L’art du slogan vide.
Je suis toujours impressionné à quel point certaines entreprises optent pour des slogans complètement vides de sens pour les décrire. Toutes les fois, je préfère m’imaginer qu’ils ont eux-mêmes créé celui-ci, par faute de budget, mais ce n’est pas toujours le cas, souvent la faute ne leur est pas attribuable, mais bien à leur agence. Comment reconnaître un slogan de campagne inutile? J’ai élaboré quelques pièges dans lesquels il faut éviter de tomber que je vous livre ici.
Si le slogan est interchangeable pour n’importe qui, laissez-le à quelqu’un d’autre. L’autre jour, je rencontrais un commerce avec plusieurs succursales, pour leur proposer une nouvelle plateforme de communication. Dans une rencontre précédente, on m’avait demandé de réfléchir sur un slogan qui faisait pas mal l’unanimité à l’intérieur du groupe : « plus que… ». Ce commerce « est plus que » ce commerce. Imaginons que c’est une quincaillerie : la quincaillerie « A », c’est plus qu’une quincaillerie. Si vous êtes capable d’interchanger n’importe quel nom d’entreprise, ce slogan est inutile. S’il peut être mis en oeuvre dans n’importe quel genre de business, cela ne sert à rien. Un concierge « plus qu’un » concierge, un « comptable « plus qu’un » comptable, cela ne veut rien dire à moins de dire de quoi vous êtes « plus que ». De toute façon, tout le monde est « plus que » et personne ne veut être « moins que ». À éviter.
Dire un mensonge, ce n’est pas grave jusqu’au temps que l’on s’en rende compte. Pourquoi affirmer haut et fort que vous êtes le moins cher, le plus fort, le plus fiable si ce n’est pas vrai? Honnêtement, pensez-vous vraiment que les gens croient encore à ce genre de publicité? Pensez-vous vraiment que les gens croient que vous êtes le moins cher quand ils ressortent de chez vous décus de ne pas avoir eu le prix qu’ils pensaient trouver? Au contraire, ils sont fâchés de s’être déplacés pour rien. Pensez à Bell avec sa la vie est belle. Il faut s’être frotté à son service à la clientèle pour se rendre compte à quel point son slogan ne reflète pas ce que l’entreprise voudrait nous laisser croire. Wal-Mart affirme qu’il est moins cher… parce qu’il est moins cher. Point. Si vous ne l’êtes pas, ne le dites pas. Un mensonge en pub vous revient dans la face comme un boomerang. Hey, on est plus en 1950, ce genre de mensonge éhonté est périmé.
Être quelqu’un d’autre n’amènera pas les gens chez vous, mais ailleurs. Sur la même lancée que le mensonge, il faut faire la différence entre ce que nous aimerions être comme entreprise et ce que nous sommes vraiment. Regarder évoluer votre concurrent et faire la même chose que ce qu’il fait n’est pas très brillant. Vous vous identifiez comme suiveur, qui veut se ranger derrière la copie? La meilleure façon de vous faire connaître est de vous décrire comme vous êtes. Vous êtes capable de tenir un rôle qui n’est pas le vôtre combien de temps avant de revenir à vos vieilles habitudes? Vaut mieux être soi-même et mettre ses qualités de l’avant. Les siennes. Quand je rencontre un nouveau client, maintenant, je lui dis ouvertement que si la première qualité qu’il recherche dans une agence est sa rapidité d’exécution, je ne suis pas là. Affirmer le contraire me met une pression inutile et crée une frustration chez mon client à la première échéance défoncée. Je ne dis pas que je suis incapable de faire des contrats urgents, sur pression, je dis simplement que si c’est son critère principal de sélection, je ne suis pas le plus fiable dans ce domaine vu la grosseur de ma boîte. Cela n’enlève rien à mes qualités de créateur. J’aime mieux être choisi parce que je suis bon que parce que je suis vite…
Si ça prend un dictionnaire pour comprendre ce que vous faites dans la vie, consultez-le pour trouver une autre façon de vous décrire. Keep it simple. Les meilleurs slogans sont simples et faciles à comprendre. « Le pouvoir infini du câble» pour Vidéotron, est un slogan simple, facile à comprendre. À moins que vous sachiez que vous vous adressez à des docteurs en physique nucléaire, évitez les slogans qui, pour être compris, ont besoin d’une préalable lecture de « De l’atome aux machines quantiques ». Dans une première vie d’agence, j’aimais, à l’ancienne, déblatérer et préparer le terrain afin de présenter un nouveau concept à un client, aujourd’hui je lance mon concept sans préambule, comme il sera présenté au grand public. S’il faut une introduction ou une mise en situation à un consommateur pour comprendre la campagne que j’ai créée à mon client, j’ai un méchant problème et mon client encore plus que moi.
