O. pressée.
Un article du NY Times a attiré mon attention le week-end dernier. Il traitait de la guigne de certains consommateurs par rapport à leurs marques préférées. L’article citait par exemple le nouvel emballage des jus Tropicana. Pepsi Co avait entrepris à la fin de 2008 un grand ménage au niveau de sa marque phare Tropicana en introduisant son tout nouveau look à ses consommateurs dès le début de l’année. Nouveau logo, nouvelle typographie, emballages plus sobres, avaient été introduits; on avait même enlevé l’orange transpercée par une paille, l’image par laquelle la multinationale du jus était la plus reconnue. Erreur. Les consommateurs n’ont pas du tout apprécié. Tellement en fait, que les nombreux courriels et téléphones dénonçant la stratégie ont été si agressifs que Pepsi Co a du faire marche arrière en annonçant qu’elle reviendrait peut-être à ses anciens emballages dès février. Les propos des consommateurs étaient sans équivoque : l’emballage leur faisait penser à une marque de jus maison ou encore un produit sans-marque générique, et pire encore, qu’il était rendu difficile de différencier Tropicana des autres jus de la compétition. Ce qui est impressionnant, c’est que selon leurs études (parce que ces megas entreprises, ne font pas un geste d’une telle ampleur sans sonder et faire des focus groups) aucun des malaises n’avait été préssenti : même qu’une des conclusions de leurs nombreuses enquêtes révélait que la paille et l’orange (l’image que les gens regrettaient) avaient peu de reconnaissance vis-à-vis la clientèle. On avait sous-estimé le pouvoir de séduction qu’une marque peut détenir. L’«Emotional Branding » comme disent les Français. Cela ne vous rappelle pas les problèmes du Nouveau Coke en 1985? La concurrente de Pepsi avait dû elle aussi faire volte-face par rapport à sa clientèle et son mécontentement.
À l’heure de Facebook, où un groupe de protestation peut se monter en quelques minutes, où un vidéo dénonçant un produit ou une situation peut se monter en quelques heures et être vu par des millions d’internautes, les compagnies ont de moins en moins de latitude à se laisser aller. Les études à grands frais que Pepsi Co s’est offertes n’ont pas décelé la fibre émotionnelle de Tropicana vis-à-vis ses consommateurs. On a dû réalisé mille et un focus groups dans les règles de l’art, mais en oubliant de sonder les gens sur les choses qui les touchaient vraiment.
Quelles leçons faut-il tirer de l’aventure Tropicana vs les buveurs de jus d’orange par rapport à des entreprises de moins grandes tailles ou de marchés différents : écouter et sentir. Écouter ses clients; suivre la tendance, oui, mais avant tout leur donner ce qu’ils veulent. Pas ce que nous voulons leur donner, mais bien ce dont ils ont besoin. Éviter le discours : nous savons ce dont vous avez besoin. Plutôt prendre en considération leurs attentes émotionnelles par rapport à nos produits. Surtout ne pas les prendre pour des cons. Surtout ne pas leur vendre de quoi. No bullshit. Dites qui vous êtes, ce que vous faites pas ce que voudriez être et faire. Soyez vous-même. Avant, j’avais tendance à faire de grands préambules avant mes présentations, expliquer de long en large mes axes de communication en préparant le terrain à la présentation de mon concept. Je ne le fais plus. Je fonce et présente mes maquettes. Pourquoi? Parce que c’est de cette façon qu’elles se débattront sur la place publique, mes idées. Je ne serai pas derrière chacune des personnes qui se verront solliciter par ma publicité ou mon emballage à déblatérer que j’ai choisi telle typographie ou une autre pour attirer son attention; il n’en a rien à foutre. Et un concept que l’on doit expliquer est un mauvais concept ou une idée trop compliquée. Sentir les gens autant que les sonder. La différence? Si tu les sondes uniquement, ils te diront ce qu’ils leur plaisent tout en restant à l’intérieur du cadre, par contre, si tu tentes de sentir les émotions de tes clients par rapport à ce que tu fais pour eux, tu auras une meilleure idée de leurs attentes et leurs déceptions. C’est plus souvent qu’autrement dans les détails que les gens accrochent, pas sur les grande lignes. Les gens du service à la clientèle sentent plus souvent les gens que ceux du département des ventes. Ils ont les plaintes, les demandes délicates, ils sentent plus ce que les gens pensent, vraiment; parce que les clients ne font pas face à un spécialiste des ventes, mais bien à quelqu’un qui va écouter leurs doléances plutôt que les convaincre du contraire. Il est primordial pour les entreprises, d’établir un dialogue avec ses clients: fini l’ère des monologues et des pitchs de vente qui sentent le réchauffé; offrez, discutez, réagissez, décloisonnez les murs qui sont entre vous et le client. C’est à partir de ce dialogue que vous serez en mesure de mieux répondre à vos clients.
