Laissez-moi vous diriger.
Les circonstances ou la nature des mandats que je réalise présentement me forcent à être la plupart du temps à l’extérieur du bureau, en shootting photo. Soit en studio ou dans des univers très disparates. J’y suis avec des clients différents, des photographes différents et des mannequins qui sont, soit professionnels ou qu’ils le deviennent par la force des choses (prenons l’exemple d’un client qui se retrouve sur un cliché). J’ai déjà parlé du travail de studio, de sa complexité souvent ignorée ou banalisée, mais je n’avais pas parlé de l’atmosphère qui se dégage de ses séances. Il est impossible de prédire à l’avance comment chacune d’elle se déroulera, tellement d’impondérables peuvent s’y produire et changer le déroulement de celles-ci. Une chose demeure, il faut savoir travailler en équipe et respecter les individus.
Pour ma part, je laisse beaucoup de place à l’improvisation lors de ces séances. Je ne suis pas du genre à jouer au « boss », imposer n’est pas mon fort; et tout le monde sait ce qu’il a à faire. La hiérarchie nuit à la créativité : si dès le départ, même si mon idée est précise, mais qu’un accessoiriste propose un truc génial, jamais je ne me buterai à mon idée. C’est simple : on est tous présent sur ce plateau pour faire un succès, alors son égo on le laisse au vestiaire. L’avantage de s’entourer de gens compétents, mais surtout de les laisser s’exprimer, est de créer un produit parfait. Pas un produit presque parfait parce que l’on s’entête à avoir raison, mais une création qui dépasse les attentes de tout le monde.
Pour ce faire, il faut savoir créer une atmosphère de franche camaraderie. L’humour étant souvent la meilleure manière d’évacuer le stress, il n’est pas rare que le studio soit le théâtre de fous rires, de moqueries entre les intervenants. Cela a le grand mérite de mettre les gens moins habitués à l’aise et de rendre ces longues séances plus captivantes. Mais l’avantage secret est de réussir à faire sortir de sa pose, le sujet photographié afin de cliquer le moment magique. Les meilleurs shoots sont les plus naturels, quand l’espace d’un instant le mannequin oublie qu’il est entouré d’une équipe et qu’il décroche du rôle dont on l’a affublé. Clic. Voilà un sourire parfait. Clic. Voici un coup d’oeil songeur naturel. La photo, c’est magique. Ça capture des millièmes de seconde.
Bien diriger, ça veut aussi dire… de ne pas s’en mêler. Quand une complicité s’est développée entre le photographe et le mannequin, il n’y aucune raison d’aller s’immiscer dans cette relation. La direction artistique d’un shoot, ce n’est pas d’être omni présent, c’est beaucoup plus souvent des directives simples de départ, des esquisses réalisées sur un bout de papier qui délimitent le cadre, une couleur d’éclairage approprié, etc. Par la suite, une intervention devra être justifié par un contexte précis : si le mannequin ne comprend pas trop son rôle ou n’est pas à l’aise de le faire, ou si le décor s’avère banal, ou que la lumière n’est pas adéquate. Sinon, le cul sur une chaise, je regarde comment se déroule le tout. Comme un spectateur et non un gérant d’estrade. Et si je n’ai pas à intervenir, c’est que tout se passe à merveille. Et surtout pas que je ne fais pas mon job.
On ne travaille pas tous de la même façon, c’est certain. C’est la façon dans laquelle je suis le plus à l’aise. Question de personnalité, il faut croire. Des histoires de directeurs artistiques névrosés, dictateurs qui gueulent contre tous, sont légion dans le métier. Je ne pense pas que l’on tire quoi que ce soit de positif à être comme ça. S’imposer par la force, c’est le dada des faibles. Les gens sensibles et créatifs arrivent aux mêmes résultats que les méchants en respectant les individus et en allant chercher le meilleur de ceux-ci sans les terroriser. Vous me faites une petite pose?
> @ Paul Cimon – Dernières directives avant le shoot d’une publicité à paraître dans le prochain magazine CVS.
RAnnieB
12 octobre 2010 at 22:08 //
Ton commentaire est pertinent pour toute spère d’activité où la direction est nécessaire à mon avis. Les boss de bécosses font suer tout le monde peu importe la profession.
Clef-re
15 octobre 2010 at 8:22 //
Indeed… Encourager les initiatives individuelles dans une équipe, c’est l’amener à se dépasser ; les valoriser, au-delà du confort de « déléguer », c’est la marque de tout boss qui y a compris… son intérêt ! Maturité, maturité !
grégoire Lemaire
8 novembre 2010 at 11:24 //
DA senior, je n’ai jamais eu à diriger de séance photos, l’occasion se présente et tes conseils sont avisés. Au niveau des préparatifs (storyboard, rough, ambiance …) aurais tu quelques conseils complémentaires ou détaillés pour préparer l’équipe au shooting ?
Par avance Merci
G.
marc
8 novembre 2010 at 21:40 //
Allo Grégoire! Disons que d’avoir esquissé sur papier quelques idées, c’est toujours mieux. Ça permet au photographe et à toute l’équipe de mieux saisir ce que tu veux. Si ton explication est claire, il se peut que tu n’aies pas à intervenir. Le problème de certaines séances est la résultante d’une volonté à vouloir tout contrôler. Avec les mannequins ou comédiens, il faut mettre sa gêne de côté et donner l’exemple de l’attitude que tu veux qu’ils prennent. Y a rien de mieux qu’un exemple concret :{0