Dr Jekyll and Mr Hyde.
Confidence. J’achète énormément de revues, consulte une multitude de sites internet consacrés à la création et j’ai toujours le même malaise devant les concepts qui me jettent par terre : la joie et la peine, l’admiration et l’envie. D’aussi loin que je me rappelle, deux sentiments complètement contradictoires se sont toujours confrontés devant des productions que je trouve vraiment bien réussies. Je n’y peux rien. C’est plus fort que moi. Quand je suis devant une création qui me fait vibrer, je jubile, je m’exclame, mais en même temps je suis triste, envieux de n’être pas l’auteur d’un tel coup de génie. Si ça s’arrêtait là, ça ne serait pas si mal. Ça pourrait être vivable, quoi. Mais j’en rajoute; en regardant dans mon cahier les dernières idées que j’ai sorti pour tel ou tel autre de mes clients, je les trouve toute plus mauvaises l’une que l’autre. Comme si la pub dont je viens à peine de découvrir l’existence venait faire de l’ombre, enlaidir ou amoindrir mes dernières créations. Pas facile à admettre. Encore moins facile à vivre. Uniquement pour moi, vous dirais-je. Pour la plupart de mes clients, cette tragédie que je vis à l’intérieur de moi tourne plus souvent qu’autrement en leur faveur. Parce que l’envie pousse le créateur à vouloir revivre l’extase du trait de génie. Plus je vois des travaux magnifiques, plus je suis abattu. Plus je suis abattu, plus je sors ce qu’il y de mieux en moi. Tu n’évolues pas comme idéateur en te comparant à plus poche que toi. Être le meilleur des moins bons n’a vraiment rien de gratifiant. Faites le parallèle avec une équipe sportive: imaginez une équipe de la Ligne nationale de Hockey se frotter à une équipe junior et jubiler de les renverser 20-0. Rien pour prendre son pied. Je dirais même qu’il n’y a vraiment rien de très grandiose dans le geste. La création, pour moi, c’est la même chose. C’est un travail douloureux. Trouver une idée, c’est facile. Trouver L’IDÉE, c’est pas mal plus difficile. Elle est là, à l’intérieur de toi, cachée à quelque part, enfouie sous des tonnes d’idées préconçues. On passe souvent tout près, mais on se censure. Et là, au moment où on ne l’attendait pas, tadam! elle apparaît. Elle est parfaite. Géniale. Et c’est à ce moment-là précis, qu’il faille la dépasser. Parce que c’est après cette idée géniale, que le trait de génie fait surface. C’est quand on pense avoir atteint l’absolu que le moment de grâce surgit. Jean-Marie Dru, président de TBWA, appelait ce moment « le saut créatif » dans un livre sublime, du même titre, que j’avais lu à l’université (avis de recherche, ce livre est épuisé, mais si vous le retrouvez : je suis preneur!!!). Les supers créatifs capables de sortir mille idées (tout aussi nulles) à la minute m’ont toujours mis en horreur. Comme les créateurs qui vantent leurs créations avant qu’on le fasse à leur place. L’humilité en création est de mise. À moins d’avoir un ego surdimensionné qui vous bouche la vue; quand vous lèverez les yeux et regarderez autour de vous, vous constaterez alors qu’il existe pas mal plus de cerveaux que vous avez de cellules dans le vôtre.
Petite création de JWT pour Converse qui m’a fait mal ce matin… 🙂
Clef-re
13 février 2009 at 4:56 //
« Mes deux neurones – Chronique d’une cohabitation forcée » m’avait à ce titre, il y a kek zannées, attirée…
Cf http://yoda.zoy.org/
marc
13 février 2009 at 7:31 //
Quel joli titre – Mes deux neurones – chronique d’une cohabitation forcée … mmm, je suis un peu envieux 🙂