer par des cabinets de sachants emperruqués, au placard des avatars ! Qu’on arrête de s’imaginer pouvoir penser à la place des gens, et qu’il soit seulement possible de transformer leurs comportements par l’injonction… Accompagner la remise en question de chacun, et acceuillir ce qui vient, en balisant l’action collective avec quelques repères de sens, est peut-être la seule façon de développer la réactivité de ses équipes, quel que soit l’iceberg, l’aléa ou le navire-pirate qu’on rencontrera sur sa route… Et il ne sert à rien de se réfugier dans la soute ! Apprendre à apprendre de l’incertitude, ensemble, ou comment trouver sa stabilité dans l’hyper-adaptabilité : ça m’plaît bien, comme mission, mine de crayon !
Allez, matelot… Je r’prends la mer, blindée de tous mes doutes, pétrie de peurs carabinées, certaine de ne pas savoir ce que je vais rencontrer : quelle belle aventure en perspective, nom d’une épopée ! Et quelles belles découvertes à venir, à la saveur insoupçonnée…
Ce Qu’il Faut Dépasser 😉
marc
29 octobre 2010 at 10:19 //
@ Clef-Re
Haha, vous êtes d’une poésie 🙂 Vous avez tellement raison quand vous dites : « … Mais il faut l’apprivoiser, l’écouter, apprendre à sentir le mouvement pour mieux la saisir… sans se faire engloutir ! » La meilleure des stratégies est celle qui permet d’en sortir…
marc
29 octobre 2010 at 10:20 //
@ Line Lavoie
… y pas de doute, là-dessus!
RAnnieB
29 octobre 2010 at 18:22 //
Le doute ne pose problème que lorsqu’il empêche d’avancer. La certitude jamais questionnée, elle, cloue sur place.
marc
29 octobre 2010 at 23:40 //
Haaaaa… je suis content d’avoir un commentaire de RanniB… et il est très bon! 🙂