Mea Culpa ou Chinois, sors de ce corps!
On parle souvent de droits d’auteur dans mon métier. Certaines boîtes, dont je tairai le nom (et le lien internet), en font leur cheval de bataille. Pas moi. Je n’ai pas l’égo assez développé pour me prendre pour plus que je suis. Disons, que ma vision est que les idées sont difficilement attribuables à une seule et unique personne. Nous subissons des influences multiples, et ce, encore plus depuis que nous avons cet écran d’ordinateur 10 heures par jour dans la face. Nous sommes tellement sollicités que même lorsque je trouve une idée que je considère géniale et unique, que je me mets à délirer que je suis un créateur extraordinaire, que l’idée que je viens de pondre est la meilleure du monde, qu’elle vient de délimiter la frontière entre la nouvelle pub (moi) et l’ancienne pub (avant moi), j’ai un doute plus gros que mon idée. Même si je fouette mon foulard d’artiste autour de mon cou, m’imagine assis à cette terrasse des Champs-Élysés, avec en trame sonore « La Bohème » de Charles jusqu’à ce que tout à coup, la vapeur se dissipe, qu’il pousse des roues sous ma chaise de bistro, que la table, où repose ma coupe de vin, se transforme en bureau de travail et que le brouillard dissipé, apparaît sous mes yeux un projet similaire au mien, sur un site traitant de publicités internationales. Bref, mon rêve de grand artiste se dématérialise en regardant l’écran de mon ordi, me rendant compte que MON idée géniale a déjà été utilisée. Pas nécessairement comme je l’ai réalisée. Mais inspirée. Dans la tendance, quoi. Les gens qui voudront vous faire croire le contraire sont, soit inconscients de leur entourage et des 6 752 143 051 de cerveaux autour d’eux, soit des menteurs ou simplement des imbus d’eux-mêmes. Il n’existe aucun créateur qui n’a jamais été influencé. Que ce soit directement ou indirectement. Délimiter la zone entre l’influence et la copie, c’est disons… pas facile du tout. On ne parle pas ici d’une copie carbone, du syndrome chinois du clonage, mais d’une inspiration. Je ne sais pas si c’est ma résolution de début d’année qui me fait délirer de la sorte, mais bordel que mes introductions sont longues… J’y arrive là, à mon sujet principal. Je suis tombé sur cet article de La Presse (pris sur le Mirror ( tiens, tiens, en parlant d’inspiration…) qui décrivait comment les Chinois s’appropriaient des concepts de restauration rapide (voir photos), en leur enlevant juste ce qu’il faut pour être honnête mais laissant grossièrement les détails qui font que l’on les reconnaît. Et je me suis rappelé que dans une autre vie, j’avais déjà fait pareil. Mea Culpa total du créateur unique. Moi, Marc Gauthier, j’avoue devant je ne sais combien d’internautes, avoir déjà copié, de façon directe et malhonnète un concept intégral. Voici les faits. Je suis déjà allé travailler en Haïti, en 1996-97 (dans un prochain article si le coeur m’en dit, je vous raconterai pourquoi et comment). Bon, je résume le mandat et la situation. Je suis en Haïti avec Christian Gravel, un consultant des Consultants Trigone, à Chicoutimi, mais à l’époque, directeur du marketing du Groupe Brandt, une entreprise de la-bas qui verse, entre autres, dans le sucre, le poulet, les huiles et les beurres de cuisson. Mon mandat: créer des emballages de produits qui plairont aux Haïtiens mais surtout qui rivaliseront avec les produits importés, comme ceux des Européens ou des Américains. Les Haïtiens, comme n’importe quel peuple de la terre, aiment ce qui est nouveau, trendy, ce qui améliore leur standing. Après mûres discussions avec Christian et les gens aux ventes du Groupe, notre cible est la marque numéro 1 au pays: Maggi. La marque à abattre. Mais on a pas les budgets, ni la notoriété internationale de Maggi, nous somme une petite marque nationale non reconnue. Une marque sans nom. Qu’est-ce que l’on fait: on leur vole. Notre produit s’appelera Magic, nous utiliserons la même typo, le même logo, la même couleur, l’emballage sera le même, nous leur emprunterons leur réputation, leur branding quoi. Rien de moins. Pour rendre le tout encore plus vrai, on y rajoute une nomination d’importation, on y appose un barcode bidon (à ma mémoire, si l’on peut si fier, celui-ci utilisait mon numéro de téléphone de l’époque). Il n’y a aucune règle à respecter, c’est « bar open ». Le résulat est stupéfiant. C’est à s’y méprendre. En étalage, les gens moins vigilants n’y verront que du feu. Surtout dans une population à 90 % analphabète. OK. C’est de la copie. Pur et simple. Je n’étais pas hyper fier du travail accompli, mais je me sentais quand même bien. Parce que les règles du marché international, que j’avais peut-être enfreignées, étaient bafouées de toute façon par le géant Maggi, qui lui-même effectuait du dumping commercial sur la perle des Gonaïves. Dans ma tête, je me disais, candidement: oui, j’ai copié un concept mais c’est pour une bonne cause, en mentant au peuple haïtien, je leur rend quand même service en combattant « l’envahisseur ». J’étais naïf, sûrement. Mais je dois encore l’être car, demain, si j’avais le même mandat, je referais la même chose.
Les photos (et l’inspiration) sont du Mirror via La Presse.
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