On parle de goût, pas dégout.
Ça arrive à l’occasion. Pas souvent, mais juste assez pour en parler ici. Je campe une situation tout à faite fictive. Dans celle çi, je présente la maquette d’un projet à un client, celui-ci réagit de cette façon : il aime bien le concept, l’idée générale, le slogan, le body copy, tout baigne, MAIS je vois bien que quelque chose le titille. Il me dit qu’il déteste la couleur dominante. Ce n’est pas dans sa palette. Il n’aime pas. Et il n’en démord pas. « Ce n’est pas beau! » Comme un enfant qui dit : « C’est pas bon! » Tu as beau expliquer que c’est une couleur très tendance, saisonnière, représentative, contrastante, différente, complémentaire, tendre, pimpante, apaisante, tonique, froide, chaude, distinctive, full 80’s, full 70’s, full mode-genre-truc… « Ce n’est pas beau! » Point. Il ne dit pas que cette couleur est inappropriée, ni qu’elle manque de contraste. Non. Il n’aime pas. Point. En fait, il serait quasiment prêt à saborder le concept tellement il la déteste. L’idée sort moins bien sur cette couleur, bla-bla, le slogan est moins bon sur cette couleur, bla-bla, bref, y a vraiment rien qui va. Uniquement par rapport à ses goûts personnels. Pas de logique. Pur sentiment. On parle de couleur, mais il va de même pour la typographie. « Haaaa, pas en italique! Je déteste les italiques… C’est laid des italiques! C’est moche des italiques! C’est croche des italiques! » « Pourquoi utilises-tu des italiques? Ce n’est pas beau! » Beau? Moi, je trouve le contraire. J’aime bien les italiques. C’est pourtant utile des italiques. Ça danse des italiques. Ça s’exprime des italiques. Ç’est délicat. Instable. Charmant. Plein de qualités. Mais ça ne passe pas. Les arguments techniques, professionnels, rationnels, historiques et métaphysiques n’ébranlent pas la haine que l’on peut porter à ce style typographique. Rien à faire. Le dégoût l’emporte. « Et mon logo, il pourrait être plus gros? Vraiment très gros! Parce que j’ai lu le livre de monsieur Truc – 101 trucs publicitaires – et il le dit, lui, à la page 64, que le logo n’est jamais assez gros… » Heu. Je suis bouche bée là. « Vous ne l’avez pas lu? » Non désolé, seulement feuilleté. Ce n’est pas mon truc, les trucs de M. Trucs. Mais, si c’est écrit, c’est donc vrai, non? Oui, comme ce blogue. « Mais vous n’êtes pas M. Truc! » Revenons à notre maquette, maintenant que je l’ai modifiée à votre goût. Pardon? Vous me demandez c’est quoi ces minuscules bidules autour de votre logo ? C’est votre concept, monsieur. J’ai pensé vous faire plaisir, alors j’ai mis votre logo gros comme la page et j’ai mis un tout petit concept, gros comme un pois (mais pas vert, car vous trouvez que c’est laid, le vert), minuscule, microscopique, de façon à ne pas nuire à votre logo, j’ai mis le slogan en minuscule Arial (je n’ai pas osé mettre Helvetica…). Place au logo! Comme Monsieur Truc le dit. En page 64. 101 trucs publicitaires. L’évangile selon Truc. Les recettes publicitaires de Truc. Ajoutez seulement de l’eau. Concept en poudre. Évitez d’inhaler. Peut vous donner une apparence normale, parfaitement comme tout le monde. Pour être certain de ne pas vous démarquer. N’est-ce pas qu’il est bien votre logo comme ça dans la page. Il prend toute la place et comme ça, tout le monde c’est que c’est vous qui annoncez. Génial non? Vous serez vu. C’est ce qu’on veut est être vu, non? . Pas nécessairement compris ou apprécié, mais vu.
MAJ
Après les commentaires reçus sur Facebook à la suite de la parution de ce billet (j’aurais aimé avoir les commentaires ici, mais l’important c’est d’en avoir…), j’ai senti le besoin d’approfondir ce billet. C’est vachement drôle les perceptions. Je n’ai pas eu l’impression de me lamenter dans ce billet, mais plutôt de tenter d’expliquer uniquement qu’un client peut avoir de la difficulté (quelques fois) à prendre un certain recul par rapport à son entreprise. Le fait d’engager un gars comme moi est déjà une ouverture et surtout une manière d’accepter de se faire dire par quelqu’un d’autre qu’on serait mieux de se présenter de telle ou telle façon. Et de faire confiance. C’est surtout l’aspect majeur que je voulais que l’on comprenne de ce billet. Surtout pas que je considère mes clients comme des plaies qui agissent en bornés. J’ai trop de respect pour eux pour ça. Ce qui est difficile dans un métier comme le mien est de faire accepter des idées qui ne sont pas là pour faire plaisir ou plaire à mon client, mais bien aux clients de mes clients. C’est une nuance majeure. J’ai déjà présenté à un client un projet monté pour des adolescents. Lors du dévoilement de mon créatif, le client a eu une réaction intéressante : il m’a dit qu’il n’aimait pas vraiment le style de graphisme utilisé, mais qu’il considérait que c’était normal puisqu’il avait 55 ans et donc très loin du marché cible auquel cette production s’adressait. Pas facile comme exercice, mais tellement important et promordial. C’est ce que je pense qui fait toute la différence. Je ne fais pas de la pub ou du design pour moi, ni pour mes clients, mais pour les clients de mes clients. Il faut être en mesure de faire abstraction de ses goûts personnels, moi le premier, et penser en fonction de notre clientèle visée. Voilà, pour la mise à jour.
Martin Larose
25 septembre 2009 at 6:53 //
Chimie, Physique, Maths…
Ce sont les seuls endroits où on doit utiliser des f.o.r.m.u.l.e.s.