Quand vous prendrez une gorgée de jus d’orange, au déjeuner, regardez l’emballage qui se trouve sur votre table et imaginez comment vous auriez réagi si vous aviez été Pepsi Co.
Clef-re
8 mars 2009 at 17:08 //
Je n’boirai plus mon jus d’la même manière, dorénavant, c’est sûr ! 😉
Merci pour l’info, le mémo, en cortex-démangeo-cadeau ! Je dois présenter demain soir aux entités supérieures de mon entreprise une synthèse sur le schmilblick qu’ils m’ont confié, et… mes propositions pour l’améliorer. Bien qu’ils m’aient demandé de cuisiner des solutions, je m’aperçois grâce à vous… qu’il se pourrait bien que j’aie prévu de leur livrer la recette, là où le plat commandé suffirait, hum ?…
Reste à voir !
Une bonne nuit de sommeil résoudra sans doute ce dilemme !
‘sta luego, naranjero !
marc
8 mars 2009 at 23:22 //
Vous savez, les grands Chefs n’hésitent jamais à divulguer leurs recettes. C’est un geste qui peut paraître généreux, mais en fait, c’est plutôt arroguant et ça envoie ce message simple : comme vous avez maintenant les ingrédients, je vous défie de réussir ce plat comme moi !
Clef-re
9 mars 2009 at 15:15 //
Ai-je été arrogante, dans mes propos, malgré mon intention ?… Ce serait… bien pire que de l’avoir souhaité !Puisque c’est hélas possible [ 🙁 ], au-delà du perceptible, et si vous pensiez que c’est le cas, je vous suis infiniment reconnaissante de bien vouloir m’aider, par votre point de vue, à corriger cela !
Si je lance des défis, parfois, pour ce que je crois, j’ai bien l’impression que ça n’est… qu’à moi ! 😉 J’ai beaucoup plus confiance en mon prochain, de manière générale, qu’en mes incongruidées… Alors les défis, leçons de morale et autres prétendues pertinences, j’en laisse l’exclusivité à ceux que ça intéresse : si j’y suis obligée, je les pratique avec parcimonie, et munie d’une boule rouge… au bout du nez !
P.S. : je sors du Comité de Pilotage trucmuchesque, et devinez quoi ? Après le menu, l’avant-goût et le test, ces messieurs-dames ont voulu connaître… le reste ! La re-cet-te ! 🙂
CQFC ! (Ce Qu’il Fallait Cuisiner !)
marc
9 mars 2009 at 18:52 //
Arrogante? Pas du tout! J’ai simplement voulu dédramatisé que votre client/supérieur ait exigé de connaître la recette. Pour un chef, remettre sa liste d’ingrédients et son mode d’emploi n’est pas dramatique parce que lui, il sait qu’il peut recréer à sa guise d’autres recettes ou simplement améliorer les anciennes, ce qui n’est pas le cas des gens qui ont besoin… de la recette. Les créatifs auront toujours le dessus sur les pragmatiques…