Ne prenez pas les gens pour des cons. Je n’aime pas les gens qui généralisent. Il se peut que le slogan que j’ai trouvé pour mon client ne soit incompris uniquement que… par mon client. Si vous avez 50 ans et que votre clientèle en a 15, il se peut que vous trouviez la campagne que je propose complètement incompréhensible. C’est normal. Affirmer que les gens ne comprendront pas parce que vous ne comprenez pas n’est pas une équation logique. Faire abstraction de ses goûts personnels est une étape importante à franchir quand on veut communiquer à une masse. Être intelligent ne veut pas dire être incompréhensible, je n’aime pas qu’on nivelle par le bas, qu’on se censure à trouver des mots de deux syllabes en pensant que les gens ne comprendront pas. Méfiez-vous de l’effet contraire : si votre clientèle est du genre « haut de gamme » elle ne se retrouvera pas dans un genre de slogan “bas de gamme”.
Vous êtes peut-être bon à faire ce que vous faites dans la vie, mais je le suis, moi aussi. Faites confiance. Pas aveuglément, mais presque. Quand je fais réparer ma voiture, je ne juge pas le travail du gars car je ne connais pas la mécanique, je me dis qu’il connaît ça plus que moi. Quand mon comptable m’affirme que c’est bel et bien ce montant-là que je dois au gouvernement, je le crois; il a étudié pour ça et ce n’est pas son premier dossier. Quand mon avocat me dit que je devrais signer, qu’on n’aura pas plus de toute façon, je signe, il du métier, il connaît les lois et en a vu d’autres. Si je m’adressais à un gars comme moi pour me trouver un slogan, me créer un concept qui me vendrait bien, pourquoi ne suivrais-je pas ses conseils?
Jay
17 avril 2009 at 9:08 //
Quel bonheur de voir, ou de lire plutôt, quelqu’un qui fait la lumière sur un problème épineux. Je rencontre la même difficulté lorsqu’il est temps de fournir une solution à un client.
-« Vous êtes le meilleur dans votre domaine, et bien moi je connais très bien le mien. Faites-moi confiance. »
J’ai espérance que les gens vont comprendre de plus en plus le fait qu’on ne peut pas tout faire et le faire bien. Chacun sa spécialité et les vaches seront bien gardées comme disait l’autre.
Au moins, tu as l’âge (ou l’expérience!) de ton côté pour les rassurer… ;-p
Martin Larose
17 avril 2009 at 13:14 //
Ah! Très juste…
J’aime particulièrement le deuxième…
Combien de fois, et c’est malheureusement fréquent faute de manque d’information (ou refus de celle-ci?) où on a entendu des âneries comme:«Ils sont les précursseurs…», «Ils sont les premiers à implanter…», «Ce processus unique au…», «Unique en Amérique du Nord…», «On est les moins chers…»…
Pour quelqu’un qui n’est pas dans le monde la pub comme moi, très instructif et très intéressant ton blogue de ce matin.
Clef-re
20 avril 2009 at 18:29 //
Sincérité, intégrité, humilité…
Trois règles d’or pour naviguer sur toutes les mers, par tous les temps, quels que soient les matelots !
Un zeste d’humour frais et une bonne dose de remise en question, aux changements de saison : a-dap-ta-tion !
Surfe-qui-peut, palsembleu !
Stefan
31 juillet 2010 at 4:04 //
Bonjour
Je suis musicien et je vais faire une chanson sur les slogans, notamment les innombrables qui prennent ostensiblement les consommateurs pour des crétins, ceux qui sont absolument vides de sens ou encore ceux qui s’adressent au mieux, au cerveau d’une grenouille décérébrée..
Si vous aves l’info, pouvez vous me la transmettre par mail ?
Merci